Hitler et "Mein Kampf". Genèse de l'idéologie nazie : épisode • 2/4 du podcast Hitler. Vers la "Solution finale"

Exemplaires de "Mein Kampf" d'Adolf Hitler ©Getty - Matthias Balk/picture alliance
Exemplaires de "Mein Kampf" d'Adolf Hitler ©Getty - Matthias Balk/picture alliance
Exemplaires de "Mein Kampf" d'Adolf Hitler ©Getty - Matthias Balk/picture alliance
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En 1924, emprisonné dans la forteresse de Landsberg en Bavière, Hitler entame la rédaction de "Mein Kampf". Hiérarchie "raciale", antisémitisme virulent, "espace vital" à conquérir, autant d'éléments annonciateurs de la politique du Troisième Reich.

Avec
  • Nicolas Patin Maître de conférences en histoire contemporaine à l’Université Bordeaux-Montaigne
  • Olivier Mannoni Traducteur, essayiste, directeur de l'École de Traduction Littéraire

En 1920, deux ans après la fin de la Première Guerre mondiale, paraît Mein Kampf, traduit en français deux ans plus tard sous le titre Mes combats et dont le titre complet est : Mes combats à l’assaut du militarisme et de l'impérialisme allemands. Le livre, qui dénonce le militarisme prussien, est signé par Friedrich Wilhelm Foerster, professeur de philosophie et de pédagogie morale installé à Zurich. La portée historique de ce Mein Kampf n’est rien face à l’autre qui porte le même titre, paru dans les mêmes années, signé par Adolf Hitler.

Un livre structuré par l'antisémitisme

Le 11 novembre 1923, deux jours après le putsch raté de Munich, Hitler est arrêté et emprisonné dans la forteresse de Landsberg. Alors que son parti est dissout et que Hitler est condamné à une peine de cinq ans de prison pour haute trahison (dont il n'effectue que neuf mois), il entame un ambitieux projet littéraire qu'il pense sous-titrer "règlement de compte". Très vite, sur les conseils de ses éditeurs, Hitler intègre des éléments autobiographiques, largement remaniés, qu'il mêle à des analyses théoriques bellicistes, racistes et antisémites. "Hitler a une idée redoutable, qui est une des charges de dangerosité du texte : on ne parle pas aux Allemands avec des grandes idées, mais avec de l'incarnation", explique l’historien Nicolas Patin. "Hitler décide en juin 1924 de faire de Mein Kampf une autobiographie, ce qu’on appelle en allemand un Bildungsroman, un roman d’apprentissage. (…) Aujourd’hui, Mein Kampf est encore lu au Japon, en Inde, en Turquie et dans de nombreux pays comme un manuel de développement personnel."

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Rédigé et publié en plusieurs temps, Mein Kampf décrit une "vision du monde" nazie, qui appelle à la persécution des Juifs et à la conquête d'un "espace vital" pour la "race aryenne", qu'il prétend supérieure. D'après le traducteur Olivier Mannoni, "Hitler se laisse emporter par son texte dans une avalanche de mots. La structure logique sur laquelle il est parti dérape et donne une fin de phrase ou de paragraphe qui n'a plus rien à voir avec le début. On se retrouve avec des illogismes complets sur des paragraphes entiers, qui débouchent sur des conclusions extrêmement simples et percutantes, comme il le fait dans ses discours". Cependant, l'antisémitisme sert de colonne vertébrale à ce texte alambiqué et difficile à lire, comme le souligne Nicolas Patin : "L'antisémitisme unit le texte dans une vision complotiste où la haine des Juifs explique tout – la défaite allemande de 1918, les malheurs de l'Allemagne sous l'Empire allemand, les problèmes du parti nazi... (...) L'antisémitisme est une clé d'interprétation de l'histoire du passé, du présent et du futur."

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"Mein Kampf", symbole du Troisième Reich

Peu lu à la publication des deux volumes, en juillet 1925 puis en décembre 1926, Mein Kampf voit ses ventes décoller après la victoire du parti nazi le 30 janvier 1933. S'il n'a pas été conçu comme un programme politique, Mein Kampf est un puissant instrument de propagande. Offert aux jeunes mariés, moyennant monnaie, donné aux soldats de la Wehrmacht, ou aux adhérents du parti, l'ouvrage devient un symbole du Troisième Reich. S'il n'annonce pas à proprement parlé la "Solution finale", Mein Kampf contient les germes d'une politique génocidaire.

🎧 Pour en savoir plus, écoutez l'émission…

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Pour en parler

Nicolas Patin est maître de conférences en histoire contemporaine à l'Université Bordeaux-Montaigne et spécialiste de la Première Guerre mondiale, de la république de Weimar et du nazisme. Il est membre de l'équipe scientifique française d' Historiciser le mal. Une édition critique de Mein Kampf (sous la direction de Florent Brayard et Andreas Wirshing, Fayard, 2021).
Il a notamment publié :

Olivier Mannoni est traducteur, essayiste et directeur de l'École de Traduction Littéraire à Paris. Il a élaboré la nouvelle traduction de Mein Kampf pour Historiciser le mal. Une édition critique de Mein Kampf (sous la direction de Florent Brayard et Andreas Wirshing, Fayard, 2021) en collaboration avec l'équipe scientifique.
Il a également publié :

Références sonores

  • Archive de Mouloudji à propos de Hitler et Mein Kampf dans l'émission Pentimento, France Inter, 25 novembre 1990
  • Archive d'Ilse Hess sur l'écriture de Mein Kampf, 1er janvier 1978
  • Extrait de Hitler m'a dit de Hermann Rauschning lu par Michel Etcheverry, France Inter, 3 mai 1970
  • Extraits de Mein Kampf lus par Fernand Pelatan, Tribune de Paris : Les hommes, les événements, les idées à l'ordre du jour, 28 septembre 1946
  • Archive du journaliste Jean Guignebert, Paris vous parle, 23 octobre 1945
  • Générique de l'émission : Origami de Rone

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