Grabuge à l’Assemblée : une poussée de fièvre démocratique ?

Le ministre du travail Olivier Dussopt lors d'une séance d'examen de la loi sur le plan de réforme des retraites à l'Assemblée nationale, le 8 février 2023. ©AFP - JULIEN DE ROSA
Le ministre du travail Olivier Dussopt lors d'une séance d'examen de la loi sur le plan de réforme des retraites à l'Assemblée nationale, le 8 février 2023. ©AFP - JULIEN DE ROSA
Le ministre du travail Olivier Dussopt lors d'une séance d'examen de la loi sur le plan de réforme des retraites à l'Assemblée nationale, le 8 février 2023. ©AFP - JULIEN DE ROSA
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Dans le cadre de la réforme des retraites, les échanges sont houleux depuis plusieurs semaines à l’Assemblée nationale : comment comprendre ces joutes verbales parfois violentes dans le cadre historique de la Ve République ?

Avec
  • Nicolas Roussellier Professeur d'histoire politique à Sciences Po
  • Dorothée Reignier Maître de conférences en droit public à Sciences po Lille

Evolution de la culture politique

Nicolas Roussellier dresse un parallèle entre “les questions que se posent les manifestants sur la nature de la résistance - “pourquoi travailler deux ans de plus?” - et l’existence d’un parlementaire. Être parlementaire, c’est être contraint par le temps de travail et l'incapacité à pouvoir développer des arguments. C’est ce qui fait que la contraction du débat entraîne des débordements”, explique l’historien.

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S’agissant de l’expression politique sur les réseaux sociaux, la maîtresse de conférences en droit public Dorothée Reignier relève que “les prises de parole à l'extérieur de l’Assemblée, et notamment sur Twitter, peuvent être sanctionnées par le juge, tandis que la liberté de parole des parlementaires est absolue ou quasiment absolue dans l’enceinte de l’Assemblée ”. Nicolas Roussellier ajoute que “la tumulte crée par les tweets n’explique pas la crise politique des partis, mais qu’il y a une coïncidence avec l’affaiblissement de ces derniers. Les partis politiques sont les garants d’une discipline d'esprit et de vote à l’Assemblée. Tout cela est remis en cause aujourd'hui”.

L’historien évoque une seconde inflexion : la “transformation des filières de recrutement du politique, caractérisée par le recrutement accru au sein des associations et de l’activisme”, qui explique également l'activisme accru au sein de l’Assemblée.

De l’atelier des lois à l’arène politique

“Historiquement, le Parlement a évolué de l’atelier des lois vers un ring de boxe, une arène qui l’emporte sur la fonction d’atelier”, explique Nicolas Roussellier. “La fonction d’atelier consiste à conserver le temps de travail et la confidentialité des débats dans la commission. Aujourd’hui, l’arène n’est plus faite pour prendre le pouvoir, comme ce fut le cas à l'époque de Clemenceau. La force de gouverner est là, on peut faire voter une loi non délibérée", précise t-il. "Mais l’envers de la médaille est l’obstructionnisme, les dérapages verbaux, etc”. Dorothée Reignier ajoute que “le président qui dirige les débats à un pouvoir d’appréciation renouvelé, qui consiste à distinguer la volonté d’utilisation politique de l’insulte et l’avis langagier qui doit effectivement être sanctionné”.

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