D'où vient la réputation sulfureuse de Marseille ?

Le Port de Marseille, représenté en 1905 par Paul Signac.
Le Port de Marseille, représenté en 1905 par Paul Signac.
Le Port de Marseille, représenté en 1905 par Paul Signac.
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Vu de l'extérieur, peu d'autres villes françaises peuvent revendiquer avoir une identité aussi affirmée que Marseille. Construit dans l'opposition avec Paris, son imaginaire mêle le classicisme paisible de la Massalia antique, le sens de l'indocilité et quelques poncifs de pastis ou de pétanque…

Avec
  • Olivier Boura Essayiste et romancier français, agrégé d'histoire

Quelques grands moments et quelques grands thèmes surgissent inévitablement lorsque l'on veut faire le portrait de la cité phocéenne.

Parmi les premiers, on compte par exemple sa fondation par des populations grecques aux alentours de 600 avant notre ère, qui lui attribuera un statut de ville hellène jusqu'après la romanisation de la méditerranée. Ou encore le rôle des Marseillais dans la Révolution française, en particulier lorsque des troupes de fédérés remontent à Paris et jusqu'aux Tuileries, en chantant ce qui deviendra notre hymne national. Plus tard, c'est la culture de la rébellion et de la contrebande qui résumera l'image de la ville, aux grandes heures des gangsters de "Chicago-Marseille" et de la French Connection...

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Les seconds nous ont plutôt été transmis par quelques écrivains qui ont figé une Marseille à l'image de leur œuvre. Ainsi Marcel Pagnol a-t-il fait l'élogie du génie linguistique de ses habitants, tandis qu'avant lui Joseph Méry (qui, en son temps, avait connu une notoriété comparable) avait consacré la figure du marseillais hâbleur et désinvolte. Jean Giono, quant à lui, a reconnu le mystère de la ville comme Joyce l'avait fait avec Dublin, mais il l'a fait en instaurant délibérément une rupture entre celle-ci et ses habitants, qu'il estime inférieurs à ce mystère… Ainsi, l'accent, le pastis ou la pétanque ont peu à peu constitué chez les visiteurs les éléments accusateurs d'un portrait à charge, voire parfois de moqueries plus que contestables vis-à-vis d'un mode de vie apparemment exotique pour celui qui le découvrait.

Ces quelques éléments disparates, dont certains constituent de francs poncifs, correspondent-ils fidèlement à la réalité marseillaise ? Sans doute pas, sinon en creux : s'ils ont perduré, c'est aussi parce que Marseille et ses habitants entretiennent cette culture de la rébellion, quitte à opérer une forme de renversement du stigmate en nourrissant délibérément ces points distinctifs des villes désignées comme concurrentes.

C'est à un autre renversement que s'est intéressé Romain de Becdelièvre dans la Pièce jointe du jour : celui opéré par l'ouverture fracassante du tube de l'année 2020...

La Pièce jointe
3 min
  • Olivier Boura est historien et romancier. Il a notamment signé Julia, une île (The Melmac Cat, 2021), ainsi que Marseille ou la mauvaise réputation (Arléa, 1998 et réédition en 2022).
Tous en scène
58 min

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