L'Irak sous mandat britannique, de la conquête à l’indépendance : épisode • 4/4 du podcast L’Irak avant l’Irak, une histoire

Accession au trône de l'Émir Fayçal Ier, roi d'Irak, 1921 ©Getty - Bettmann
Accession au trône de l'Émir Fayçal Ier, roi d'Irak, 1921 ©Getty - Bettmann
Accession au trône de l'Émir Fayçal Ier, roi d'Irak, 1921 ©Getty - Bettmann
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En 1920, l'Irak, qui n'existe pas encore comme entité étatique indépendante, est intégré à l’Empire britannique par le traité de Sèvres. Quelles conséquences ce mandat a-t-il eu dans la construction de l’État irakien ?

Avec
  • Pierre-Jean Luizard Historien des islams au Proche et Moyen-Orient arabe, directeur de recherche émérite au CNRS, spécialiste de l’Irak
  • Myriam Yakoubi Historienne, maîtresse de conférences en civilisation britannique à l'Université Toulouse Jean Jaurès

Inquiétude dans le quotidien La Presse, le 21 août 1920 : "La situation est grave en Mésopotamie", annonce le journal : "Le gouvernement anglais a rappelé tous ses officiers des armées des Indes et de Mésopotamie qui se trouvaient en permission ; le Royaume-Uni a également demandé à tous les officiers démobilisés qui ont combattu en France pendant la Grande Guerre de reprendre du service pour un an. Ces nouvelles sont considérées comme extrêmement graves", conclut le journal. Que se passe-t-il alors en Mésopotamie, pour ne pas dire en Irak ? Une histoire qui débute sans doute en Arabie.

L’Irak avant l’Irak

Après la conquête de Bagdad par l’Empire ottoman en 1534, la région mésopotamienne est divisée en quatre vilayets, des provinces situées autour des villes de Bassora, Bagdad et Mossoul. Leurs habitants ne forment pas un peuple ni une communauté politique. Malgré cette absence d’unité qui favorise le sentiment d'appartenance local, les Arabes chiites, sunnites et les Kurdes parviennent à coexister avec leurs différences religieuses, ethniques, économiques et sociales.

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À la fin du XIXe siècle, le territoire est marqué par des mouvements migratoires intenses, qui enclenchent un processus d’unité croissante.

L’Irak, un territoire convoité

Au début du XXe siècle, l’Irak attise les convoitises européennes. L’Empire britannique souhaite sécuriser son accès à la route des Indes et au pétrole, dont l'exploitation représente déjà un enjeu international. L’historien Pierre-Jean Luizard revient sur ces enjeux : "Mossoul représentait à l’époque la capitale du pétrole. Son exploitation, à partir des années 1920, est la raison pour laquelle les Kurdes ont été rattachés à l'Irak contre leur volonté, puisque c'était dans cette région que se trouvaient les gisements découverts. Cela a permis à un système politique, qui était combattu par plus des trois quarts de la population, de se maintenir moyennant une répression féroce. L’Irak, depuis 1920, n'a connu que quelques années de paix civile."

Ce contexte militaire débute dès 1914 quand les soldats britanniques débarquent au sud de l’Irak, alors que la prédominance du Royaume-Uni dans la région est brusquement remise en cause par l’Allemagne impériale, qui a pour projet de relier Istanbul à Bagdad par le chemin de fer.

Cultures Monde
58 min

Une région sous mandat britannique

À l'issue de la Première Guerre mondiale, un nouvel ordre international se met en place. En 1920, le traité de Sèvres et son système de mandats divisent le Moyen-Orient entre la France et la Royaume-Uni. La région irakienne est placée sous la domination de l’Empire britannique.

L’historienne Myriam Yakoubi précise : "Les Britanniques au début de la Première Guerre mondiale n’ont pas de projet politique clair quand ils arrivent dans ce territoire longtemps appelé Mésopotamie. Après1920 et la révolte provoquée par l’annonce du mandat qui confie l’Irak au Royaume-Uni par la Société des Nations, les Britanniques comprennent qu’ils ne peuvent pas continuer à occuper militairement cet espace. Ils prennent conscience qu’ils vont devoir créer une administration dite indigène, et donc créer de toutes pièces une monarchie avec le roi Fayçal à sa tête et un gouvernement arabe autour de lui. C'est vraiment le fondement d'une alliance anglo-hachémite qui va durer en Irak jusqu'en 1958."

Il s’agit de former un État-nation sur le modèle européen et de mettre un ensemble territorial sous la tutelle d'une grande démocratie. Selon l’accord établi, le mandat doit prendre fin en 1932 et faire de l’Irak un pays indépendant. En réalité, la tutelle persiste, et les Britanniques construisent un empire informel dans tout le Moyen-Orient arabe qui repose sur des intérêts à la fois économiques, stratégiques et politiques.

🎧 Pour en savoir plus, écoutez l'émission…

Le Pourquoi du comment : histoire

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Toutes les chroniques de Gérard Noiriel sont à écouter ici.

Pour en parler

Pierre-Jean Luizard est historien des islams au Proche et Moyen-Orient arabe, directeur de recherche émérite au CNRS, spécialiste de l’Irak.
Il a notamment publié :

Myriam Yakoubi est maîtresse de conférences en civilisation britannique à l'Université Toulouse Jean Jaurès, spécialiste de l'Empire britannique au Moyen-Orient. Elle est l'auteure de la thèse suivante : La relation anglo-hachémite (1914-1958) : une romance anglo-arabe, sous la direction d’Ann Thomson et de Henry Laurens, Paris VIII, 2016.

Références sonores

  • Film Lawrence d'Arabie de David Lean, 1962
  • Reportage télévisé sur la différence entre chiites et sunnites, Irak, le retour d'Allah, France 5, 11 septembre 2003
  • Archive avec Pierre Desgraupes, Philippe Soupault évoque l'Irak, 12 septembre 1950
  • Archive sur le coup d'État de 1958, Journal télévisé du 20h, 14 juillet 1958
  • Générique de l'émission : Origami de Rone

L'équipe