Machu Picchu : Incas de force majeure : épisode • 3/3 du podcast Des économies monumentales

Le Machu Picchu dans les montagnes du Pérou, par Franklin McMahon ©Getty - Mark McMahon / Contributeur
Le Machu Picchu dans les montagnes du Pérou, par Franklin McMahon ©Getty - Mark McMahon / Contributeur
Le Machu Picchu dans les montagnes du Pérou, par Franklin McMahon ©Getty - Mark McMahon / Contributeur
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Par son architecture emblématique autant que par son rôle dans le système économique impérial, le Machu Picchu devait incarner toute la puissance du pouvoir de l’Inca

Avec
  • Carole Fraresso Archéologue, docteure en archéomatériaux, spécialiste de l’art précolombien, commissaire d’exposition
  • David Joaquim Barreiro Docteur en archéologie, spécialiste des Incas, membre du Centre de Recherches sur l'Amérique Préhispanique de Sorbonne Université

Construit autour de 1440, le Machu Picchu, le plus célèbre des sites Incas, surprend par la grandeur de son environnement et la complexité de son édification, à 2500 m d’altitude en plein cœur de la Cordillère des Andes, au Pérou. Le caractère exceptionnel du site, le gigantisme des constructions et la finesse de l’architecture qu’on y retrouve sont autant d'indices de la puissance économique et politique des Incas à cette période.

La construction du Machu Picchu : mettre tout un système économique au service d’une œuvre à vocation privée

Les Incas sont considérés comme la civilisation emblématique de la région andine et de ce qu’on peut appeler “l’Ancien Pérou”. Leur rayonnement persistant est lié aux vestiges réputés de l’Empire, tels que la cité impériale de Cuzco, le site de Sacsayhuaman ou encore le célèbre Machu Picchu. Au cours de ces 150 ans d'existence, les Incas ont réussi à soumettre plus de 200 peuples - parfois de puissantes cités - et règnent sur un empire d’environ 12 millions d'habitants, David Joaquim Barreiro nous explique "les Incas sont les héritiers des peuples andins qui les ont précédés, et ils vont parvenir à étendre leur domination sur ces très nombreuses communautés et sur un grand territoire en reprenant des mécanismes andins traditionnels. Les Incas vont peu inventer, ils vont améliorer les mécanismes traditionnels et les adapter à leur projet politique, ils pourront ainsi les faire accepter plus facilement aux populations soumises. Par ailleurs, ils disposent d'une grande capacité militaire, il sont une armée immense de 30000 à 40000 hommes autour du site. Quand les Incas rassemblent une armée importante pour partir en conquête, c'est principalement pour impressionner l'adversaire, mais la première étape c'est toujours la diplomatie, afin d'épargner au maximum les populations locales". Carole Fraresso complète "on est dans un territoire où les cultures sont extrêmement variées, l'Inca va instaurer la langue quechua. L'essor, la puissance et la réussite de cet empire inca, de cet empire "des 4 directions" va se baser sur un incroyable système de communication, à l'aide d'un réseau efficace de chemins, d'auberges et de messagers. Ils arrivent ainsi à mettre en place la gestion de l'Inca et de son empire et à lui assurer ainsi son essor. Comme les Romains, les Incas vont récupérer ce qui fonctionne, ce qui est ancré dans les différentes cultures en terme de commerce ou d'artisanat, et ainsi il vont assoir leur rayonnement sur plus de 5000 km".

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Stabiliser le pouvoir impérial : stratégies économiques et symboliques

Outre son chantier, inséré dans le système économique complexe développé par l’Empire, le Machu Picchu, en tant que domaine impérial, a une visée éminemment politique. Selon David Joaquim Barreiro "dans les années 1440, l'empereur Pachacutec va tenter un nouveau système en intégrant les populations nouvellement conquises par le travail, ce qui fonctionne bien. Et il va donc imposer ce système à ses successeurs. Pachacutec fait donc passer un certain nombre de nouvelles lois, dont celle de l'héritage partagé, qui aura une influence sur le règne de ses successeurs. Quand l'Inca meurt, son successeur sur le trône ne récupère que le titre d'Inca, tout le reste, toutes les richesses accumulées revienne à son entourage familial, à sa famille au sens élargi. Le nouveau souverain est donc obligé de partir pour faire de nouvelles conquêtes et intégrer de nouvelles populations afin de mettre des personnes au travail et créer de nouvelles ressources". Par ailleurs, la notion de réciprocité est au cœur des civilisations andines depuis les premiers peuplements, Carole Fraresso ajoute "cette notion de don/contre-don, d'équilibre dans l'échange, est fortement ancrée dans les Andes, dans toutes les sociétés. Lorsque l'Inca va organiser ses grands banquets, ses grandes cérémonies et ses grands rituels, en convoquant les différents provinces assujetties à l'empire, c'est l'occasion pour l'Inca de célébrer les relations dans l'échange. Ce sont des sociétés qui sont très associées aux cérémonies religieuses, mais ce sont également des politiciens et de parfaits gestionnaires. Les alliances politiques et les échanges sont associés à cette notion de réciprocité. Au cours de ces grandes cérémonies, l'Inca va offrir des cadeaux, tels que des textiles précieux, des métaux, des bijoux, de la coca, des produits rares...ce système de don et contre/don va créer une sorte de lien de dépendance".

Références sonores

  • Lecture par Pablo Neruda de ses poèmes Hauteurs de Machu Picchu, 1947
  • Extrait du film Le secret des Incas, réalisé par Jerry Hopper, 1954
  • Extrait du film Le temple du soleil 1969
  • Lecture de l’ouvrage d’Hiram Bingham : La fabuleuse découverte de la cité perdue des Incas, 1948

Références musicales

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