À qui appartient la classe moyenne ?

Des personnes à la plage, à Palavas-les-Flots dans l'Hérault, en 2021 ©AFP - PASCAL GUYOT
Des personnes à la plage, à Palavas-les-Flots dans l'Hérault, en 2021 ©AFP - PASCAL GUYOT
Des personnes à la plage, à Palavas-les-Flots dans l'Hérault, en 2021 ©AFP - PASCAL GUYOT
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Alors que les appels aux classes moyennes sont légion dans le discours politique, l’expression désigne une réalité sociale confuse. Revenus, capital culturel, trajectoires : peut-on caractériser la classe moyenne ? Dans ses attentes et ses comportements, quelle réalité politique constitue-t-elle ?

Avec
  • Frédéric Falcon Député Rassemblement national de la 2ème circonscription de l’Aude
  • Astrid Panosyan-Bouvet Députée Renaissance de Paris, membre de la Commission des affaires sociales et co-présidente d’un groupe de réflexion transpartisan “Travail en commun !”
  • Sandra Hoibian Directrice générale du Credoc (Centre de recherche pour l'étude et l'observation des conditions de vie)

Le président de la République a récemment annoncé des baisses d’impôts de deux milliards d’euros pour les classes moyennes. Chercheurs et politiques ont immédiatement débattu de la disparition -ou non- de cette catégorie sociale floue, modélisée dans les années 1980 par le sociologue Henri Mendras et qui se serait transformée depuis cette époque. Car autant la définition de cette catégorie sociale dépend des indicateurs de salaire ou de formation que prennent les chercheurs, autant les Françaises et les Français eux-mêmes pensent y appartenir à 70 %.

Que signifie donc d’appartenir à une classe sociale en voie théorique d’effacement ou de transformation ?

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Pourquoi réfuter à la fois l’appartenance aux classes populaires et aux classes les plus favorisées pour s’installer au cœur ventru de la toupie, figure utilisée par Henri Mendras comme représentation graphique de sa vision de la société des trente glorieuses ?

Pour en débattre, Emmanuel Laurentin reçoit Frédéric Falcon, député Rassemblement national de la 2ᵉ circonscription de l’Aude ; Astrid Panosyan-Bouvet, députée Renaissance de la 4ᵉ circonscription de Paris ; Sandra Hoibian, directrice générale du Credoc, le Centre de recherche pour l'étude et l'observation des conditions de vie.

« Le niveau de confort de la classe moyenne a progressé, mais pour l’obtenir, la pression au travail est très forte »

« Globalement, la classe moyenne, ce sont les ménages qui se trouvent autour de la médiane des revenus » explique Sandra Hoibian, « avec un mode de vie qui correspond aux normes de la société, de ce qui est répandu ». La masse de cette classe moyenne témoigne du degré d’inégalité dans la société selon elle : « plus elle est nombreuse, plus il y a de cohésion sociale ». Elle n’observe pas d’érosion de ce groupe : « il y a plutôt un phénomène d’individualisation, on souhaite être un individu singulier qui fait partie de plusieurs communautés ». Pour elle, les classes moyennes se rassemblent dans un triptyque de problématiques, logement, déplacements et emploi.

« Les classes moyennes sont essentielles dans la promesse démocratique, la promesse du travail et l’acceptabilité sociale de la transition écologique »

« Il y a une définition économique, une définition en rapport avec l’emploi, on parle de France des BTS… » ajoute Astrid Panosyan-Bouvet, « avec une diversité de configurations familiales, de revenus… ». Le travail fait partie des attentes majeures de ces individus, estime-t-elle : « si on travaille, si on respecte les règles, on doit pouvoir se construire une meilleure vie pour soi et pour ses enfants ». Pour elle, « le travail a souvent été un impensé. On a beaucoup parlé d’emploi, de chômage, de réduction du temps de travail, mais on a peu parlé de la réalité subjective qu’est le travail : il est temps ». De la même manière, « il y a la question de la qualité des biens publics », comme la santé et l’école, qui sont des « sources d’inquiétude ».

« Les classes moyennes sont mises à rude épreuve, et si rien n’est fait, on va au-delà de mouvements sociaux qui seront violents »

« Les classes moyennes se définissent par la valeur travail » renchérit Frédéric Falcon, « et l’accès à la propriété ainsi qu’à la voiture, sont ses deux marqueurs forts ». Il parle de déclin de cette classe, causé depuis trente ans par la désindustrialisation et la métropolisation : « il y a un aspect économique mais aussi moral, avec une exclusion du foncier, des centre-ville avec les Zones à faibles émissions… ». La classe moyenne serait aussi victime d’une « pression fiscale extrêmement forte » selon lui : « avec 47% de prélèvements obligatoires, un record de recettes fiscales sur la TVA, les gens se disent qu’ils paient de plus en plus, mais qu’ils ont de moins en moins ».

Affinités culturelles
59 min

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