Feuilletez "Raboliot" de Maurice Genevoix avec les oreilles

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Feuilletez "Raboliot" de Maurice Genevoix avec les oreilles

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Photo de "Raboliot" braconnier solognot à la fête de la musique à Brinon, conservée à la Maison du braconnage.
Photo de "Raboliot" braconnier solognot à la fête de la musique à Brinon, conservée à la Maison du braconnage.
© AFP - Jean Daniel Sudres / Aurimages

Maurice Genevoix, écrivain de la Grande Guerre, publie "Raboliot" en 1925 couronné par le Prix Goncourt. Dans ce récit d’un braconnier épris de liberté, Genevoix exalte la beauté de la terre solognote. Nous vous proposons de feuilleter ce roman et de vagabonder à travers des archives sonores.

>>> Retrouvez ici tous les autres romans de la collection "Feuilletez avec les oreilles"

Lorsque Maurice Genevoix publie en 1925, son roman Raboliot, l’auteur était surtout connu pour avoir écrit Ceux de 14, un recueil de ses carnets de guerre parus en cinq volumes entre 1916 et 1923, témoignages poignants de vérité sur l’atrocité de la guerre. C’est ce témoin magistral de la guerre que l’on célèbre par sa panthéonisation le 11 novembre 2020.

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Mais cet écrivain renommé de la Première Guerre mondiale va aussi consacrer une partie de son œuvre, au début des années 1920, au récit du monde rural de sa Loire natale et à la description d’une nature en harmonie avec les hommes. Tout en ne se reconnaissant pas dans l’étiquette d’écrivain régionaliste ou de terroir, Genevoix a bien su mettre en lumière la Sologne et le Val de Loire à travers des récits vivants de la campagne, lointains et émouvants souvenirs de son enfance paysanne. Mais il a su dépasser le roman rural grâce à son style lyrique, à la fois poétique et extrêmement documenté.

Récompensé par le Prix Goncourt en 1925, Raboliot est considéré comme le chef-d’œuvre de Maurice Genevoix. Il raconte l’histoire d’un braconnier, que tous surnomment Raboliot, qui est animé par une seule passion, la chasse. Epris de liberté, il refuse de se soumettre à la loi représentée par les figures du garde-chasse et du gendarme. Au jeu du chat et de la souris, la roue tourne pour Raboliot qui est pris la main dans le sac ; il doit alors fuir et se cacher. Il finit par tomber dans un piège, telle une bête traquée, et fou de colère il commet un geste irréparable contre le gendarme qui le poursuivait. Raboliot devient alors un criminel.

Autour de Raboliot se déploie toute une galerie de personnages. Il y a Tancogne, le fermier général du comte, qui chasse illégalement sur les terres de ce dernier et voit en Raboliot un ennemi irréductible. Il est accompagné pour toutes ses basses besognes de Volat, dit Malcourtois un métayer peu sympathique. Il y a aussi l’étrange Delphine, si frêle qu’on la surnomme la Souris, sans oublier Sandrine et les enfants, sa famille qu’il ne peut abandonner. Face à lui, le gendarme Bourrel qui, vexé que le braconnier lui ait échappé, le poursuivra impitoyablement.

A travers cette histoire de braconnage, Maurice Genevoix dépeint la société solognote et célèbre la nature sauvage, encore peu domestiquée par l’homme au début du XXe siècle. Cette nature mythique entre en fusion avec le personnage de Raboliot, homme libre, qui ne connaît pas de maître et a toujours refusé de se soumettre à un quelconque ordre établi. L’auteur-poète a beaucoup réécrit le texte de Raboliot et en propose en 1952 une nouvelle version, allégée en tournures qu’il jugeait trop affectées. Dans une conférence qu'il avait donnée sur son propre roman et diffusée la première fois le 10 novembre 1952, Maurice Genevoix raconte la genèse de Raboliot.

Raboliot peut être considéré de nos jours comme un roman écologiste, un manifeste pour une nature apaisée. Nous vous en proposons une lecture à travers huit extraits, enrichie d’archives d’émissions de France Culture qui nous ferons sillonner à travers des ambiances de chasse bien sûr, et de pêche. Mais nous partirons aussi à la découverte du métier de taxidermiste, en passant par une histoire de la gendarmerie et une célébration de la Sologne.

"Les chasseurs à la halte" de Vassili Perov, 1871.
"Les chasseurs à la halte" de Vassili Perov, 1871.
- via wikipédia

L'instinct de la chasse

Cette hardiesse à la fin prévalait. Quand on est Raboliot, on ne s’embarrasse pas de raisons compliquées, telles qu’en ont les notaires, les juges de paix, les traîne-paillasses. Il y a simplement des choses que l’on ne comprend pas, dont on ne peut pas tenir compte : qu’est-ce que c’est que le droit à la chasse ? Il y a l’instinct de la chasse, le besoin de chasser selon le temps et la saison, d’obéir aux conseils éternels qui vous viennent de la terre et des nuages, aux ordres clairs qui montent en vous avec la même lenteur paisible que la lune blanche sur les champs. Le cœur se met à battre ; une angoisse légère vous point au creux de la poitrine, pareille, un peu, à celle de l’attente amoureuse. Tant mieux si les hommes s’en mêlent, si l’attrait du danger vient à surgir à cause des hommes ! On en avait besoin : les bêtes des sillons et des bois ne vous peuvent donner que leurs ruses craintives. On avait besoin, sans le savoir, de jouissances plus dangereuses et plus âpres : et voici que d’elles-mêmes elles se jetaient vers vous. Tant mieux ! On allait s’amuser !

(Raboliot, p.36)

A écouter, un reportage dans "Les Pieds sur terre" consacré aux histoires de chasses racontées par des chasseurs. Ils parlent de cette magie de la chasse, de ce "plaisir incommensurable", de "l'osmose" que l'on vit avec son chien. Mais une rabatteuse, femme de chasseur, se souvient aussi du dernier regard "triste et perçant" d'un chevreuil mort.

Témoignages de chasseurs dans "Histoires de chasse", Les pieds sur terre du 18/11/2014.

27 min

Une bonne chasse : [photographie de presse] / Agence Meurisse, 1915.
Une bonne chasse : [photographie de presse] / Agence Meurisse, 1915.
- via Gallica

Petites leçons de braconnage

S’il avait jamais appris à tendre, Raboliot ne se rappelait quand : il savait tendre, voilà tout, il devait savoir de naissance. Il y a des bracos tatillons, qui discutent de la manière de poser, sur le diamètre des boucles, sur la hauteur où l’on doit les suspendre ; il y en a qui se demandent s’ils tendront pour le lapin seul, ou pour le lièvre seul, ou à deux fins, et qui prennent des mesures avec la largeur de leur main. Raboliot ne se demande rien : il marche à travers bois, arrache les fils de laiton noirs à l’écheveau qui s’amincit, plie le genou, travaille des doigts, se baisse, se relève, et poursuit. A peine est-il passé, des collets sont tendus qui cette nuit serreront des gorges tièdes ; si c’est un lièvre, il fourrera son museau dans une boucle assez large pour lui. Il y en a partout, dans les « tallées » au milieu de clairières, aux obstacles menus – touffes de bruyères ou branches à ras de terre – qui obligeront les bêtes à sauter vite au lieu de renifler le vent. Et Raboliot, tandis qu’il pose, n’oublie pas de cintrer le collet qu’il abandonne, d’un coup de pouce appuyé et glissant, comme d’une goutte d’huile qui lubrifie. Il n’oublie pas, non plus, de se garder : son attention l’environne et le couvre ; elle recueille les frémissements du bois, explore, au trou d’une éclaircie, la plaine brouillée de brume que le soir assombrit peu à peu.

(Raboliot, p.66)

D'autres leçons de braconnage à découvrir dans "Les Chemins de la connaissance", qui a consacré dix émissions sur ce thème en 1984. Ce troisième épisode nous présente les techniques du braconnage et du piégeage par un vieux braconnier, techniques qui ont peu évolué depuis l'Antiquité nous expliquent Marieke et Pierre Aucante auteurs de "Les Braconniers : mille ans de chasse clandestine".

Les braconniers sujet des "Chemins de la connaissance", le 07/03/1984.

16 min

"Laboratoire de taxidermie", photographie de Eugène Trutat (1840-1910) conservée par le muséum de Toulouse. (Date inconnue)
"Laboratoire de taxidermie", photographie de Eugène Trutat (1840-1910) conservée par le muséum de Toulouse. (Date inconnue)
- via Wikimédia

Dans l'antre d'un taxidermiste

A gauche de la salle, l’atelier de Touraille était plus encombré encore, comble de l’établi au tour et du plancher au plafond. Des pattes de chevreuils pliées à angle droit, des rognures de cuir, des queues d’écureuils, de tout petits oiseaux en loques traînaient pêle-mêle sur l’établi, parmi des fioles poudreuses, des pots de colle, des tapons de blanc d’Espagne, des fils de fer tordus, et des boîtes de carton où brillaient les boules de verre dont Touraille ferait des yeux. Au pied du tour, dans l’amoncellement des copeaux, bruissant comme des feuilles mortes au soleil, on soulevait du soulier des peaux raides et velues, de taupes, de fouines ou de putois. Et, quand on franchissait la porte, on faisait osciller au passage une peau de renard efflanquée, qui vous lançait en plein visage sa puanteur violente et fauve.

A droite de la salle, dans la « belle chambre » plus secrète et plus froide, les pièces terminées attendaient que les clients vinssent les chercher ; des étiquettes portaient leurs noms calligraphiés. Il régnait là une pénombre recueillie derrière les persiennes entrecloses. C’était comme si l’on fût entré dans un musée, dans une église. Instinctivement, on baissait la voix.

(Raboliot, p.79)

Vous saurez tout sur la taxidermie grâce au documentaire "Nier la mort, ou l'établi du taxidermiste" de François Angelier diffusé dans l'émission "Grand angle" en 1995. Des taxidermistes racontent avec passion leur métier dont l'image n'est pas forcément très attractive. Eux, se considèrent comme d'"excellents faussaires" imprégnés de rigueur scientifique et préfèrent le mot naturaliser à celui d'empailler, trop négatif. Ils se voient un peu comme le docteur Frankestein qui "redonne l'apparence de la vie".

La taxidermie, sujet du reportage diffusé dans l'émission Grand angle, le 23/09/1995

57 min

"Les pêcheurs à la ligne", étude pour la Grande Jatte (1883), de Georges Seurat. Musée D'art Moderne de Troyes.
"Les pêcheurs à la ligne", étude pour la Grande Jatte (1883), de Georges Seurat. Musée D'art Moderne de Troyes.
© Getty - DeAgostini

L'art paresseux de la pêche

Volat, quand il avait du temps à lui – il en avait beaucoup, à croire l’aspect de ses cultures – le dépensait volontiers à la pêche. On le voyait souvent dans les prés du Beuvron, faisant danser une sauterelle ou une mouche, au pied des saules. Souvent aussi, il montait vers le canal du côté du pont Malvaux, et trempait selon la saison le blé cuit, le porte-bois ou le ver rouge.

Il s’asseyait sur le talus herbeux, au bas du chemin de halage, jetait sa ligne dans l’eau et attendait que cela mordît. Cette attente végétative lui plaisait. Il ne cherchait pas dans la pêche, comme ceux qui l’aiment "par passion", les joies discrètes et fortes qu’elle prodigue à ses fervents. Il ne lui demandait, à l’ordinaire, qu’une occasion de solitude, de paresse rêvassante et jalouse.

Aussi fut-il de mauvais poil, ce matin de janvier quand il vit s’approcher par le chemin de halage un flâneur qu’il ne connaissait pas. Cet homme venait à petits pas le long des bouleaux de bordure, une besace de traînier au flanc ; il tenait enfoncé dans sa barbe un brûle-gueule de terre calcinée, au tuyau tant de fois cassé qu’il n’avait presque plus de tuyau.

Petits pas à petits pas, l’homme bientôt fut tout près, et Malcourtois lui montra son don.

- Ça mord un peu ?

(Raboliot, p.120)

Dans "Les Nuits magnétiques", le poète Serge Sautreau se penche sur les mordus de la ligne. Voici un extrait de "La parabole aimantée : de l'eau et des poissons", une création sonore au plus près des pêcheurs qui parlent de leur rapport à l'eau et de la pêche vue comme une synthèse du physique et du spirituel. Ils témoignent du sentiment intense de liberté que leur procurent les rituels de la pêche, confinant parfois à la magie. On y entend parler de mystère, de miroir invisible, de poésie du bruit sur l'eau, du merveilleux...

"La parabole aimantée : de l'eau et des poissons" dans les Nuits magnétiques du 07/06/1988.

47 min

 "La Paye des moissonneurs" (1882) de Léon Augustin Lhermitte. Musée d'Orsay.
"La Paye des moissonneurs" (1882) de Léon Augustin Lhermitte. Musée d'Orsay.
- via Wikimédia

Le clan des riches et les miséreux

Raboliot comprenait qu’il s’était lourdement trompé. Naguère encore, il unissait le grand Volat au groupe de ses adversaires ; par l’entremise de Tancogne, Volat tenait au clan des riches, des possesseurs du sol et de la chasse que soutiennent les gendarmes, les gardes et les Saint-Hubert. Pour l’avoir écarté de sa route, arraché aux mains de Tancogne, Raboliot avait eu l’illusion que ce bloc d’ennemis s’écroulait. Il ne connaissait pas le vieux, et cette habileté qu’il avait à retourner sa veste à propos, à reprendre l’équilibre quand on l’avait cru par terre.

Maintenant qu’il avait vu, il ne pouvait même pas imaginer, au milieu de ces hommes assemblés, la présence de Malcourtois. Ça n’était pas comme le père Tancogne, flatteur du maître, mi-pésan, mi-bourgeois, toujours prêt à basculer du bon côté. Tous les visages, sous la lampe, se rapprochaient naturellement, aussi unis que les maillons d’une chaîne. Et Raboliot, derrière les persiennes closes, se sentait exclu roidement, rejeté dans la nuit mauvaise, la même nuit où Malcourtois s’était perdu. Le cœur brouillé, les épaules secouées d’une pauvre révolte, il lui semblait rejoindre Malcourtois, pressentir entre eux deux il ne savait quelle solidarité misérable. Cela ne venait pas de lui-même : tout son être se soulevait là-contre. Cela venait de ces hommes assemblés, de leurs visages unis dans la lumière.

(Raboliot, p.135)

Deux reportages diffusés dans "La Vie moderne" (aka "Les Pieds sur terre") illustrent ceux d'en haut et ceux d'en bas dans la campagne française. D'abord les témoignages de deux fermiers métayers qui louent leurs terres à un propriétaire châtelain, puis la visite de la propriété avec celui-ci. Son jardin à la française est sa grande fierté, avec sa femme ils entretiennent ce domaine qui leur "coûte des fortunes", ils ne vivent que pour ça.

Deux reportages diffusés dans l'émission La vie moderne sur des agriculteurs et un châtelain, le 08/08/2009.

56 min

Deux gendarmes français, circa 1930.
Deux gendarmes français, circa 1930.
© Getty - Keystone-France/Gamma-Rapho

"Je suis gendarme !"

"Qui est-ce ? Je veux savoir. Tu parleras, ou je te casse la gueule !" Toute sa carcasse tremblait d’une colère si terrible qu’elle faisait peur à regarder. Voilà : c’était un homme qui ne pouvait pas avoir tort, qui ne pouvait pas céder. Toute sa dure caboche l’affirmait, tout son corps vêtu de drap bleu, sanglé de courroies et d’armes. "Je suis gendarme, tu entends ! J’ai les tribunaux derrière moi, peut-être avec la prison à la clef… la prison, tu entends, crapule !" Il sentait tout ça derrière lui, les juges, la Loi, toute cette force qui le soutenait et le commandait à la fois. Et les autres étaient des crapules… "Je suis gendarme !" De quelle voix il avait crié ça, avec quel redressement du corps ; quel coup de menton en avant !... Cette nuit encore, au Bois-Sabot, il songeait qu’il était gendarme, il se sentait gendarme dans tout son lui, des semelles au faîte du képi : ça éclatait sur sa figure, ça brillait étrangement dans ses yeux, des yeux qui ressemblaient, blasphème, à ceux d’un curé à l’autel.

(Raboliot, p.137)

Invité de "Concordance des temps", l'historien Jean-Marc Berlière revient sur l'histoire de la gendarmerie depuis la fin du XIXe siècle. Il détaille ses missions à la fois militaires, de maintien de l'ordre et aussi de la sécurité dans les campagnes. Le gendarme fait partie du paysage français depuis le Moyen Âge avec la maréchaussée et les gendarmes sont fiers de cette histoire de 1 000 ans.

Une histoire du malaise des gendarmes dans l'émission Concordance des temps du 06/04/2002.

58 min

 Robert De Niro dans "Voyage au bout de l'enfer" (The Deer Hunter), un film de Michael Cimino sorti en 1978.
Robert De Niro dans "Voyage au bout de l'enfer" (The Deer Hunter), un film de Michael Cimino sorti en 1978.
© Getty - Mondadori

Cavale dans les bois

Trois mois qu’il avait fui, qu’il vivait dans les bois comme un loup ! Il avait traversé Tremble-vif, franchi loin en aval la vallée du Beuvron, poussé au nord vers la forêt de Chaon, vers Souvigny, Sennely, Marcilly. Il y avait partout des bois pour le cacher. Il changeait de bois chaque nuit, cherchant, pour s’y bauger le jour, les fossés broussailleux que les ronciers enjambent de leur voûte. Il y dormait des sommes écrasés et fiévreux, hachés de cauchemars, d’abois de chiens, de coups de révolvers, si las que ses réveils le laissaient immobile et prostré, toute sa force en son ouïe aux aguets, et sombrant de nouveau dans un sommeil plus noir que la mort.

Il se levait au coucher du soleil, et il chassait. Avec une patience de chat, il pouvait demeurer des heures couché à la gueule d’un terrier, le corps inerte comme une souche, mais la main suspendue, le bras bandé pour la détente, pour le rapt vertigineux ; et il avait pris souvent, ainsi, des lapins au déboulé. (…)

Mais quelquefois, inquiet, il n’osait allumer du feu : le bois était trop chétif ou trop clair, on aurait vu flotter la fumée sur le taillis ; ou bien le rond de cendres, les pierres noires du foyer auraient décelé son passage. Alors, il mangeait les bêtes crues. Ça lui avait été pénible, en commençant, mais il s’y était fait bien vite ; et pareillement au manque de pain et de sel dont il avait beaucoup souffert, les premiers jours. Il avait connu de rudes heures.

(Raboliot, pp.179-180)

Deux exemples de cavale dans ce reportage sur les disparitions volontaires diffusé en 1996. Nous sommes ici plongés dans l'univers psychologique de ceux qui ont choisi de disparaître pour s'inventer, dans la clandestinité, une identité nouvelle. Deux témoignages qui montrent le prix à payer d'être en cavale.

"La disparition volontaire : la cavale" reportage diffusé dans l'émission Grand angle, le 15/06/1996.

1h 00

"Marais à l'automne, Sologne" de Lucien Péri (1880-1948)
"Marais à l'automne, Sologne" de Lucien Péri (1880-1948)
- via Aponem

Paysages de Sologne

C’était ici seulement que deux épis se frôlaient l’un l’autre avec cette grâce sèche, un peu raide. Ils n’étaient pas bien lourds, vrais épis de Sologne ; entre les tiges clairsemées, on distinguait des flaques de renoncules…

Depuis toujours, il écoutait ce chuchotement. Et cela s’amplifiait en lui, évoquait tour à tour la rumeur des pineraies inclinées par le vent, le clapotis des vaguelettes contre la chaussée des étangs, le grondement d’un œillard ouvert. La Sauvagère, Bouchebrand, les étangs et les arbres, tout était là, à sa place de toujours, et les vairons dans le ruisseau, et les grenouilles dans les joncs. Bête par bête, brin d’herbe par brin d’herbe, depuis sa toute petite enfance, il avait appris ce pays. Avec plus de richesse tyrannique, les images le submergeaient. A mesure que déclinait le jour, sa songerie se faisait plus grave, plus recueillie : il commençait à sentir battre son cœur.

Il avait couru dans les prés, parmi les flouves et les phléoles tremblantes ; il faisait des balles de coucous ; aux places mouillées, c’était tout blanc de cardamines ; sur les pentes sèches, c’était tout rouge d’oseille sauvage.

(Raboliot, p.191)

Présentation à la fois historique et vivante de la Sologne dans "Les Matinales de France Culture" en 1980. Une Solognote fait revivre la Sologne d'antan à travers sa collection de cartes postales des années 1920, une époque où on était braconnier "par nécessité" car on devait partager la récolte avec le châtelain, le "Monsieur" comme on disait en ce temps-là.

Colportages en Loiret (extrait) dans Les Matinales de France Culture, le 05/09/1980.

27 min

En collaboration avec l'INA pour les archives sonores.

Marurice Genevoix