Les agriculteurs européens face à la sécheresse : épisode • 3/4 du podcast Accès à l’eau, un défi mondial

En Andalousie, les exploitations maraichères représentent 80 % des usages en eau et exporte leur production partout en Europe, le 20/03/23 ©AFP - Jorge Guerrero
En Andalousie, les exploitations maraichères représentent 80 % des usages en eau et exporte leur production partout en Europe, le 20/03/23 ©AFP - Jorge Guerrero
En Andalousie, les exploitations maraichères représentent 80 % des usages en eau et exporte leur production partout en Europe, le 20/03/23 ©AFP - Jorge Guerrero
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Aux quatre coins de l'Europe, la pluviométrie dangereusement basse depuis l'été 2022 inquiète les agriculteurs, les experts et les autorités. De l'Espagne à la Roumanie se dessinent des mesures d'urgence et d'adaptation du modèle agricole au réchauffement climatique.

Avec
  • Pierre-Marie Aubert Ingénieur agronome, directeur du programme Politiques agricoles et alimentaires à l’Institut du Développement Durable et des Relations Internationales (IDDRI)
  • Pierre-Louis Mayaux Chercheur en science politique au Cirad, le Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement

Dans la plaine du Pô en Italie, historiquement parmi les plus fertiles, des portions de fleuve ressemblent aujourd’hui à des plages. Dans les campagnes de Roumanie, on peine désormais à récolter quelques épis de maïs.  Dans les champs andalous, la production d’olives est menacée. Partout en Europe, le constat est le même : les sols s’assèchent, les cours d’eau baissent, voire disparaissent et les cultures se retrouvent menacées.

Dans un rapport publié dès juillet 2022, la Commission européenne s’inquiète : 44% des territoires de l’Union et du Royaume-Uni seraient exposés à un niveau de sécheresse “alarmants”. Mais le cauchemar ne s’arrête pas là. Car après les vagues de chaleur de l’été dernier, c’est une sécheresse hivernale qui frappe désormais l’Europe. Et les prévisions pour l’été 2023 sont loin d’être réjouissantes.

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Depuis des semaines, partout en Europe, les agriculteurs tirent la sonnette d’alarme. Peut-on semer et de récolter dans un tel contexte ? Si en France le débat s’envenime sur la question des méga-bassines, solution proposée par certains comme une solution face au manque d’eau, comment le débat se pose-t-il ailleurs en Europe ? Notre modèle agricole peut-il s’adapter à cette nouvelle donne climatique ? Faut-il repenser tout notre système de production et d’alimentation ?

Julie Gacon reçoit Pierre-Marie Aubert, ingénieur agronome et directeur du programme agriculture à l’Institut du développement durable et des relations internationales (IDDRI).

Sous les radars
28 min

Pierre-Marie Aubert rappelle qu'il existe une législation européenne sur l'eau, très largement transgressée : “En 2000, la Commission européenne publie la directive-cadre sur l’eau qui pose comme objectif le retour au bon état écologique des cours d’eau à l’horizon 2015 et au plus tard 2021. Une part importante des masses d’eau européennes n’y est toujours pas conforme. Aujourd’hui, c’est un objectif de survie : on va avoir un problème à court terme d’accès à l’eau et de maintien des capacités productives et de vie tout court des éco- et agrosystème à travers l’Europe.

Derrière le modèle d’irrigation, la question, c’est ce qu’on mange, qu’est-ce qu’on produit et à quels objectifs on tente de répondre. Pour le moment, on suit des objectifs de rendement avec des filières à forte valeur ajoutée comme l’élevage qui est l’une des plus lucratives dans le monde agricole. En Europe, on consomme plus de viande que ce dont on a besoin, il faut poser l’équation entre ce qu’on produit et nos ressources en eau.” analyse Pierre-Marie Aubert.

Pierre-Marie Aubert évoque une des pistes à envisager pour répondre aux sécheresses structurelles qui vont toucher l'Europe : “il semble difficile aujourd’hui de dégager davantage d’offre en eau pour l'irrigation donc la vrai question c’est comment fait-on pour diminuer la demande sans mettre à mal ce qui fait la richesse de notre monde agricole. Un des piliers de la transition des systèmes agroalimentaires, c’est la diversification. Certains travaux extrêmement prometteurs donnent à voir des capacités de résistance à la sécheresse dans des systèmes de rotation plus complexes que ceux utilisés actuellement.

Cultures Monde
58 min

Seconde partie : le focus du jour

Maroc : face au stress hydrique, la politique agricole au pied du mur

Sur les rives de la Moulouya, des agriculteurs s'inquiètent du débit faible du fleuve qui ne lui permet plus d'atteindre la mer, au Maroc, le 02/11/21
Sur les rives de la Moulouya, des agriculteurs s'inquiètent du débit faible du fleuve qui ne lui permet plus d'atteindre la mer, au Maroc, le 02/11/21
- Fadel Senna

Avec Pierre-Louis Mayaux, chercheur en politiques de l’eau au CIRAD.

Selon un rapport de la Cour des comptes du Maroc publié en mars 2022, le pays figure parmi les 20 pays les plus “stressés” au monde sur le plan de la disponibilité des ressources en eau. Cette situation inquiète les autorités pour la survie du secteur agricole, un des piliers du modèle économique du Maroc. Elles le maintiennent donc, mais au prix d’une consommation en eau dont le pays commence à ne plus avoir les moyens. Trouver de nouvelles ressources ou changer de modèle ? Quelles perspectives pour l’agriculture marocaine ?

Selon Pierre-Louis Mayaux, le Maroc s'enfonce dans une impasse en maintenant un modèle agricole basé sur l'irrigation à grande échelle et destiné à l'exportation : “Le Maroc a déjà gagné 1,5 degré depuis les années 1980. Les prévisions à 2050 tablent d’une diminution de 15 à 40% des précipitations. Malgré ça, on continue de construire des barrages pour récupérer chaque goutte d’eau supplémentaire.

Pour aller plus loin :

Références sonores & musicales

Une émission préparée par Mélanie Chalandon.

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