Léo Frankel, trajectoires d’un communard : épisode • 2/4 du podcast La Commune, 150 ans

                                      Portrait de Léo Frankel. (Éditions Libertalia)
Portrait de Léo Frankel. (Éditions Libertalia)
Portrait de Léo Frankel. (Éditions Libertalia)
Publicité

Léo Frankel, jeune homme d'origine hongroise, défenseur obstiné de la cause des travailleurs, joue un rôle politique de premier plan durant la Commune de Paris. Retour sur un parcours militant et sur une pensée aux dimensions transnationales.

Avec
  • Julien Chuzeville Historien, spécialiste de l’histoire du socialisme et du communisme.

Suivons le destin d’un communard pour comprendre la Commune: Léo Frankel, le seul élu étranger de la Commune de Paris et le plus jeune des communards internationalistes. Il y a sa vie pendant et après le mouvement insurrectionnel de 1871, et bien entendu avant. Le 2 juillet 1870, il comparait devant la justice, lors du troisième procès intenté à l’Internationale. Il répond au président du tribunal que « les capitalistes, à l’occasion d’une grève suscitée par leurs prétentions avides, soient les premiers à accuser l’Internationale de tout le mal, je n’y vois rien d’étonnant ». Frankel joue de la métaphore : « Ils agissent en ce point comme le loup de la fable qui se tenait au bord du ruisseau, et accusait de lui troubler son eau, l’agneau qui se désaltérait au-dessous de lui dans le courant. L’agneau eut beau se défendre, prétendant que l’eau ne pouvait pas remonter sa pente, toutes ses dénégations ne lui servirent de rien; le loup cherchait seulement une occasion favorable pour le dévorer ». Le président l’interroge : « L’agneau, c’est l’Internationale ? ». Frankel répond du tac-au-tac : « Et, le loup, c’est le capitaliste ». Il faut se méfier des procès intentés aux militants politiques, car le tribunal devient un tribune où Frankel expose son programme : « L’Association internationale n’a pas pour but une augmentation du salaire des travailleurs, mais bien l’abolition complète du salariat, qui n’est qu’un esclavage déguisé ». Xavier Mauduit

Léo Frankel fut le seul élu étranger de la Commune de Paris et le plus jeune des communards internationalistes. Ouvrier d'orfèvrerie, journaliste et homme politique, Léo Frankel a vécu et travaillé dans de nombreux pays d’Europe. Il en retire la certitude que les injustices qui frappent les travailleurs ne sont pas circonscrites à des frontières nationales. Frankel rejoint la Première Internationale et en intègre la direction, devenant au passage un proche de Karl Marx. 

Publicité

Le socialisme international de Léo Frankel ne promeut pas seulement la libération des classes ouvrières et de leurs moyens de production. Il défend et propage l’idée que cette libération ne pourra venir que des ouvriers eux-mêmes : il devient rapidement le chef spirituel du “parti des non-électeurs” et un ardent défenseur du suffrage universel. La vie romanesque de Frankel fut menée sans compromission. Emprisonné à plusieurs reprises, contraint à l’exil et condamné à mort par le camp versaillais, le communard ne renonça jamais à ses idées. Comment évaluer, aujourd’hui, la place qu’a occupé Léo Frankel dans l’histoire de la Commune ? Comment retracer les trajectoires politiques de celui qui fut à la fois le plus jeune des communards internationalistes, l’ami de Karl Marx et le chef de file de la lutte pour l’obtention du suffrage universel ? Comment expliquer que sa mort prématurée en ait fait un symbole et un martyr, parfois au prix de dangereuses récupérations politiques ? 

Avec Julien Chuzeville, historien du mouvement ouvrier. Il est notamment l'auteur de Fernand Loriot. Le fondateur oublié du Parti communiste (L'Harmattan, 2012) , de Zimmerwald, l'internationalisme contre la Première Guerre mondiale (Démopolis, 2015), et de Léo Frankel, communard sans frontières (Libertalia, 2021). Il a aussi édité des textes de Rosa Luxemburg et de Boris Souvarine et participe au « Maitron », le Dictionnaire biographique du mouvement ouvrier.

La Commune de Paris décide à l'unanimité de valider l'élection de Léo Frankel bien qu'il n'ait pas la nationalité française. C'est déjà une affirmation de cette idée de république universelle : peu importe la nationalité, l'important, c'est qu'il ait été élu, la démocratie n'est pas une affaire de nationalité. Karl Marx, lorsqu'il parlera de la Commune, soulignera ce point important. Julien Chuzeville

Sons diffusés :

  • Musique - Danse hongroise n°5 en sol mineur (1866) de Johannes Brahms. 
  • Lecture par Daniel Kenigsberg des statuts généraux de l’AIT adoptés par le congrès de Genève en 1866. 
  • Extrait du téléfilm Les alsaciens ou les deux Mathildes (Arte, 1996) réalisé par Michel Favart.
  • Lecture par Daniel Kenigsberg du menu du 25 décembre 1870 au Café Voisin. 
  • Extrait du film Commune de Paris (1951) réalisé par Robert Ménégoz. Évocation de la journée du 28 mars.
  • Lecture par Daniel Kenigsberg de la Lettre de Léo Frankel à Karl Marx datée du 30/03/1871. 
  • Extrait du documentaire en 4 parties, Le temps des ouvriers - L'Histoire du monde ouvrier européen (Arte, 2020) réalisé par Stan Neumann. 
  • Lecture par Daniel Kenigsberg du résumé d’un discours de Léo Frankel à Gand le 12 septembre 1877, d’après un rapport de police du 14 septembre 1877.

L'équipe