Ingérences étrangères : le monde politique français est-il sous influence ?

Marine Le Pen, lit ses notes avant l'audition de la commission d'enquête sur l'ingérence étrangère à l'Assemblée nationale, à Paris, le 24 mai 2023 ©AFP - Christophe Archambault
Marine Le Pen, lit ses notes avant l'audition de la commission d'enquête sur l'ingérence étrangère à l'Assemblée nationale, à Paris, le 24 mai 2023 ©AFP - Christophe Archambault
Marine Le Pen, lit ses notes avant l'audition de la commission d'enquête sur l'ingérence étrangère à l'Assemblée nationale, à Paris, le 24 mai 2023 ©AFP - Christophe Archambault
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Les liaisons dangereuses entre le Rassemblement national et la Russie sont au cœur d’un récent rapport de l’Assemblée nationale. En cause : des financements douteux et un tropisme non dissimulé pour la Russie au sein du parti de Marine Le Pen. Le RN est-il vraiment le cheval de Troie de Poutine ?

Avec
  • Isabelle Lasserre Correspondante diplomatique du Figaro, rédactrice en chef adjointe au service étranger du Figaro
  • Frédéric Encel Docteur HDR en géopolitique, professeur à l'ESG Management School et maître de conférences à Sciences-Po Paris

Le Rassemblement national et la Russie : des liaisons dangereuses

" Cela fait des années que l'on parle des liens qui unissent ou ont uni Marine Le Pen à Vladimir Poutine”, indique la journaliste du Figaro , Isabelle Lasserre . “Il y a eu l'emprunt contracté en 2014 auprès d'une banque russe, connu depuis très longtemps. Par ailleurs, la présidente du Rassemblement national a multiplié, avant l'invasion russe en Ukraine, les petites phrases qui prouvaient son admiration vis-à-vis de Poutine et une connivence vis-à-vis du régime”. La journaliste ajoute que " Marine Le Pen a salué, à plusieurs reprises, les intérêts communs qui unissaient la France et la Russie au niveau civilisationnel et au niveau stratégique. Elle a déjà affirmé qu'elle admirait Vladimir Poutine, qu'elle considérait que la Crimée était russe et non pas ukrainienne, et elle n'a jamais protesté contre l'intervention extrêmement violente de la Russie en Syrie, qui a donné lieu à des crimes dénoncés par l'ONU et par les Occidentaux”.

“On est le seul pays d'Europe qui, aux dernières élections, avait trois partis politiques qui manifestaient à minima une compréhension et une légère amitié vis-à-vis de la Russie de Vladimir Poutine”, rappelle par ailleurs Isabelle Lasserre. Elle précise : “il y avait le Rassemblement national, la France insoumise et une partie de la droite”.

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Affinité idéologique ou intérêts financiers ?

“Ce rapport a fuité dans la presse ”, rappelle Ia journaliste. “Pour l'aspect financier, il y a aurait, d'une part, ce prêt en 2014, prêt qui a été rééchelonné et dont on se demande s'il a donné lieu à des contreparties en France. Est-ce que le fait qu'elle ait emprunté à Moscou a donné lieu à des concessions de sa part ?”. Isabelle Lasserre indique : “il est évident qu'il y a eu des facilités. Par contre, sur les concessions qui auraient été demandées à Marine Le Pen, visiblement il n'y a aucune preuve : on n'en sait rien et c'est absolument introuvable. Et je pense qu'on ne peut pas le prouver. Ensuite, sur le volet politique, le Front National, aujourd'hui Rassemblement National, a constamment manifesté une connivence et une amitié vis-à-vis d'un régime criminel”

" Le plus intéressant dans cette histoire est que l'on perçoit la manière dont Vladimir Poutine profite des failles des démocraties et utilise des courants politiques", analyse Isabelle Lasserre. "Il y a un terrain propice en France et en Allemagne, beaucoup plus que dans les autres pays européens, à une connivence avec la Russie. La droite radicale en particulier est extrêmement sensible au fait que la gestation pour autrui en Russie est légale. Vladimir Poutine, en particulier, présente la Russie comme garante des valeurs familiales qui seraient menacées en France par les mouvements LGBTQI+, etc”.

Qu’en est-il des autres pays ?

Le docteur en géopolitique Frédéric Encel ajoute que “l’on pourrait aussi parler de la Chine, ou bien du Qatar, des Etats-Unis ou d'Israël. Non seulement ces ingérences existent, mais en plus de cela, tout le monde veut s'influencer mutuellement". Il précise : "chaque régime politique considère que pour parvenir à ses objectifs, il faut employer un certain nombre de stratégies. C'est l'économie, c'est parfois la guerre. Malheureusement, c'est ce qu'on appelle le “soft power”. On touche alors à la capacité d'influence qui passe par la culture, par l'achat de personnalités politiques, associatives, médiatiques d'un pays dont on souhaite que sa classe politique ou son opinion vous soit favorable". Il ajoute : "a**ujourd'hui, cela a pris, je pense, un tour plus important, avec l'expression massive et multiple des opinions publiques et qui est désormais un levier primordial du hard-power”.

Frédéric Encel précise : "il y a des Etats comme le Qatar qui posent et poseront de véritables problèmes, et qui ont démontré une volonté d'influencer les démocraties occidentales, via le fameux 'soft power'." Et il y a évidemment un bloc composé par "la Turquie, la Russie, la Chine et l'Iran, qui sont les trois puissances révisionnistes qui souhaitent réviser des traités et des réalités politiques y compris en marchant sur les frontières des pays voisins".

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