Le jeune facho

Le 6 mai 2023 des membres du groupe d'extrême droite ''Comité du 9 mai'' (émanation du GUD) se sont réunis à Paris. ©AFP - © Adnan Farzat / NurPhoto
Le 6 mai 2023 des membres du groupe d'extrême droite ''Comité du 9 mai'' (émanation du GUD) se sont réunis à Paris. ©AFP - © Adnan Farzat / NurPhoto
Le 6 mai 2023 des membres du groupe d'extrême droite ''Comité du 9 mai'' (émanation du GUD) se sont réunis à Paris. ©AFP - © Adnan Farzat / NurPhoto
Publicité

Fils de militaire, il intègre un lycée militaire en internat où il se lie d’amitié avec un camarade néonazi et adhère au Groupe Union Défense (GUD). Jusqu’à ce jour de mai 2017 où tout bascule. Un récit signé Karine Le Loët.

Attention, cette émission contient des propos racistes et xénophobes, certes rapportés avec une certaine distance mais que nous ne cautionnons évidemment pas. Les noms des personnes et les lieux ont été anonymisés.

C’est l’histoire d’un jeune homme qui se radicalise sur les bancs de l'internat où ses camarades, appartenant à  une mouvance néonazie, l'accueillent à bras ouverts.

Publicité

"Pour nous, le FN, c'était trop de gauche"

"Je me suis très rapidement intégré. En fait, je prends une bière, je fume une clope, on rigole, on fait copain copain rapidement. On fait des soirées dans les appartements, on discute de tout, de rien, des mouvements ou pas. Il y a cette impression d'appartenir à un groupe, d'être une famille soudée, d'avoir sa place, d'exister. J'ai un nom, j'ai une place et une vraie identité et ça pour moi, à l'époque, ça n'a pas de prix. Et à force d'en parler, on ne prête plus attention au nazisme, en fait, ça devenait quelque chose de même pas dramatique. Une croix gammée ne représentait pas plus pour nous qu'un marteau et une faucille pour un communiste."

Une violence décomplexée

Quand il rejoint les rangs de l'organisation étudiante d'extrême droite "Groupe Union Défense" - soit le GUD - connue pour son radicalisme, il s'adonne à une sourde violence.

"Je n'étais pas le meilleur cogneur. Par contre, j'encaissais bien les coups quand j'allais à la fac le lendemain, avec un œil au beurre noir, avec des bleus, avec le nez explosé. Les gens me regardaient bizarrement, mais le fait de sortir du lot c'était un sentiment qui était plaisant. Je disais 'oui mais je ne suis pas comme vous, je suis au-dessus de la masse, je suis différent. Je suis un homme, un vrai. Je suis le cliché du mâle alpha. J'encaisse les coups'."

Jusqu'au jour où la violence va trop loin. Il a alors 18 ans.

"On leur tombe dessus à cinq contre deux, on les attrape, on les savate et puis on n'y va pas avec le dos de la cuillère. Moi, j'en attrape un, je lui casse une bouteille de bière sur la tête. Puis une fois qu'il est au sol, je continue. Puis j'ai un copain qui ramène une matraque. Moi je lui saisis des mains, je commence à la brandir et en fait, c'est lui qui me l'arrache des mains à ce moment là, parce que les deux au sol étaient déjà K.O.. Ils n'étaient plus en état de se battre, même plus en état de se relever car ils étaient trop amochés. On a pris la fuite tant que les deux étaient au sol, l'un complètement inconscient, l'autre toujours conscient, malgré tout. C'était assez bizarre, ça faisait comme un calme plat lorsqu'on a des acouphènes. On se disait, si ça se trouve, il y en a un qui est mort."

À réécouter : Le repenti
Les Pieds sur terre
28 min

Déconstruire

Après sa détention, l'ex membre du GUD commence à ressentir de la honte pour ses actes passés et tente de déconstruire l'emprise que ce groupuscule avait sur lui.

"J'étais très attaché à toutes ces valeurs qu'on partageait dans les milieux d'extrême droite : la fidélité, la fierté, l'honneur, tout ça. En fait, tout ce que je voulais à cette époque-là, c'était que les gens puissent sortir, boire un coup en ville, faire la fête sans avoir peur à 2 heures du matin de se faire racketter dans une ruelle, de se faire violer... Sauf qu'en fait, plus le temps passait, plus on devenait ce même danger, plus on devenait les personnes qui agressaient les gens dans les ruelles à 2 heures le matin. Oui, à vouloir créer une sécurité partout, à vouloir se dire 'on est les beaux chevaliers servant la société française', on est devenu le monstre qui rôde dans les rues la nuit."

8 min

- Reportage : Karine Le Loët 
- Réalisation : Clémence Gross
- Mixage : Romain Lenoir

Merci à celui qui témoigne, de manière anonyme, dans cette émission, ainsi qu’à son avocat.

Musique de fin : "Walk" de Deru (1979)

Pour aller plus loin :

- Les liens du Rassemblement National avec le GUD 
- Le retour du GUD en 2022 (avec le Comité du 9 mai) : polémique autour de l’autorisation d’une manifestation le 6 mai par la Préfecture en mémoire de Sébastien Deyzieu

L'équipe