Ecoutez "Rejoice", un appel à se réjouir qui sort en plein confinement mondial

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Ecoutez "Rejoice", un appel à se réjouir qui sort en plein confinement mondial

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Tony Allen & Hugh Masekela (composite)
Tony Allen & Hugh Masekela (composite)
- Hugo Glendinning & Gavin Rodgers

Culture Maison. Le fruit de la rencontre entre Tony Allen et Hugh Masekela, deux géants de la musique, est enfin sorti dans les bacs, et bien sûr sur les plateformes d’écoute en ligne.

Elodie Maillot, productrice à France Culture, vous invite à découvrir Rejoice, composé par les musiciens nigérian et sud-africain. Si l’album est sorti fin mars, il a été imaginé il y a plus de 10 ans. Après la mort de Masekela en 2018, il a été terminé en 2020 par Tony Allen, et des musiciens de la bouillonnante scène londonienne. Rejoice !

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Y a-t-il un avenir possible pour les oeuvres que l’on remet à plus tard ?

Les bandes analogiques confinées dans des vieux cartons, les enregistrements perdus dans des caves, ou carrément abandonnés sur des disques durs poussiéreux, doivent-il avoir une vie après l’oubli ?

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Techniquement, la chose est bien sûr possible, et l’histoire de la musique ne manque pas de duos posthumes, de remix fantômes et d’inédits post-mortem où les sons vintages viennent hanter d’autres époques avec un message anachronique, pas toujours très heureux.

Rejoice (Réjouissez-vous) a d’ailleurs failli finir aux oubliettes. Après tout, Tony Allen et Hugh Masekela n’avaient eu que deux jours pour enregistrer vite fait entre deux concerts à Londres. A la mort de Hugh Masekela en 2018, Allen pensait le projet enterré.

Pourtant, à 80 ans, le batteur nigérian que la toute pop s’arrache a finalement décidé de s’y remettre. Il a conservé le principe de cette conversation Nigéria-Afrique du Sud inédite en version trompette-batterie. Allen a juste ajouté de nouvelles lignes de basses, et convoqué quelques stars de la bouillonnante scène jazz anglaise actuelle (Tom Herbert, Joe Armon-Jones, Mutale Chashi et Steve Williamson). Du coup, ce dialogue entre vieux lions prend une toute autre dimension.

Trouver le temps de finir

5 Tony Allen & Hugh Masekela (Livingston 2010)
5 Tony Allen & Hugh Masekela (Livingston 2010)
- Gavin Rodgers

Quand on se croisait dans des festivals, raconte Tony Allen_, on se disait que ce disque ne sortirait jamais parce qu’on n’arrivait pas à trouver le temps de le finir ensemble. _

L’été dernier, les bandes ont été exhumées par Nick Gold, à qui l’on doit la découverte des légendes du Buena Vista Social Club (Ibrahim Ferer, Omara Portuando, Eliades Ochoa) et la carrière internationale de grands artistes africains comme Ali Farka Touré, Oumou Sangaré ou Toumani Diabaté.

Le patron du label World Circuit a demandé à Allen de retravailler l’album, en gardant l’esprit minimaliste de ces sessions spontanées, et les quelques mots que les deux instrumentistes ont improvisés en 2010 : des paroles qui parlaient de l’espoir que suscitait l’élection d’Obama, des ghettos, ou de leur jeunesse.

Continent Musiques
59 min

Hugh Masekela et Tony Allen se sont rencontrés à Lagos dans les années 70. A l’époque, Tony Allen était le directeur musical de Fela Kuti. Ensemble, ils inventaient un son hybride et novateur qui révolutionne encore la pop actuelle : l’afrobeat. Si cette musique de rupture, tant esthétique que politique, résiste aux années c’est bien grâce à une rythmique complexe qui relie le cortex au bassin. Et ce massage jubilatoire tient dans les baguettes d’Allen !

Le batteur a commencé sa carrière sur le tard. Les oreilles connectées au jazz américain du label Blue Note, il imaginait les gestes de Max Roach qu’il écoutait en boucle. De son côté, Hugh Masekela avait déjà à la fin des années 60 un tube ( Grazing in the Grass) et une renommée qui lui ont permis de fuir Jo’bourg et l’apartheid pour se réinventer aux Etats-Unis. Il y a retrouvé la chanteuse Myriam Makeba, qui deviendra un temps son épouse.

Quand Masekela vient à Lagos, il tape le boeuf chez Fela Kuti avec Tony Allen, et même avec Gilberto Gil, Caetano Veloso ou Stevie Wonder, qui débarquent au Nigéria pour le Festac de 1977.

A l’époque, le live est roi, on boit du vin de palme et personne ne pense à enregistrer ces rencontres musicales internationales. Allen et Masekela veulent juste inventer une autre Afrique et une nouvelle musique qui va au-delà du jazz américain qui les a nourris.

« L’Afrobeat sera une des musiques du futur » prédisait Miles Davis

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Rejoice est donc leur premier disque en duo. Cet excellent remède à la déprime ambiante sonne aussi comme une archive perdue de ces années où la musique portait les idéaux au-delà de ce qui semblait possible, quand tout semblait perdu.

« L’Afrobeat sera une des musiques du futur » prédisait justement Miles Davis. Et malgré 30 ans d’exil à Paris, Allen n’a jamais lâché ce fil invisible qui le relie à la pulsion des origines. Il a volontairement choisi l’ombre et la place assise - celle du batteur- plutôt que le poing levé et le devant de la scène. Le beat plutôt que les projecteurs. Mais Allen a traversé les plus grandes aventures musicales du siècle : jazz, afrobeat, dub, hip-hop, rock, electro, chanson française et autres remixes, dans la pop chez Air, Charlotte Gainsbourg, Raphaël ou avec Damon Albarn, qui lui rend hommage dans une chanson de Blur.

Visionnaire dans le tempo

Même avant de couper le cordon avec Fela en 1979, Tony Allen était déjà visionnaire. En 2020, le maître des baguettes tradition afro n’a pas perdu son sens du groove, ce qui lui évite de faire des « disques de batteur » où le kit Pearl et les cymbales sont là pour en mettre plein la vue, sans aucun fil conducteur.

Pas le moins du monde ego-trippé, le séminal Allen sait partager, et laisser planer une magie qui ne se démode pas. Ce duo avec Hugh Masekela est un ovni dans la galaxie de ses diverses collaborations, une vraie conversation. Pas besoin de torse nu ni de biceps rutilants pour incarner la puissance, elle tient dans l’espace créé par l’écoute réciproque des deux artistes. Il y a le tempo et l’assise de Tony Allen. Il y a souffle et la grâce de la trompette de Hugh Masekela. Et peu de mots. Juste un refrain entêtant : « Lagos will never be the same without Fela » (Lagos ne sera plus jamais la même, sans Fela).

Dix ans plus tard, alors que la capitale nigériane pourrait devenir un des plus gros foyers du Covid-19 en Afrique, ce refrain où « plus rien ne sera plus comme avant » résonne encore autrement…

  • Album Rejoice de Tony Allen et Hugh Masekala (Label : World Circuit) 

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