Les ramifications marseillaises du crime organisé nigérian

Couverture de l'ouvrage Mafia Africa signé Célia Lebur et Joan Tilouine, paru aux éditions Flammarion - Johan Baggio
Couverture de l'ouvrage Mafia Africa signé Célia Lebur et Joan Tilouine, paru aux éditions Flammarion - Johan Baggio
Couverture de l'ouvrage Mafia Africa signé Célia Lebur et Joan Tilouine, paru aux éditions Flammarion - Johan Baggio
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Dans les quartiers nord de Marseille, la police française découvre en 2020 avec stupéfaction l’existence de gangs aux croyances occultes, les cults, qui sèment la terreur parmi les demandeurs d’asile africains et défient les caïds locaux sur leur propre territoire...

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Depuis une dizaine d'années, la communauté nigériane de Marseille voit grandir en son sein le poids des cultists, ses membres de sectes issus d'anciennes fraternités étudiantes basculées depuis des décennies dans le crime organisé. Le trafic de drogue et d'êtres humains représente leurs actions principales avec la terreur leur moyen d'action privilégié.

L'immigration nigériane à Marseille

Déjà dans l'entre deux guerres Marseille était une terre de passages, en raison des activités maritimes de cette ville portuaire. Dans les années 20, certains marins et dockers venaient du Nigeria et ont participé à marquer la ville et à lui donner son identité. On retrouve cela dans le roman de Claude McKay, Romance in Marseille.

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L'immigration contemporaine nigériane à Marseille remonte aux années 80 et 90. Elle est faite d'une petite communauté de travailleurs. Et il y a aussi eu dans les années 2000, des "madame", des Nigérianes qui s'adonnaient à une forme de proxénétisme de filles "importées" de villages du sud du Nigeria. Un phénomène toutefois à la marge d'une communauté très tranquille et besogneuse. La communauté réside alors plutôt dans le cœur de la ville, dans le quartier de Noailles et dans des coins assez paisibles d'habitations. Aujourd'hui, beaucoup des Nigérians de la première génération habitent d'ailleurs dans des pavillons.

L'année 2014 marque une rupture, le nombre de demandeurs d'asile nigérian explose. Il y a eu d'importantes arrivées de Nigérians depuis les côtes italiennes en provenance de Libye, après avoir traversé le désert. Sur cette population de demandeurs d'asile, il y avait beaucoup de femmes. D'après les données de l'ONU, parmi les femmes nigériennes recensée à leur arrivée en Italie, environ 80 % étaient des victimes de la traite d'êtres humains. Une grande partie de cette immigration est contrôlée par des gangs qui recrutent d'abord dans les rues de Bénin City dans l'état d'Edo dans le sud du Nigeria. Les 2/3 des Nigérians qui franchissent la Méditerranée partent de cet état du pays.

Autour des cults, un sentiment d'appartenance et une trajectoire criminelle

Les parcours sont très divers et pluriels au sein des cults. Certains hommes partent à l'aventure comme beaucoup de jeunes désillusionnés du sud du Nigeria. D'autres partent de manière beaucoup plus organisée, en s'imbriquant dans des formes de trafics d'êtres humains ou de drogue à partir du sud du Nigeria, vers la Libye puis l'Europe. Certains sont cultistes par contrainte, ils n'ont pas eu le choix à Bénin-City et ont été enrôlés de force dans les gangs. Pour le reste, certains nigérians y adhère pleinement et de leur plein gré. Il existe différents parcours pour les hommes, mais une chose les rassemble tous : le rêve d'une vie meilleure.
Pour les femmes, le statut et la trajectoire sont tout autre. Elles sont de véritables marchandises, des esclaves qui font l'objet de commerce et rapportent de l'argent à ceux qui organisent le réseau. Le recrutement de ces femmes victimes se fait dans les villages et villes, au sein des cercles familiaux. La traite humaine et la prostitution engendrent une série de petites sommes qui, agrégée, représentent de grands profits. Le réseau fonctionne dans une logique du capitalisme le plus primaire où le corps est réduit à une marchandise.

" La communauté nigériane des aînés a complètement été dépassée par cette vague de violence. Ils ont fait ce qu'ils ont pu au sein de leurs associations communautaire. Il y a eu rapidement une vraie prise de conscience et ils ont joué un rôle très important, car ils sont allés directement au contact de ces cults dont ils connaissent parfaitement le phénomène. Ils ont été faire des médiations de crises au sein des quartiers Nord, avec une méthodologie de zone de conflit en essayant de faire asseoir les chefs de gangs autour d'une table pour tenter de négocier et d'arracher une forme de paix fragile. Mais ils ont échoué, ils le disent eux même, ils ont été dépassés. "

Musique d'introduction : JuL feat. Omah Lay - Namek

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