La Chine est-elle un simple partenaire économique pour les Européens ?

La Présidente de la Commission Européenne, Ursula Von der Leyen, et Emmanuel Macron, sur le perron de l'Elysée, avant leur départ pour la Chine, le 3 avril 2023 ©AFP - LUDOVIC MARIN
La Présidente de la Commission Européenne, Ursula Von der Leyen, et Emmanuel Macron, sur le perron de l'Elysée, avant leur départ pour la Chine, le 3 avril 2023 ©AFP - LUDOVIC MARIN
La Présidente de la Commission Européenne, Ursula Von der Leyen, et Emmanuel Macron, sur le perron de l'Elysée, avant leur départ pour la Chine, le 3 avril 2023 ©AFP - LUDOVIC MARIN
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Le 5 avril, Emmanuel Macron débute son premier déplacement en Chine depuis la pandémie et le déclenchement de la guerre en Ukraine, pendant trois jours, accompagné d’Ursula Von der Leyen. « Reconnecter » avec la République Populaire implique de s’interroger sur la nature de la relation Europe-Chine.

Avec
  • François Chimits Économiste au sein du think tank allemand Mercator Institute on China Studies et au centre d’études prospectives et d’informations internationales (CEPII)
  • Alice Ekman Analyste responsable de l'Asie à l'Institut des études de sécurité de l'Union européenne (EUISS)
  • Alain Wang Sinologue, enseignant à l'École centrale Paris

L’arrivée en Chine d’Emmanuel Macron et d’Ursula Van der Leyen, une semaine après celle du premier ministre espagnol et quelques jours avant celle de la ministre des affaires étrangères allemandes montrent que la longue parenthèse du Covid est bel et bien fermée et que le voyage à Pékin est désormais pour l’Europe aussi important que le voyage à Washington.

Mais ce voyage est précédé de nombre de discours de prévention, tant sur la position chinoise sur la guerre en Ukraine que sur l’utilisation par la Chine de sa puissance économique, laissant entendre un enthousiasme modéré par la méfiance.
Il faut dire que le partenariat sans limites énoncé avec la Russie a douché certains espoirs européens de faire de Pékin une puissance d’équilibre dans le conflit ukrainien.

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Et affirmer également que l’excitation des chefs d’entreprise français en vue de ce voyage en Chine est balancée par la concurrence économique et la coercition exercée parfois par le pouvoir de XI Jinping contre les pays qui n’épousent pas ses vues géopolitiques.

Pour en débattre, Emmanuel Laurentin reçoit François Chimits, analyste au Mercator Institute for China Studies et économiste affilié au Centre d’Études Prospectives et d’Informations Internationales ; Alice Ekman, analyste à l’Institut d’études de sécurité de l’Union européenne ; Alain Wang, enseignant à l’École Centrale Supélec et à l’Institut français de la mode.

Une nouvelle stratégie européenne

Ursula Von der Leyen a exposé sa vision des relations entre l’Europe et la Chine lors d’un discours le 30 mars dernier. « On n’attendait pas de la Commission européenne d’être aussi volontaire et ferme vis-à-vis de la Chine » reconnaît François Chimits. « En 2019, l’Union européenne avait adopté une stratégie qui qualifiait la Chine de rivale systémique, compétiteur et partenaire » rappelle Alice Ekman, « mais l’expérience a montré qu’il était difficile de cloisonner les secteurs de coopération ». Elle salue le discours de la Présidente de la Commission, qui « parle uniquement de rival systémique », tout en s’interrogeant sur la manière avec laquelle les vives réactions chinoises vont se matérialiser lors du déplacement de ce début d’avril : « les autorités chinoises vont taper assez fort sur Ursula Von der Leyen, être conciliants avec Emmanuel Macron pour souligner les divergences de vue qui existent au sein de l’Union […] et privilégier le développement de coopérations entre des Etats-membres et la Chine afin de créer des tensions transatlantiques, et de marginaliser le ‘camp occidental’ ».

Vers un nouvel ordre mondial chinois ?

« Ursula Von der Leyen était à Washington il y a peu, elle est aussi critiquée pour cette raison dans la presse chinoise » ajoute Alain Wang, « au cœur de tout ça, il y a une réelle guerre technologique entre les Etats-Unis et la Chine ». François Chimits explique que les européens s’interrogent sur ce qu’il doivent mettre en commun au regard des relations avec la République Populaire : « pour ce qui est de la France, elle a des positions dures dans la discussion interne à l’Europe, mais propose un discours plus sympathique dans le bilatéral […]. Cette visite devrait obliger à une mise en cohérence ». Cohérence nécessaire du fait de l’ambition chinoise de redéfinir un ordre mondial sur ses propres critères, dont témoigne « sa claire association avec la Russie ». Selon lui, cette réflexion européenne est déjà entamée : « les pays baltes se sont retirés du sommet 17+1 de dialogue avec la Chine, et la Présidente du Conseil italienne hésite à signer la convention de poursuite les nouvelles routes de la soie ».

Un partenariat économique en tension

Le Président de la République se rend en Chine afin de retisser les liens économiques, « ce qui n’est pas évident » selon Alice Ekman. En effet, elle assure que les entreprises européennes questionnent fortement leur présence en Chine : « il y a eu des recadrages dans le secteur des nouvelles technologies, financier, et à la suite de la crise du covid, des entreprises surprises par les politiques chinoises ont quitté le pays ». De son côté, François Chimits observe « un renforcement de l’Union Européenne » dans sa relation commerciale avec la Chine, « grâce à l’accumulation d’outils pour mener à des discussions fermes, comme les barrières au commerce ». Le problème : « Pékin saura répondre de manière agressive, mais l’Union européenne ne sait pas trop faire face à ces situations ».

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