Qui sont les masculinistes ? Quels sont leurs réseaux ?

De leurs réseaux à leur méthode, de leur origine à leur présence protéiforme, on revient aux sources de ce phénomène, pas si récent…

D'où vient le masculinisme ?

"Le masculinisme naît dans les années 1970 aux Etats-Unis et au Canada. Au départ, ça vient d'initiatives d'hommes qui se qualifient de féministes et qui veulent être alliés à la cause des féministes. Ils se mettent à réfléchir à la façon dont ils participent directement ou indirectement aux inégalités et des féministes de leur entourage leur suggèrent de se regrouper et de réfléchir de leur côté à comment être de bons alliés.
Se mettent alors en place des réseaux avec deux tendances, deux façons de penser la masculinité. Une scission va s'opérer autour de la manière d'atteindre l'égalité. D'un côté, des hommes vont réfléchir à la masculinité comme catégorie sociologique, et d'autres comme une catégorie biologique.
Ces derniers se disent qu'ils doivent devenir de meilleurs hommes pour atteindre l'égalité. Ils deviennent progressivement un problème parce qu'ils en viennent à attaquer les féministes pour des raisons très personnelles, comme une rupture sentimentale, ou parce qu'ils n'ont pas la place qu'ils estiment mériter dans les réseaux féministes. Apparaît donc le discours de la crise de la masculinité : si nous avons des problèmes en tant qu'hommes, c'est parce que les femmes nous dominent." Mélissa Blais

Comment comprendre l'idéologie masculiniste ?

"Il faut rappeler que, pour arriver à penser que les hommes souffrent d'inégalités, il faut vider le substrat sociologique du concept même d'égalité et penser que l'égalité est atteinte. Il est nécessaire d'avoir ce présupposé de départ pour penser le masculinisme. Pour les personnes qui refusent de voir la persistance des inégalités qui placent les femmes en position inférieure d'un point de vue hiérarchique, le discours féministe devient inaudible et même un discours opprimant les hommes." Mélissa Blais

L'émergence de la manosphère

"La virulence des masculinistes se déplace en ligne. Se développent alors des sous-communautés dans ce qu'on appelle la manosphère. À partir de ce même constat d'une crise de la masculinité, ils vont développer des sous-axes de discours. Certains, comme les célibataires involontaires, les incel, vont argumenter qu'ils sont injustement traités parce qu'ils sont désavantagés génétiquement. D'autres vont argumenter que les hommes ne parviennent plus à séduire : on parle dans ce cas de pick-up artists, qui donnent des astuces aux hommes pour séduire des femmes. Tous attaquent frontalement, chacun de leur côté, les féministes en ligne, notamment les figures connues." Mélissa Blais

Sons diffusés :

• Reportage au Camp Optimum, dans le Journal de France 2, 29/03/2017
• Extrait du film OSS 117 : Rio ne répond plus, de Michel Hazanavicius, 2009
• Extrait du documentaire Polytechnique : ce qu'il reste du 6 décembre, de Judith Plamondon, 2019
• Extrait du documentaire Bitch ! Une incursion dans la manosphère, de Charles Gervais, 2019
• Chanson de fin : Muddy Waters, Mannish Boy

Bibliographie :

• Sous la direction de Christine Bard, Mélissa Blais, Francis Dupuis-Déri : Antiféminismes et masculinismes d'hier à aujourd'hui, aux éditions PUF
• Sous la direction de Mélissa Blais et Francis Dupuis-Déri : Le mouvement masculiniste au Québec, l'antiféminisme démasqué, aux éditions Remue-Ménage
• Documentaire La fabrique du mensonge : Affaire Johnny Depp/Amber Heard - La justice à l'épreuve des réseaux sociaux, de Cécile Delarue