La police américaine est-elle raciste ?

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La police américaine est-elle raciste ?

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les idées claires | La police américaine est-elle une institution intrinsèquement raciste ? C'est la question au cœur des Idées Claires, notre programme hebdomadaire produit par France Culture et franceinfo destiné à lutter contre les désordres de l'information, des fake news aux idées reçues.

George Floyd, rarement le nom d’une victime de violences policières n'aura autant résonné dans le monde. L’Afro-Américain de 46 ans, étouffé sous le genou d’un policier, le 25 mais dernier à Minneapolis, est devenu le symbole des violences policières. Mais au-delà des violences, c’est surtout la question du racisme de l’institution qui est posée, une fois de plus. C'est la question que nous avons posée à Pap Ndiaye, professeur d’histoire à Sciences Po Paris.

La police américaine est-elle raciste ?

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Pap Ndiaye : "La police américaine a une longue histoire de comportements racistes depuis le XIXe siècle. La professionnalisation de la police dans beaucoup d’endroits des Etats-Unis, à partir des années 1910-1920, s’est faite autour du maintien de l’ordre et de la répression des Africains-Américains. C’est un ensemble de choses plus profond que le comportement déviant de tel ou tel. 

C’est quelque chose de plus ancré dans l’histoire de l’institution, dans la formation des policiers, dans leurs recrutement, dans la culture policière, le langage utilisé, les doctrines de maintien de l’ordre, les techniques de contrôle des personnes appréhendées. C’est si vrai que des policiers Africains-Américains, notamment à Baltimore, ont pu être inculpés pour comportement raciste à l’égard d’autres Africains-Américains."

Ce racisme est-il documenté par des études statistiques ?

Pap Ndiaye : "Oui, il y a beaucoup de statistiques aux Etats-Unis, contrairement à la France, qui montrent que le taux d’arrestation sans parler du nombre de morts, concernant les Africains-Américains est au minimum 2,5 fois plus élevé que pour les blancs alors que les Africains-Américains ne composent que 13,5% à 14% de la population américaine. "

Le recrutement de policiers noirs n’a rien changé ?

Pap Ndiaye : "Après les grandes émeutes de 1967 et de 1968, une commission spécialement formée a recommandé l’embauche de policiers noirs pour arranger la situation. Des études récentes ont montré que ça n’avait pas eu d’effet très net. Il vaut mieux avoir de la diversité dans la police que de ne pas en avoir mais les résultats sont faibles tant le racisme structurel de la police l’emporte finalement sur la couleur de peau des policiers."

Les violences policières ont-elles diminué depuis qu’on peut les filmer ?

Pap Ndiaye : "L’arrivée de la vidéo, dès 1991, avec le tabassage de Rodney King à Los Angeles, avec les émeutes qui ont suivi, a eu un effet au sens où cela fournit une preuve par l’image qui peut avoir des conséquences dans le processus judiciaire et qui sert de point d’appui à la mobilisation. Pour autant, les effets n’ont pas été très nets, on a doté les policiers de mini-caméras qui filment les rencontres avec la population. On s’est aperçu que les policiers pouvaient aussi bloquer les caméras. Ces formes de racisme sont si implantées aux Etats-Unis que les films ne sont pas à eux seuls des éléments suffisants."

Comment l’Etat fédéral peut-il aider à lutter contre le racisme structurel ?

Pap Ndiaye : "C’est compliqué car la police aux Etats-Unis n’est pas nationale, contrairement à la France. Ce sont les municipalités qui gèrent leur département de police, ce qui ne veut pas dire que le gouvernement fédéral n’a aucun moyen d’action. Il peut agir par le biais de procédures judiciaires que le ministère de la Justice dans sa division des droits civiques peut lancer contre les départements de police. 

C’est ce qui avait commencé à être fait sous Obama mais tout est interrompu depuis l’arrivée au pouvoir de Trump qui a indiqué qu’il n’y avait aucun problème de racisme dans la police. Le gouvernement peut aussi agir en arrêtant les ventes de surplus d’armes faites par l’armée au département de police. Le président peut aussi agir de manière politique, en organisant des formes de pression civile sur les départements de police en convoquant les chefs des départements à Washington. Bref, en organisant une conversation démocratique."

La situation est-elle comparable à la France ?

Pap Ndiaye : "On parle un peu plus maintenant du problème des fonctionnaires de police noirs ou arabes qui sont victimes de bizutage raciste, ils sont appelés par des surnoms racistes. Il y a tout une culture de la police qui est extrêmement hostile aux policiers non-blancs. Les femmes aussi peuvent subir des formes d’humiliation quotidienne avec des remarques sexistes ou sexuelles. Les relations entre la police et une partie de la population française, notamment la jeunesse noire et arabe des quartiers populaires est dégradée. 

On pourrait attendre à ce sujet que le ministère de l’Intérieur sorte d’une politique du déni qui consiste à dire qu’il n’y a pas de problème en France. Il y a bien un problème en France, pour reprendre les propos du défenseur des droits qui n’est pas un gauchiste échevelé qui disait que le problème relève de formes de discriminations systémiques. Il en parlait à propos d’un groupe de policiers du XIIe arrondissement qui s’est comporté de manière très raciste pendant des années. C’était tout un groupe qui était en plus couvert par la hiérarchie. Il y a quelque chose qui va au-delà de la mauvaise pomme dans le sac de pommes et qui relève du fonctionnement de l’institution."

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