Paroles de professeurs avec Beauvoir, Ricœur, Sartre...

Une enseignante devant ses élèves
Une enseignante devant ses élèves
Paroles de profs
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Paroles de professeurs avec Beauvoir, Ricœur, Sartre...

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"Il suffit de repenser aux attentes de nos élèves pour se dire qu'on n'a pas le droit de baisser les bras". Célèbres ou anonymes, écoutez ces enseignants parler de leur métier.

En cette rentrée des classes particulière, entre deuxième confinement et hommage à Samuel Paty, écoutons des paroles d'enseignants, piochées parmi les trésors de l'INA. Intellectuels reconnus ou profs anonymes, ils témoignent de leur expérience face aux élèves, leurs doutes, leurs souffrances, leurs plaisirs. 

Carnet de philo
3 min

Simone de Beauvoir, 1979 : “J’avais toujours désiré enseigner. J’ai enseigné dès l’âge de 5 ans, puisque j’ai appris à lire, à écrire à ma petite sœur, je lui ai appris l’anglais… j’aimais enseigner ! 

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Hélène Cixous, 1998 : "Au lieu d’avoir cette espèce de violence exercée dans les cours magistraux, on avait au contraire des séminaires très ouverts, qui duraient 3 heures ou 2h30. Il y avait donc une possibilité d’échanger. Ce qu’on appelle maintenant l’interactivité, c’est nous qui l’avons inventée en 1968 avec ce système d’ouverture." 

Anne Sinclair interroge Elisabeth Badinter, 1980
- Anne Sinclair : "On parle beaucoup de la déprime des profs en général, que les profs sont agressés, malades, malheureux… ont du mal à aller faire leurs courses, c’est quelque chose que vous avez ressenti ?"   

- Elisabeth Badinter : "Si j’ai rencontré des professeurs déprimés, j’ai autour de moi des tas d’amis qui sont enseignants, et qui sont heureux, et qui sont de vrais pédagogues, et qui aiment être dans une classe et qui aiment enseigner. Je dirais simplement : je suis convaincue que tout le monde n’est pas fait pour enseigner. Il y a des jours où dans ma voiture, je me dis : 'Je n’ai pas envie de parler du tout. Je ne pourrai pas sortir un mot. Je n’ai qu’une envie, c’est de repartir chez moi.' Et en réalité, je crois qu’on se fait une idée fausse des enseignants. On ne débite pas du cours ou des pensées comme du saucisson. Il y a des jours où on a envie de s’exprimer, et il y a des jours où on n’a pas du tout envie de le faire. Mais on le fait quand même. Et les cinq premières minutes sont difficiles. Et alors on met une force, parce que pour bien enseigner, il faut y mettre de la conviction. Il faut avoir envie de communiquer. Alors cette envie, on l’a ou on l’a pas, mais il faut faire comme si. Et parfois c’est fatigant ! Et puis après on oublie, on est content, et on fait son cours et on ne se rend plus compte que l’heure passe." 

Monique Canto-Sperber, 1996 :  "Nous essayons de conjuguer à la fois une très grande exigence avec une très grande liberté."

Une enseignante de Seine-Saint-Denis, 1988 : "Avec les élèves de cinquième, et des élèves d’autres classes, on a choisi de s’intéresser au quartier, au quartier des Francs-Moisins. Parce qu’on pense que c’était important que ce qui se passe à l’école, ce qu’on dit à l’école, soit en relation directe avec ce que les enfants vivent dans leur quartier." 

Une enseignante en 1986 : "C’est vrai que les filles parlent beaucoup. Elles viennent parler de ce qui est considéré comme sujet tabou chez elles. C’est enrichissant pour nous aussi. Alors c’est vrai qu’il y a quelques fois des moments de découragement, des moments de fatigue. Mais il suffit en fait de repenser à ces élèves, à leur attente, pour se dire qu’on n’a pas le droit de baisser les bras. Et puis on retrouve toutes nos forces, tout notre courage pour continuer."

Paul Ricœur, 1991 : "Un jour, en entrant dans la salle de cours, un cours d’agrégation, je vois écrit ce que vous lisez : Ricœur, vieux clown. Et je me dis : je le laisse. Je ne l’efface pas. D’ailleurs certains étudiants étaient embarrassés. J’avais quand même dans la mémoire les fous. Après tout c’est lui qui dit la vérité. Je suis aussi le clown de cette institution, qui est peut-être trop sérieuse. Et il faut une certaine distance ironique." 

Jean-Paul Sartre, 1980 : "Le professorat nous dégoûtait. Je n’aimais pas mes collègues, je n’aimais pas, je me rappelle, je me disais : 'Je suis professeur' et ça m’était très désagréable. Et la raison en était précisément qu’il y a tout un domaine de discipline, d’ordre, qu’on considérait comme faisant partie de l’enseignement que je ne pouvais pas supporter."

Le Reportage de la rédaction
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