Le XIXe siècle est celui du labeur des animaux. Des ateliers aux champs, des mines aux brasseries, les chiens, chevaux et mulets sont un moteur essentiel de l'industrialisation.
- François Jarrige Historien des sociétés industrielles, maître de conférences en histoire contemporaine à l'Université de Bourgogne
Quand il est question d'industrialisation, ce sont les machines et les usines qui nous viennent à l'esprit, avec la puissance de la vapeur. Mais que des animaux accompagnent les hommes dans leur labeur n'est pas une nouveauté, dans les champs jusqu'à l'atelier. Que deviennent ces animaux, bœufs, chiens, chevaux face à l'industrialisation ?
Industries et animaux, quels rapports ?
La présence animale au XIXe siècle a longtemps été injustement invisibilisée. Dans l’imaginaire collectif, le siècle de l'industrialisation est en effet celui où les turbines, les moteurs, l’électricité et la vapeur se substituent à la force humaine et animale. Pourtant, les animaux n’ont jamais été aussi présents dans les villes et les campagnes qu’au XIXe siècle.
Pour l'historien François Jarrige, le XIXe siècle est souvent considéré comme le siècle du charbon : "En réalité, on peut considérer que c'est aussi très largement le siècle des animaux dans l'espace public, dans les espaces de travail, ainsi que dans les champs. Le nombre d'animaux n'a jamais été aussi important qu'à cette époque-là, et ils ont été mis au travail dans toute une série de situations".
Quand les animaux travaillent pour les hommes
Les chevaux, les chiens, les mulets sont des acteurs essentiels du travail agricole, de la révolution des transports, et de l’extraction minière. Leur omniprésence suscite des débats et des querelles : est-il cruel de faire travailler les animaux ? Cela affranchit-il les individus de tâches avilissantes, ou les bêtes volent-elles au contraire de précieux emplois ? De la question de la protection animale à celle du statut des ouvriers, les interrogations liées au labeur animal sont au cœur des débats du XIXe siècle.
L'étymologie du mot "manège" est évocateur du travail réalisé par les animaux pour les hommes : au XIXe siècle, le manège désigne littéralement le moteur à animal, tandis qu'aujourd'hui, il renvoie à un jeu pour enfants. François Jarrige explique : "Le sens moderne du mot manège apparaît à la fin du XIXe siècle, lorsque les fêtes foraines se développent. On va appeler manèges ces distractions enfantines qui ressemblent à des animaux. Par ailleurs, ce sont souvent de vrais chevaux qui font fonctionner les premiers manèges enfantins. Il faudra attendre l'électrification de l'entre-deux-guerres pour que l'électricité remplace la force de l'animal. Cet exemple insiste sur le fait que la figure de l'animal-machine est fondamentale".
La fin du travail des animaux
En 1845, la Société Protectrice des Animaux naît du scandale d'un médecin qui dénonce la violence faite par les cochers parisiens sur les animaux utilisés pour le transport urbain. "S'ensuit alors toute une série de dénonciations et de nouvelles questions apparaissent, poursuit François Jarrige. L travail des animaux est-il forcément une exploitation ? Les animaux ont-ils des droits, des sentiments ?"
Malgré ces nombreux débats, aucune législation spécifique sur l’animal de travail ne voit le jour. Il faut attendre le lendemain de la Première Guerre mondiale pour que le travail des bêtes se raréfie. Après 1918, il est en effet perçu comme un archaïsme cruel et peu productif, surtout en ce qui concerne le travail canidé, à l’heure où le chien est considéré comme un animal domestique digne d’affection, voire comme un membre de la famille à part entière.
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Le Pourquoi du comment : histoire
Toutes les chroniques de Gérard Noiriel sont à écouter ici.
Bibliographie
- François Jarrige, On arrête (parfois) le progrès. Histoire et décroissance, L'Échappée, 2022
- François Jarrige, Liliane Hilaire-Pérez, Claude-Pierre Molard (1759-1837). Un technicien dans la cité, Presses universitaires de Franche-Comté, 2022
- François Jarrige, Alexis Vrignon, Face à la puissance. Une histoire des énergies alternatives à l'âge industriel, La Découverte, 2020
Références sonores
- Archive sur l'utilisation du cheval, Dimanche à la campagne, France Inter, 19 février 1962
- Reportage sur l'utilisation du cheval dans les mines du Nord-Pas-de-Calais, Le Cheval ouvrier, 9 avril 2005
- Chanson Le Petit Cheval de Georges Brassens, 1952
- Archive sur Gottfried Wilhelm Von Leibniz, Une vie, une œuvre, 21 novembre 1985
- Générique de l'émission : Origami de Rone
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