Inflation : le début de la fin ?

Raffinerie en construction à Longkou, Yantai, province du Shandong, Chine ©Getty - Future Publishing / Contributeur
Raffinerie en construction à Longkou, Yantai, province du Shandong, Chine ©Getty - Future Publishing / Contributeur
Raffinerie en construction à Longkou, Yantai, province du Shandong, Chine ©Getty - Future Publishing / Contributeur
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Ralentie depuis la crise du Covid et impactée par la guerre en Ukraine et ses conséquences, l'économie mondiale va-t-elle redémarrer ?

Avec
  • Pauline Wibaux Économiste au CEPII
  • Sylvie Matelly Economiste et directrice de l’Institut Jacques Delors
  • Xavier Timbeau Économiste, directeur de l'Observatoire Français des Conjonctures Économiques (OFCE)

L'économie mondiale peine à se remettre de la crise sanitaire et de la guerre en Ukraine. Le Fonds monétaire international (FMI) table sur une croissance mondiale inférieure à 3% cette année, ce qui n'était jamais arrivé au 21e siècle puisque c’est la plus faible expertise depuis 1990. Entre tension géopolitique, inflation, sans oublier les frayeurs récentes concernant le système bancaire et financier, la multiplication des crises entraîne avec elle une reconfiguration du commerce international, de nouveaux partenariats mais aussi des effets durables pour les pays les plus fragiles sur le plan économique.

Un ralentissement des économies européennes et une inflation élevée qui va perdurer en 2023

En France, selon les dernières estimations du FMI, la croissance annoncée pour 2023 est de 0,7%, ce qui est un peu mieux que les estimations pour l'Allemagne, Sylvie Matelly nous explique " l'Allemagne est très fragilisée aujourd'hui par la fin de son modèle. Un modèle qui s'était construit sur le commerce, plutôt que l'investissement dans la sécurité, et aujourd'hui l'Allemagne se retrouve rattrapée par deux phénomènes, la fragmentation et/ou l'évolution de la mondialisation et sa dépendance à la Chine, en terme de débouchés et aussi en terme d'importations. L'Allemagne est aussi dépendante vis-à-vis de la Russie et au-delà de ce pays, elle est dépendante pour ses importations d'énergies ; elle fait face aussi à la nécessité de se réarmer, en raison de la guerre en Ukraine. L'Allemagne et l'économie allemande ont fait néanmoins preuve d'une vraie résilience sur ces derniers mois, en particulier l'augmentation des prix de l'énergie a fortement pesé sur l'industrie, mais a finalement moins affaibli la croissance que ce l'on pouvait craindre", Xavier Timbeau ajoute "à la source de la crise énergétique, il y a la volonté de la Russie d'attiser des failles en Europe et de les élargir pour créer de la division et récupérer ainsi des avantages politiques. Le fait que l'Europe semble résister est un élément très important dans cette bataille économique qui se joue, il s'agit d'une guerre économique d'un genre un peu nouveau : il ne s'agit pas que de produire plus d'armements, il faut résister aux agressions. D'un autre côté, l'Europe fait face à une récession cachée. En effet, à la sortie de la crise du Covid, on s'attendait en 2022 à des taux de croissance assez élevés, de l'ordre de 2 à 3%, pour une croissance de rattrapage, suite à diminution d'activités très forte qui n'avait pas été jusque-là rattrapée. Aujourd'hui on dit qu'on échappe à la récession car on a des chiffres de croissance un peu au-dessus de 0, mais par rapport à ce que l'on attendait juste avant le début de la guerre en Ukraine, on a bien 2 à 3 points de moins. Si on n'avait pas eu le Covid et si la guerre était arrivée plus tard, on aurait aujourd'hui des chiffres franchement négatifs et on dirait  que nous sommes en récession. Je pense qu'on est entré en récession, ce qui va avoir des conséquences sur l'emploi et sur le déficit public, il y aura un impact économique réel qui sera coûteux pendant longtemps et c'est véritablement le prix de cette guerre et d'une action délibérée de la Russie contre l'Europe".

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La reprise de l’économie chinoise est-elle synonyme d’un retour des guerres commerciales ?

Le rapport du FMI prévoit que la croissance chinoise et indienne contribueront pour moitié à la croissance mondiale en 2023. Pauline Wibaux nous explique "on assiste à une fragmentation de l'économie mondiale, plutôt entre la Chine et les Etats-Unis. On sent le risque poindre au niveaux des institutions, du point de vue de l'OMC et également du FMI, cela les inquiète énormément. Les décideurs publics en parlent beaucoup, avec cette notion du "friendshoring" qui est l'idée de relocaliser la production dans des pays dits" amis" ou a minima des pays politiquement alignés. La question est aussi celle de la faisabilité de ces réorganisations de production, qui implique l'aval des entreprises et ce qui n'est pas toujours corrélé aux décisions politiques". Comme le mentionne Ralph Ossa, nouvel économiste en chef de l'OMC, il y a un narratif sur l'interdépendance économique qui serait porteuse de sécurité et de prospérité, qui a complètement changé. Pauline Wibaux poursuit "effectivement, l'idée c'est de rester amis de ces pays proches politiquement, et on le voit avec la stratégie de découplage entre la Chine et les Etats-Unis qui est assez forte. Ce que les pays veulent c'est réduire cette interdépendance et à ce niveau-là tous les coups sont un peu permis. Le mois dernier, les Etats-Unis ont commencé à pousser assez fort pour que la Chine perde son statut d'économie en développement vis-à-vis des institutions. Ce qui signifie qu'auprès de la banque mondiale elle n'aurait plus accès à des prêts à taux d'intérêt plus faibles, que du point de vue de l'OMC, la Chine n'aurait plus le droit d'imposer des droits de douane plus élevés sur des produits qui viennent de pays avancés, on est véritablement en train de changer de dynamique".

Pour aller plus loin

  • L'économie mondiale 2023 du CEPII (La Découverte, septembre 2022)
  • Sylvie Matelly : Géopolitique de l'économie (Eyrolles, 2021)
  • Eric Heyer et Xavier Timbeau :  “Perspectives économiques 2022-2023”, Revue de l'OFCE (01/2023)

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