Tunisie : les espoirs déçus du printemps arabe

Rached Ghannouchi salue ses partisans à son arrivée au poste de police de Tunis. ©AFP - Fethi Belaid
Rached Ghannouchi salue ses partisans à son arrivée au poste de police de Tunis. ©AFP - Fethi Belaid
Rached Ghannouchi salue ses partisans à son arrivée au poste de police de Tunis. ©AFP - Fethi Belaid
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Dans un pays qui a vu naître en 2011 une démocratie inédite dans la région, que reste-t-il des espoirs du Printemps Arabe ?

Avec
  • Sophie Bessis Historienne, spécialiste de l'Afrique subsaharienne et du Maghreb
  • Guy Sitbon Journaliste, écrivain et homme d’affaires, conseiller de la rédaction du magazine Marianne
  • Ezzedine Saidane Economiste, expert financier pour DirectWay, ancien vice-président de la Banque internationale arabe de Tunisie (Biat) et ancien directeur général de la filiale de l’Arab Banking Corp

Alors que la Tunisie connaît une grave crise financière de nombreuses manifestations ont éclaté dans le pays pour contester la dérive autoritaire du chef de l’Etat et demander des mesures économiques rapides. L’emprisonnement lundi 17 avril de l'opposant Rached Ghannouchi s’inscrit dans une série d’arrestations de figures de la vie intellectuelle tunisienne.

L'économie tunisienne en panne

L'économiste Ezzedine Saidane rappelle "que la situation économique et financière avant juillet 2021 était catastrophique : tous les indicateurs économiques étaient au rouge". "Depuis la situation n'a cessé de se dégrader", ajoute-t-il. "Aujourd'hui nous avons une économie en panne, qui ne produit plus de croissance, plus d'emplois, de richesses. Et nous avons une inflation très élevée. Nous avons aussi un déficit abyssal du budget de l'Etat ainsi qu'un un déficit énorme de la balance des paiements courants. Conséquence de tout cela : nous avons une une accumulation de dette publique sans précédent, de dette extérieure également. Au point que la dette tunisienne aujourd'hui est considérée comme n'étant plus soutenable".

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Un président qui s'arroge la totalité du pouvoir

"L'emprisonnement de Rached Ghannouchi s'inscrit dans une logique tout à fait construite depuis plusieurs mois de désertification de la scène politique tunisienne", explique l'historienne Sophie Bessis. "Le Président Kaïs Saïed a été élu démocratiquement en octobre 2019. Mais en juillet 2021, il s'est arrogé la totalité du pouvoir avec un coup de force issu d'une interprétation tout à fait personnelle de la Constitution de 2014. Depuis ce mois de juillet, il est en train de mettre en oeuvre un programme qui désertifie la scène politique tunisienne et il concentre ses attaques sur les autres partis politiques, en particulier Ennahda, qu'il considère comme son principal adversaire", poursuit-elle.

" Il y a un fort affaiblissement de la démocratisation " estime le journaliste Guy Sitbon avant d'ajouter :" En Tunisie, on peut avoir le sentiment que la démocratie occidentale n'est pas faite pour nous. Que toute expérience qui va dans ce sens mène à la victoire des islamistes, au chaos. On parle de la dictature de Ben Ali comme un age d'or et le retour à la démocratie n'est pas considéré comme un idéal".

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