Faire société aujourd’hui : ce qui nous lie encore

Serge Paugam ©Getty - Louis Monier
Serge Paugam ©Getty - Louis Monier
Serge Paugam ©Getty - Louis Monier
Publicité

On la pensait disparue, abîmée par une société atomisée : la solidarité entre les individus est-elle en train de refaire surface à la faveur des actuelles manifestations ?

Avec
  • Serge Paugam Directeur de recherche au CNRS et d'études à l'EHESS, directeur du Centre Maurice Halbwachs

Les individus sont anthropologiquement solidaires

Pour Serge Paugam, “nous sommes dans une société où l’autonomie a pris une place importante. On y voit notre propre liberté. Or "les sociologues insistent sur le fait que l’individu ne peut pas devenir autonome sans être attaché à d’autres individus et à des groupes, c’est là qu'il prend conscience de son existence sociale. Les liens libèrent et permettent l’autonomie. L’individu est anthropologiquement solidaire.”

Inégalités dans le travail : le mouvement contre la réforme des retraites renforce la solidarité

Durkheim pensait qu’il fallait renforcer les groupes professionnels, qu’ils puissent être puissants, organisés” explique Serge Paugam. Le sociologue rappelle que “pendant la période du COVID les salariés de première ligne, étaient souvent les plus exposés à la précarité, les moins intégrés dans des groupes professionnels et ne pouvant pas se défendre. C’est sur eux que repose la satisfaction, le bien-être d’autres catégories de la population, et finalement ne retire pas beaucoup de satisfaction de leur travail.” 
Ce qui est intéressant dans ce mouvement contre la réforme des retraites”, poursuit-il, “c’est justement que l’on sent une solidarité réapparaître. Les personnes relativement protégées, dans des groupes professionnels qui se défendent, sont concernées aussi par les salariés dans une position plus précaire.” Serge Paugam estime qu’il s’agit là d’une “spécificité de ce mouvement social qui intègre plusieurs catégories de la population, toutes sensibles à cette injustice de faire peser la retraite sur les plus précaires.”

Publicité

Les plus pauvres sont aussi les plus isolés

Selon une étude menée par Serge Paugam, les liens avec les parents sont de plus en plus forts au fur et à mesure que l’on monte dans les catégories socioprofessionnelles. Les ouvriers sont 18 % à ne jamais voir leur père contre 4 % chez les cadres. “Ces résultats montrent les inégalités fortes face au risque de perdre le lien avec son père ou sa mère.” Le sociologue souligne “cette grande inégalité, dans le risque de rupture du lien de filiation. Les personnes en situation de pauvreté n’ont souvent pas de relation régulière avec leur famille, ce sont des personnes qui se sentent isolées.” En dehors de la sphère familiale, “ la participation à la vie associative est très différenciée selon les groupes sociaux. C’est dans les catégories supérieures que l’on participe le plus à la vie associative et donc là encore, on retrouve une inégalité forte et les ouvriers, classes populaires sont dans une situation nettement inférieure.”

L'équipe