Patronat : la réforme des retraites est-elle applicable ?

Un travailleur du BTP ©Maxppp - BELPRESS
Un travailleur du BTP ©Maxppp - BELPRESS
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Pénibilité, emploi des seniors, dialogue social, la réforme des retraites a été l’occasion de poser la question de la réforme du travail. Pour y répondre, l’exécutif annonce un nouveau pacte de la vie au travail. Comment les entreprises font-elles face aux problématiques de terrain ?

Avec
  • Erlé Boulaire Artisan plombier, chauffagiste et électricien, président de la CAPEB 22
  • Dominique Laurent Directeur RH de Schneider Electric France, groupe spécialisé dans les solutions numériques et l’automatisation pour l’efficacité énergétique
  • Amir Reza-Tofighi Président de Vitalliance et président de la Fédésap, la principale fédération des entreprises de Services à la Personne

Durant les trois mois qui viennent de s’écouler, les discours sur la réforme ont été majoritairement tenus par les syndicats de salariés et le gouvernement. Les dirigeants d’entreprise ont été plus rares à donner leur avis sur une loi qui pouvait a priori les satisfaire.

Pourtant, selon les types d’entreprises, les réactions ont été contrastées. Les métiers du bâtiment ont ainsi été divisés, en particulier quant aux questions de pénibilité ou d’emploi des seniors, tout comme les métiers du soin. Nous recevons ce soir trois responsables d’entreprises de tailles et de secteurs différents non pour débattre de la réforme déjà votée mais de ses conséquences et des réformes du travail à envisager ensuite.

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Pour en débattre, Emmanuel Laurentin reçoit Erlé Boulaire, artisan plombier, chauffagiste et électricien, président de la CAPEB 22 – la Confédération de l’artisanat et des petites entreprises du bâtiment des Côtes-d’Armor ; Dominique Laurent, directeur RH de Schneider Electric France, groupe spécialisé dans les solutions numériques et l’automatisation pour l’efficacité énergétique ; Amir Reza-Tofighi, président de Vitalliance, service professionnel d'aide à domicile pour les personnes dépendantes, président d'honneur de la Fédésap, principale fédération des entreprises de Services à la Personne, et membre du Comité exécutif de la Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME).

« Le gros sujet mobilisateur, c’est la question du pouvoir d’achat et des salaires »

« On n’a pas découvert la question de l’emploi des seniors avec la réforme des retraites » s’amuse Dominique Laurent, « avant la crise du covid, il y a eu un rapport du gouvernement sur les seniors en entreprise qui montrait comment la crise avait été un facteur d’accélération, sur la question des nouvelles façons de travailler ». Pour lui, l’âge de départ n’est pas le cœur du débat : « des fois, les gens sont cassés à cinquante-cinq ans, il y a la question des inaptitudes, des maladies professionnelles, de la pénibilité ». Cette « hypercrispation » autour de l’âge pivot témoigne selon lui d’une « mythologie historique » française autour du travail : « on a positionné le travail comme un élément qu’on doit réduire parce qu’il est souffrance, mais les enquêtes montrent qu’il n’y a pas d’insatisfaction dans la durée ». L’enjeu, c’est celui de la négociation des branches sur les métiers pénibles, sur la transmission, « sans standardiser ce qu’est un senior en entreprise ».

« Il faut arrêter avec l’image d’une personne de 58 ans qui se serait plus utile pour l’entreprise »

« Que des personnes n’aient plus envie ou de capacité à travailler, c’est une évidence » reconnaît Amir Reza-Tofighi, « mais on a généralisé. C’est une dissonance entre le discours syndical et la réalité de la population française ». Il remarque un échec de la communication de la réforme des retraites, notamment du fait de l’oubli d’une mesure : « un droit nouveau de l’usure professionnelle […] : chaque branche va définir les métiers qui ouvrent à ce droit qui va mener à des aménagements ». Il s’offusque : « deux ans de travail ce serait voler deux ans de vie ? Je pense que ce n’est pas ça l’avenir du travail ». Dans le domaine des auxiliaires de vie, il identifie deux enjeux qui dépassent la question des retraites : « c’est un métier qui manque de reconnaissance et de rémunération, et donc les sujets prioritaires sont la pénibilité, les déplacements… ».

« Chaque cas est un cas : on est pas tous égaux devant la santé »

La CAPEB22 s’est mobilisée, elle, contre la réforme des retraites : « on a écouté nos adhérents, et force a été de constater qu’il y a une angoisse sur l’âge de départ et la pénibilité » explique Erlé Boulaire, « je pense qu’on s’épanouit au travail, quand on a un travail qui plaît, la perspective de carrière et une bonne ambiance d’entreprise, mais ce qui a mis le feu aux poudres, c’est la question de l’âge ». Le problème le plus grave, selon lui, c’est « la peine à trouver des salariés, et sans renouvellement générationnel, ça va être compliqué pour les petites entreprises d’arrêter les gens à cinquante ans à cause de traumatismes au travail ».

Le Temps du débat
38 min

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