Découvrez un Jean Anouilh comique et grinçant avec Colombe, une pièce méconnue et savoureuse

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Découvrez un Jean Anouilh comique et grinçant avec Colombe, une pièce méconnue et savoureuse

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Anny Duperey dans Colombe de Jean Anouilh - mise en scène : Michel Fagadau
Anny Duperey dans Colombe de Jean Anouilh - mise en scène : Michel Fagadau
- Telmondis

Culture Maison. Lucile Commeaux, productrice déléguée à La Dispute, vous recommande Colombe, spectacle créé en 2010, année du centenaire du dramaturge, dans une mise en scène signée Michel Fagadau, et largement dominé par un duo de formidables actrices, Sara Giraudeau et Anne Duperey.

Pas facile pour Jean Anouilh, dont la page Wikipédia publie la photographie d’un visage buté, petites lunettes sévères, et moustache droite. La mention plus bas de son soutien à Robert Brasillach à la fin de la seconde guerre mondiale, et le fait qu’on se cantonne bien souvent à la lecture scolaire d’Antigone, la plus célèbre et la plus commentée de ses pièces, explique sans doute pour le principal la difficile postérité de ce dramaturge finalement méconnu,  par ailleurs fort prolixe, qui a participé avant les années 1960 à un certain théâtre d’avant-garde, et classé ses pièces de théâtre selon des critères esthétiques et moraux propres: pièces noires, pièces roses, pièces grinçantes ou pièces brillantes. Colombe appartient à celles-ci, et c’est une découverte que cet Anouilh farcesque, méta-textuel, et cynique.

Une satire grinçante

Créée en 1951, elle commence comme un drame familial. Julien est un jeune homme droit et bourré de principes qui, contraint de faire son service militaire, décide de recommander sa jeune épouse Colombe à sa mère, une vedette de théâtre qui ne le connaît guère et lui a toujours préféré son frère Armand. La jeune femme se trouve donc en peu de temps propulsée dans le milieu fantasque d’un théâtre de variétés parisien, où elle devient comédienne et femme du monde, en bref, tout ce contre quoi l’avait prévenu son mari. L’occasion de dresser un portrait à charge de la vie artistique parisienne, peinte dans un système de tableaux sous toutes ses plus farcesques et vaines coutures. 

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En 2010, sur la petite scène de la Comédie des Champs-Elysées, le rideau ouvre sur un décor modulable, déclinant les intérieurs d’un théâtre qui vit sous la coupe tyrannique de Madame Alexandre, ou “Madame chérie”, dont les costumes et les perruques, toutes plus extravagantes les unes que les autres envahissent l’espace de leurs étoffes et de leurs ridicules postiches. Dans ses notes d’intention le metteur en scène Michel Fagadau envisage pour la pièce des inspirations balzaciennes et il est clair, au vu des costumes et des couleurs, que le spectacle regarde vers une époque antérieure, vers des coulisses de variétés où les messieurs viennent reluquer les jeunes premières, et où les destinées féminines se dissolvent dans la tentation de la courtisanerie. Ainsi de ce deuxième acte où chaque homme de la maison vient proposer à Colombe “des biscuits et un doigt de porto”, colorant le tableau d’une teinte de comédie de moeurs. C’est une attaque en règles contre le milieu, suivant les règles de la satire la plus grinçante et la plus cynique, qui voit le triomphe de la vie facile prônée par Armand, le fils prodigue, sur la vie droite de Julien, dont les principes sont sans pitié saccagés sur scène. 

La stratégie des emplois

Colombe de Jean Anouihl - Mise en scène : Michel Fagadau
Colombe de Jean Anouihl - Mise en scène : Michel Fagadau
- Telmondis

Le spectacle joue à fond le jeu de cette comédie de moeurs, moins balzacienne que vaudevillesque, en accentuant les caractères grâce au choix et à la direction des acteurs. Ils portent sur leur mine leurs déterminations respectives, ainsi de cette fratrie ultra contrastée - on remarque surtout Gregori Baquet qui campe un Julien dont la naïveté devient amertume, et qui maintient son cap tragique jusque dans les replis les plus farcesques. Anny Duperey, en Madame Alexandre, prend un plaisir certain à sur-jouer le rôle de la diva excentrique et capricieuse, dans de grandes envolées savoureuses - cette tirade notamment, dans laquelle elle décortique les raisons de ses nombreux mariages auprès d’une Colombe ébahie. Parmi sa “cour”, on remarque un Rufus toujours excellent, dont le morceau sur l’état de cocu- - presqu’un discours rhétorique - est un des moments phares du spectacle. Enfin Sara Giraudeau EST Colombe, dans cette voix blanche comme son nom, qui se colore au fil des scènes d’inflexions amoureuses et assurées, et scelle finalement son destin de fille de théâtre. 

Le spectacle compte sur les ficelles du vaudeville, admirablement tressées par un texte vif, bien troussé, dont les accès misogynes auraient peut-être gagné à être mis à distance, mais qui emporte finalement par le rire et l’habileté. L’occasion de découvrir, surtout, le pan méconnu d’un théâtre grinçant et pas sérieux, à mille lieux d’Antigone et du Jean Anouilh rébarbatif des livres d’école.

  • Colombe de Jean Anouilh - Mise en scène : Michel Fagadau - Avec : Anny Duperey, Sara Giraudeau, Rufus, Gregori Baquet, Benjamin Bellecour, Jean-Paul Bordes, Fabienne Chaudat, Etienne Draber, Jean-Pierre Moulin et Jean-François Pargoud
    => A voir dimanche 25 juin à 20h50 sur France 5 (Au théâtre chez soi) puis en replay sur France.tv 
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