Réforme des retraites : comment la mobilisation ramène les salariés vers le syndicalisme

Des membres de la CGT lors d'une manifestation, lundi 1er mai 2023, au Havre. ©AFP - LOU BENOIST
Des membres de la CGT lors d'une manifestation, lundi 1er mai 2023, au Havre. ©AFP - LOU BENOIST
Des membres de la CGT lors d'une manifestation, lundi 1er mai 2023, au Havre. ©AFP - LOU BENOIST
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Depuis janvier, dans le cadre de la lutte contre la réforme des retraites, toutes les organisations voient de nouveaux adhérents affluer. La CFDT, 1er syndicat français, parle de plus de 35 000 nouveaux membres. Force ouvrière avance le chiffre de 10 000 et la CFTC 6 000 syndiqués supplémentaires.

6h45 dans le centre de Lorient. Un feu de palettes et autour, une poignée de manifestants qui bloquent le passage à niveau qui mène au port. Parmi eux, Pablo, 28 ans, les yeux encore ensommeillés : "J’ai mis le réveil à 6h15, mais je n’ai pas réussi à me lever."

Des adhésions parfois multipliées par dix

Ce travailleur social mobilisé contre la réforme des retraites fait désormais partie de l'intersyndicale à part entière.
"J'ai décidé de me syndiquer. Mon adhésion date de deux semaines, je crois. Je ne suis pas anti-CGT ou anti-FO, je m'en fiche. Actuellement, dans mon domaine, c'est Solidaires qui est le plus actif... Trouver sa place, peu importe, du moment où on vient, on a sa place. Mais c'est vrai qu'il y a des fois, il y a des litiges, ça va gueuler. Chacun a sa culture de militants. Et c'est cela qui fait la force du mouvement. C'est cela aussi qui permet de dialoguer entre syndicats et entre différents corps de métier. Il faut qu'on se mélange."

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Effectivement, juste à côté, d'autres syndicats sont présents. Rémy Hamon, de la CGT, porte-voix à la main, confirme que la mobilisation a suscité de nouvelles adhésions dans sa centrale aussi. "Auparavant, via les sites internet, on avait une à deux demandes de syndicalisation par mois. Là, on est plutôt à 15-20 par mois. Pour l'essentiel, les entreprises, ce sont des petites entreprises comprises entre dix et 40 salariés."

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De nouveaux profils

Concernant le profil de ces nouveaux adhérents, ce sont "plutôt des employés ou des ouvriers du privé essentiellement. Par exemple, on s'est présenté pour la première fois dans une entreprise d'ingénieurs, cadres, techniciens qui bossent dans les logiciels et le copain a été élu. C'était une boîte où on était complètement inexistants. On a vu dès le 19 janvier ce besoin d'identification et ça s'est retrouvé tout au long du mouvement."

Ces salariés s'identifient à un syndicat pour être défendus, entendus, et, au-delà, pour être actifs dans ce combat contre la réforme des retraites, analyse Lydie Nicol, de la CFDT.

Ils viennent de "tous secteurs professionnels confondus et tout le territoire également. Plus d'un tiers des nouvelles adhésions ne proviennent pas de l'adhésion en ligne. On a également beaucoup d'adhésions qui se font en direct pendant les manifestations."

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Les leaders des syndicats CGT, CFDT et Solidaires à Paris, lors de la manifestation du 1er mai 2023.
Les leaders des syndicats CGT, CFDT et Solidaires à Paris, lors de la manifestation du 1er mai 2023.
© AFP - ALAIN JOCARD

"La responsabilité des organisations syndicales est vraiment immense"

Une progression continue qui dure depuis trois mois. Du jamais vu, comme le constate le sociologue Karel Yon, chercheur au CNRS :

"Cet afflux d'adhérents renforce les bases existantes, mais il permet aussi d'en créer de nouvelles. Et cela, c'est vraiment quelque chose qui est lié à cette visibilité, à cette centralité qu'acquiert le syndicalisme dans un contexte aussi particulier que celui d'un mouvement social. On a bien vu la centralité du syndicalisme dans la construction de la mobilisation, y compris dans l'animation du débat public sur les problématiques du travail. Je pense que là, on a eu la manifestation à un niveau très, très large de l'utilité de l'action syndicale qui a permis de surmonter ce qui est aujourd'hui un des principaux obstacles pour le syndicalisme : son absence de tout un tas de lieux de travail. Et derrière ces vagues de syndicalisation, il est possible justement que s'opère un mouvement de politisation progressiste au sein des classes populaires et de ce point de vue-là, il me semble que la responsabilité des organisations syndicales est vraiment immense."

Enfin, explique le sociologue, une partie des néo-syndiqués a été sensible au caractère unitaire de la mobilisation et au choix fait par les syndicats de mettre leurs divergences de côté.

Le Billet politique
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