David Lynch : "Faire en toute liberté les films que je voulais, c'est la seule manière de travailler"

David Lynch - Josh Telles
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Sans doute le cinéaste le plus influent de son époque, il est l'incarnation même du "cinéaste-auteur". David Lynch revient avec nous sur son impressionnante carrière, sa vision du monde et sa conception du cinéma.

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On connaît David Lynch comme cinéaste et comme scénariste, - sans doute le plus influent de son époque - de dix longs-métrages cultes sortis entre 1977 et 2006. Il est aussi, peut-être, le meilleur représentant du « cinéaste auteur » : il a écrit ou co-écrit tous ses films, avec des compagnons fidèles comme Barry Gifford (Sailor et Lula, Lost Highway) ou Mark Frost (Twin Peaks). Nominé (mais pas récompensé) aux Oscars comme meilleur réalisateur pour Elephant Man en 1980 [ le film sort en salles le 22 juin en version restaurée 4k], Blue Velvet (1986) et Mulholland Drive (2001), il s'est vu remettre en octobre 2019 un Oscar d'honneur par Laura Dern et Kyle MacLachlan, deux de ses acteurs fétiches. Il a également reçu la Palme d'or du Festival de Cannes en 1990 pour Sailor et Lula ainsi qu'un Lion d'or d'honneur à la Mostra de Venise en 2006. 

Hollywood m’aime tellement ! Je n'ai jamais vraiment fait partie du système, pour ainsi dire, mais j'ai eu la chance de pouvoir faire en toute liberté les films que je voulais. Et c'est la seule façon de les faire. Si vous n'avez pas la liberté de faire le film que vous voulez faire, il vaut mieux de ne pas le faire du tout. Donc, la liberté, c’est primordial; et travailler avec des gens qui sont de votre côté.                        
(David Lynch)

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Mais David Lynch est aussi artiste, photographe, musicien, peintre : il fait feu de tout bois, pour reprendre un thème qui lui est cher... Une grande rétrospective à la fondation Cartier en 2007, "The Air is on fire", rendait ainsi hommage à "l'oeuvre la plus protéiforme de notre temps". Car David Lynch s'est quelque peu éloigné du cinéma depuis Inland Empire en 2006, et se concentre depuis sur d'autres projets : il a notamment créé en 2005 la Fondation David Lynch "pour la paix mondiale et une éducation fondée sur la conscience", qui vise à aider des étudiants en difficulté, des vétérans ou des familles grâce à la méditation transcendantale. Pour faire face à la pandémie, il vient d'ailleurs d'y créer un programme spécial pour les médecins. 

La méditation transcendantale peut permettre à chaque être humain de plonger à l’intérieur de soi-même, dans ce trésor de l’intelligence sans limites, de la créativité, du bonheur, de l’amour, de l’énergie, du pouvoir et de la paix…                        
(David Lynch)

Il revient néanmoins épisodiquement à sa source, la création cinématographique, avec notamment Twin Peaks : The Return en 2017, suite tant attendue de sa mythique série des années 1990, ou avec le court-métrage en noir et blanc Fire (Pozar), créé en 2015 et mis en ligne sur sa chaîne YouTube le 19 mai dernier. Pour lui, le cinéma est un langage à part, qui se nourrit de métaphores et d'analogies pour mieux exprimer des idées. Il se suffit d'ailleurs à lui-même : de là vient le refus obstiné du cinéaste d'expliquer ses films ou ses séries.

Le long métrage a une sorte de structure. À présent, j’aime bien le récit par épisode, et la télévision par câble me permet de penser en termes de récit qui se poursuit. Et ça me passionne.                        
(David Lynch)

Nous, êtres humains, sommes comme des détectives : nous voulons savoir, connaître la vérité des choses, savoir pourquoi… Mais dans le même temps, les mots ont des limites. Si vous dites quelque chose dans le langage cinématographique, (…) après, les gens veulent que vous le disiez avec des mots; c’est absurde ! À moins d’être poète, comment pouvez-vous dire ce qu’il y a dans un film avec des mots ? Le truc, c’est le cinéma, c’est le film, il ne faut pas en parler, pas répondre aux questions à son sujet : tout est dans le film !                        
(David Lynch)

Pendant le confinement, David Lynch a publié chaque jour sur sa chaîne YouTube "David Lynch Theater", une petite vidéo sur la météo. Il s'enthousiasme du regain de créativité qu'apporte cette période chez des gens qui, ordinairement, ne prennent pas le temps de créer. 

Nous sommes des travailleurs, nous êtres humains, nous aimons construire des choses. (…) Particulièrement en cette période de confinement, les gens ont toutes sortes de projets, ils peuvent rêver à des tas de choses.                        
(David Lynch)

Lynch est aussi un grand amoureux des sons, auquel il accorde un travail méticuleux tout au long de son oeuvre : on pense par exemple aux voix si étranges, enregistrées à l'envers, des personnages prisonniers de la 'Black Lodge' dans Twin Peaks. Mais qu'en est-il du silence ?

Je pense qu’on peut parler longtemps du silence… On n’a plus tellement de silence aujourd’hui, mais on dit que dans l’être humain, il y a un lieu de silence infini et de dynamique infinie, dans la transcendance de chaque être humain. (…) On dit que la comédie, c’est l’orchestration des silences.                    
(David Lynch)

Et en bonus : s'il n'est pas encore passé par la case radio, il nous confie que c'est une expérience qui l'attire... une affaire à suivre ?

J’aimerais bien faire une pièce radiophonique car je pense que le son peut peindre un tableau qu’on ne pourrait pas écrire avec des caméras.                          
(David Lynch)

Extraits sonores :

  • Extrait de Twin Peaks, saison 1 épisode 3
  • "In Dreams" par Roy Orbinson, l'une des musiques de Blue Velvet
  • Mash Up de Lost Highway, Sailor & Lula et Mulholland Drive
  • "In Heaven", l'une des musiques de Eraserhead
  • Extrait de What Did Jack Do, court-métrage de David Lynch, 2017
La Grande table idées
33 min

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