Ariane Ascaride : "Il faut laisser de la place aux poètes"

Ayant hérité d’une vocation de comédienne par un père passionné, Ariane Ascaride fait ses classes au Conservatoire sous la tutelle du spécialiste de théâtre réaliste Marcel Bluwal. Marginale, « pas comme il faut », Ariane Ascaride lutte pour se faire accepter des milieux culturels institués, jusqu’à obtenir en guise de consécration le César de la meilleure actrice en 1998 pour son rôle dans "Jeannette et Marius" de Robert Guédiguian. Sa carrière témoigne de sa fidélité à une certaine idée de l’art comme engagement, et chemine le long de celle d’autres artistes (Robert Guédiguian, Pierre Ascaride, Jean-Pierre Darroussin, Gérard Meylan, Jacques Boudet, Simon Abkarian). Au micro d’Arnaud Laporte, Ariane Ascaride revient donc sur son parcours, son rapport à l’art et au jeu.

Apprendre à vivre avec Brecht

L'œuvre de Brecht a accompagné le développement individuel et artistique d'Ariane Ascaride. Au micro d'Arnaud Laporte, elle se souvient de cette rencontre fondatrice et raconte comment elle rend aujourd'hui hommage à son héritage.

“C'est ce que dit Brecht : tout art est fait pour le plus grand des arts : l'art de vivre. Voilà, c'est à ça que ça sert l’art : à apprendre à vivre." Ariane Ascaride

“J'ai cherché et j'ai tout relu, tous les poèmes édités en France, traduits donc, de Brecht. J'ai cherché tout ce qui pouvait avoir à voir avec la vie, la bienveillance, avec l'immigration, avec les filles... et aussi avec l’humour. Parce que c'est quelqu'un qui a de l'humour, Brecht, qui a cet humour tellement allemand, presque une espèce de pudeur pour ne pas trop montrer qu'il a de l'affectivité.” Ariane Ascaride

“On ne nous parle jamais de poésie dans le monde dans lequel on est. Or, dès que vous faites écouter de la poésie aux gens, ça les bouscule, ça les remue. Les poètes, comme dit Elsa Triolet, ce sont des prophètes. Il faut donc laisser de la place aux poètes."  Ariane Ascaride

Faire œuvre de transmission

A cette formation brechtienne, d'autres figures tutélaires se sont ajoutées. Ariane Ascaride poursuit son œuvre de transmission avec ferveur, incarnant notamment sur scène l'avocate et militante féministe Gisèle Halimi.

“L'art engagé, ça ne m'a pas joué des tours, mais je sais que ça m'a parfois fermé des portes. Parce que nous ne sommes pas si nombreux, et de moins en moins. Des fois je dis "je suis un peu fatiguée, est-ce qu’il y a quelqu’un qui voudrait bien me filer un coup de main ?" Je crois beaucoup en la jeune génération, dans les jeunes gens qui ont 25 ans, parce que parce qu'il y a une urgence chez eux et ils ont des choses à raconter. Il faut donc les accueillir, les écouter et les aider.”  Ariane Ascaride

"Metoo existe et c'est très bien. (…) Mais avant, il y a eu Gisèle Halimi. C'est parce qu'il y a eu Gisèle Halimi et ces dames qu'on voit dans des manifestations féministes qui ont 75 ans qu'il y a Metoo. Il ne faut pas confondre. C'est dans ce sens-là que ça marche. Et moi, je rends hommage à ces femmes-là." Ariane Ascaride

Son actualité

• "Gisèle Halimi Une farouche liberté", avec Ariane Ascaride et Philippine Pierre-Brossolette, entretien réalisés par Annick Cojean et mis en scène Lena Paugam, reprise à la Scala le 17 mars puis à Avignon 2023 à la Scala

• "Du bonheur de donner", de Bertolt Brecht, avec Ariane Ascaride et David Venitucci au théâtre du Lucernaire jusqu'au 5 mars puis à Avignon 2023 à la Scala

• " Sous le tapis" de Camille Japy, 2023, Mandarin cinema, Paname Distribution

• " Et la fête continue !" de Robert Guédiguian, 2023, production Agat Films, Marc Bordure

Sons diffusés pendant l'émission :

• Marcel Bluwal dans "A Voix Nue", sur France Culture le 2 janvier 2015
• Robert Guédiguian dans « Affaires culturelles », en janvier 2022
• Elsa Triolet au micro de Georges Charbonnier, en 1961
• Le choix musical d'Ariane Ascaride : Nel letto in cui siamo staremo (3'27) interprété par Milva, composé par Bertolt Brecht et Kurt Weill Album : Milva canta Brecht vol.1 (1980) Label RCA