Enseigner le fait religieux, sensibiliser à la liberté d’expression : les défis de l’école républicaine

Au dessus de la porte d'entrée d'une école, un arc en ciel et la devise de la république française: Liberté-Egalité-Fraternité, Paris, France.  ©Getty - Xavier Testelin
Au dessus de la porte d'entrée d'une école, un arc en ciel et la devise de la république française: Liberté-Egalité-Fraternité, Paris, France. ©Getty - Xavier Testelin
Au dessus de la porte d'entrée d'une école, un arc en ciel et la devise de la république française: Liberté-Egalité-Fraternité, Paris, France. ©Getty - Xavier Testelin
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L’enseignement du fait religieux et la sensibilisation à la liberté d’expression s’invitent au gré de l’actualité dans le débat public. Un débat qui touche aux idées de république et de laïcité. Un débat essentiel porté par les enseignants. Aurions-nous imaginé que c'est au risque de leur vie ?

Avec
  • Laurence Bardeau-Almeras Professeure d’histoire-géographie
  • Dalila Chalabi Professeure d’histoire-géographie à l’académie de Montpellier
  • David Feutry Professeur d’histoire-géographie
  • Isabelle Saint-Martin Directrice d’études à l’École Pratique des Hautes- Études

Dans les années 1910, l’historien Marc Bloch est nommé professeur dans un lycée de Montpellier. Trente ans plus tard, pendant la Seconde Guerre mondiale, il rédige son Apologie pour l'histoire ou Métier d'historien où il se souvient du « brave proviseur » de ce lycée languedocien où il fit ses « premières armes de professeur ». Il se remémore « sa grosse voix de capitaine d’enseignement » qui l’avertissait : « Ici, le dix‑neuvième siècle, ce n’est pas bien dangereux. Mais quand vous toucherez aux guerres de religion, soyez très prudent.» Marc Bloch a-t-il été prudent ? Peu de temps après la séparation des Églises et de l’État, parler de religion à l’école était un défi avec le risque d’avoir sur le dos les parents et les élèves, c’est-à-dire de nouveau les parents. Surtout, dans son Apologie pour l'histoire, Marc Bloch écrit : « Indispensable, cela va de soi, à une juste intelligence des phénomènes religieux actuels, la connaissance de leurs commencements ne suffit pas à les expliquer ». Il précise : « La question, en un mot, n’est plus de savoir si Jésus fut crucifié, puis ressuscité. Ce qu’il s’agit désormais de comprendre, c’est comment il se fait que tant d’hommes autour de nous croient à la Crucifixion et à la Résurrection ». Enseigner le fait religieux ? En histoire, en lettres, dans les sciences aussi quand il est question de l’origine de la vie, c’est une évidence. Ce qui l’est moins est que cet enseignement devienne dangereux, mortel.

Avec Isabelle Saint-Martin, directrice d’études à l’École Pratique des Hautes- Études (Arts visuels et christianisme, XIXe-XXIe siècle). Elle s’est  impliquée depuis le rapport Debray dans les formations sur l’enseignement des faits religieux et sur la place des religions dans le cadre de la laïcité française. Elle a dirigé avec Philippe Gaudin Double défi pour l’école laïque : enseigner la morale et les faits religieux (Riveneuve éditions, 2014). Elle est autrice de Peut-on parler des religions à l’école ? (Albin Michel, 2019).

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Avec aussi,  Laurence Bardeau-Almeras, professeure d’histoire-géographie dans la région de Toulouse, David Feutry, professeur d’histoire-géographie au lycée Édouard Branly de Dreux et Dalila Chalabi, professeure d’histoire-géographie dans un collège de l’académie de Montpellier. Tous trois sont membres de l’Association des Professeurs d'Histoire et de Géographie (APHG).

Peut-on se passer de parler des religions à l'école ?

On ne peut pas écarter les religions de l’école, ce serait le seul lieu où on n’en parlerait pas. On en parle dans les médias, pour s’invectiver quelques fois, on en parle au cinéma, dans la culture. L’école ne peut pas l’ignorer, c’est le lieu où l’on en parle autrement c’est-à-dire que l’on n’en parle pas de manière confessionnelle pour faire adhérer ou pas, on n’en parle pas dans le chaud de l’actualité, on en parle pour mettre en perspective. Il est compris que ce n’est pas une entorse à la laïcité, c’est au contraire mettre en œuvre l’esprit de laïcité, cet esprit critique qui ne s’interdit aucun champ du savoir. Isabelle Saint-Martin

Le fait religieux, un enseignement problématique pour certains professeurs

Je constate, en travaillant avec mes collègues et en tant que formatrice, une certaine forme de renoncement, d’évitement lié à ces problématiques de l’enseignement du fait religieux notamment qui est de plus en plus important.  Dalila Chalabi

Des problématiques qui dépassent le cadre de la religion

Dans les classes, il y a des problèmes qui sont liés au religieux mais, ça dépasse ce niveau-là. Puisque les élèves, les adolescents notamment, certains vont s’identifier à la religion, d’autres, à certains nationalismes ou à certaines questions brûlantes d’actualité. Plus que la religion, quand on parle du génocide arménien, c’est assez compliqué en tant qu’historien qui a un discours construit avec des preuves historiques, de montrer à certains élèves que ça va à l’encontre de leurs préjugés, ou des témoignages ou de l’enseignement qu’on eut leur grand-père ou leurs parents, dont ils ont hérité. On est en porte-à-faux parce que ces élèves vous disent "non, ce n'est pas vrai". David Feutry

Est-ce qu’on enseigne le fait religieux ? Oui mais non : on enseigne des sociétés marquées par les religions, au sein desquelles s’imposent des manières de penser, de voir, de penser aussi l’organisation du pouvoir politique donc, le problème est beaucoup plus vaste. Il y a tellement d’autres sujets qui sont des sujets de tensions, notamment en éducation morale et civique. Laurence Bardeau-Almeras

Sons diffusés :

  • Archive - 26/05/1946 - Discours de Francisque Gay, éditeur, résistant alors vice-président du conseil des ministres, sur le redressement moral et intellectuel. 
  • Archive - 11/02/1965  - ORTF – Extrait de l’émission Seize millions de jeunes.

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