Robespierre, l'incarnation du peuple : épisode • 2/5 du podcast Avoir raison avec... Robespierre

"Fêtes et illuminations aux Champs-Élysées, le 18 juillet 1790", estampe de la Révolution française par Armand Parfait Prieur - ©CC0 Paris Musées / Musée Carnavalet / Domaine public via Wikimedia Commons
"Fêtes et illuminations aux Champs-Élysées, le 18 juillet 1790", estampe de la Révolution française par Armand Parfait Prieur - ©CC0 Paris Musées / Musée Carnavalet / Domaine public via Wikimedia Commons
"Fêtes et illuminations aux Champs-Élysées, le 18 juillet 1790", estampe de la Révolution française par Armand Parfait Prieur - ©CC0 Paris Musées / Musée Carnavalet / Domaine public via Wikimedia Commons
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"Je suis du peuple"... Renversant la royauté au nom d’un peuple abstrait, la figure de Robespierre nous renvoie à l’incarnation d’un pouvoir s’étonnant lui-même d’être là. Un pouvoir qui parlait au nom du peuple.

Avec
  • Sophie Wahnich Historienne, directrice de recherche au CNRS, spécialiste de la Révolution française

Dans le deuxième volet de cette série Avoir raison avec... Robespierre Emmanuel Laurentin reçoit l'historienne et autrice de La Longue Patience du peuple : 1792, naissance de la République paru aux éditions Payot,  Sophie Wahnich pour interroger la figure populaire de Robespierre se présentant comme un intercesseur capable d'écouter et de protéger le peuple des manipulateurs y compris contre lui-même. Mais quel est ce peuple dont Maximilien Robespierre se fit à la fois le porte-parole et l’incarnation ?

L'historien Marc Bloch nous avait mis en garde dans son ouvrage posthume Apologie pour l’histoire : "Robespierristes, anti-robespierristes, nous vous crions grâce : par pitié, dites-nous simplement, quel fut Robespierre." Quatre-vingts ans après, cette saine exhortation n’est toujours pas d’actualité.

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Car la figure de Robespierre nous renvoie à l’incarnation d’un pouvoir s’étonnant lui-même d’être là, nourri de culture classique et de philosophes qui lui étaient contemporains, renversant la royauté au nom d’un peuple abstrait. D’un pouvoir de jeunes hommes brillants, ambitieux et sans sommeil, inventant les outils de la République, de femmes qui tentèrent de gagner des droits mais qui le plus souvent restèrent à la porte des réformes en cours. 
Un pouvoir qui parlait au nom du peuple et qui voulait, comme le dit Robespierre à La Tribune de la Convention le 17 pluviôse an II, "substituer, dans notre pays, la morale à l’égoïsme, la probité à l’honneur, (…) la grandeur de l’homme à la petitesse des grands, un peuple magnanime, puissant, heureux, à un peuple aimable, frivole et misérable, c’est-à-dire, toutes les vertus et tous les miracles de la République, à tous les vices et à tous les ridicules de la monarchie."

Robespierre, l'intercesseur et la figure populaire

Alors, que signifie "Je suis du peuple" pour Maximilien Robespierre ? Selon l'historienne Sophie Wahnich"il y a différents registres qui conduisent Robespierre à être une figure populaire – au sens de quelqu'un qui a de la popularité et au sens où il peut dire : 'Je suis du peuple'. Ce n'est pas un processus d'identification à proprement parler, mais un processus de subjectivation à la manière des philosophes (...). Tout ce qui fait que le peuple dont parle Robespierre, c'est à la fois l'universalité des citoyens et on est dans une question de totalisation, avec l'idée de volonté générale dont il reparle régulièrement dans ses grands rapports, qui vient évidemment de Rousseau, mais pas seulement, qui vient de tout l'esprit contractualisé du XVIIIe siècle et donc d'une capacité à transformer quelque chose de difficile à saisir qu'est la voix du peuple en possibilité de fabriquer des lois adéquates aux émotions populaires."

Maximilien Robespierre est "toujours inquiet du sang versé"

"La force de Robespierre de protéger le peuple des manipulateurs", explique Sophie Wahnich. "Ce n'est pas qu'une figure parisienne (...), lorsque Robespierre se déplace, la foule vient à sa rencontre". L'historienne souligne qu'il est à la fois capable d'écouter et de protéger le peuple, y compris contre lui-même. "Il ne veut pas que la démagogie l'emporte sur la lucidité. Il est toujours inquiet du sang versé". Pour Robespierre, "une loi qui n'est pas en faveur de la liberté égalitaire, n'est pas une bonne loi". "Le propre du gouvernant est d'avoir de la difficulté à renoncer au pouvoir. Il tient à une égalité devant le droit".

Robespierre avait la hantise de l'idolâtrie

Sophie Wahnich analyse que Robespierre "se méfie de ce rapport aux célébrités en tant qu'il craint, et en particulier si les personnes sont vivantes, que le peuple ne fabrique une idole. Et donc il se méfie des idoles et va refuser systématiquement, aussi bien pour lui que pour d'autres, qu'il y ait des statues et une possibilité de statufier la figure politique même si elle est aimée. Ce n'est pas un refus de l'amour du peuple pour sa personne. Ce n'est pas non plus un refus de l'influence qu'il peut avoir. Mais c'est un refus de l'absence de pluralisation et c'est aussi contre le risque qu'une religiosité s'instaure autour du corps du politique."

Une religion civile pour faire peuple

Pour Sophie Wahnich, la fête de l'Être suprême est l'élément le plus incompris de la Révolution. "Robespierre est convaincu qu'il faut fabriquer une religion civile et, compte tenu de l'état culturel de l'époque, on ne peut pas encore se passer d'une position déiste. Il s'agit donc de réunir l'ensemble de la société autour de cette religion des devoirs de l'homme et la fête de l'Être suprême, qui doit voir l'unité de ces différents aspects sociaux. C'est une première tentative tout à fait passionnante et proche du courant britannique de religion civile qui fabrique ce qu'on appellerait aujourd'hui une laïcité, c'est-à-dire la possibilité pour toutes les religions d'exister, pourvu qu'on (se) reconnaisse dans un conformisme l'espace civique commun."

Réécouter l'émission dans son intégralité en cliquant sur l'icône "▷" situé en haut de la page.

Générique

Remerciements

  • Emmanuel Laurentin remercie : Sophie Wahnich, historienne et l'invitée de cette émission, Valentin Bobinet, technicien à Radio France, Laurence Malonda, réalisatrice de l'émission, Virginie Le Duault, attachée de production ainsi que toutes les personnes qui ont œuvré dans l'ombre à la fabrication de cette émission.

La série est à écouter dans son intégralité en cliquant ci-après : Écoutez et abonnez-vous à la collection de podcasts "Avoir raison... avec Robespierre"

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