"Brazil" de Terry Gilliam : épisode du podcast Les films qui ont changé le monde

Katherine Helmond sur le tournage de Brazil (1985), réalisé par Terry Gilliam ©Getty - Sunset Boulevard / Contributeur
Katherine Helmond sur le tournage de Brazil (1985), réalisé par Terry Gilliam ©Getty - Sunset Boulevard / Contributeur
Katherine Helmond sur le tournage de Brazil (1985), réalisé par Terry Gilliam ©Getty - Sunset Boulevard / Contributeur
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A-t-on encore le droit de rêver ? C'est la question que pose "Brazil" (1985), film inclassable entre science-fiction, burlesque et fable moderne signée Terry Gilliam, membre des Monty Pythons. Plongée dans l'univers dystopique d'un petit fonctionnaire qui cherche la femme qu'il ne voit qu'en rêve.

Avec
  • Stéphane Brizé Cinéaste
  • Patrick Marcel Essayiste, traducteur et illustrateur
  • Philippe Sisbane professeur de cinéma

Surveillance généralisée, Bureaucratie, travail aliénant, ville monstre … La dystopie est à son comble dans ce chef d’œuvre mi-kafkaien mi-orwellien du cinéaste Terry Gilliam.

Près de quarante ans après sa sortie Brazil nous rappelle qu’un autre monde est possible ; un autre monde cependant bien moins enviable, bienmoins vivable que le nôtre… Et à un moindre degré, toute ressemblance avec des faits réels, existants aujourd’hui, ne serait pas fortuite. Voilà pourquoi en choisissant de revenir aux sources du 7e Art, pour cette collection de dix films qui ont changé le monde, nous avons opté pour Brazil, le film dont Jonathan Pryce est le héros et Robert de Niro le chauffagiste ninja rebelle Harry Tuttle !

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Une fable dans un film

Selon Stéphane Brizé, le rire, la démesure sont utiles pour mettre en scène le côté farcesque qui raconte notre monde d’une manière extrêmement précise et juste :

"Je me demande si "Brazil" ne parle pas encore plus précisément de notre société que les films réalistes que je peux faire. Il est à l’endroit de la fable : rien du monde qu’il crée à l'écran n'existe et pourtant, dès le départ, on parle de chirurgie, de terroristes, d'administration délirante... Globalement il parle de notre monde, avec tout ce qu'il y a de plus délirant dans celui-ci. Avec mes films dits "politiques", que je construis à partir de témoignages de gens je rencontre, des gens qui sont à un endroit du monde et qui ont vécu quelque chose qui à avoir avec ce dont je veux parler, je suis systématiquement obligé de réduire la voilure de ce réel pour que ça ait "l’air vrai". Il y a des choses folles qu’on me raconte, et parfois je me demande s’il ne faudrait pas que je change quelque chose à mon dispositif pour pouvoir intégrer ces choses là, car si je les mets dans mon film comme ça, brutes, elles n’auront pas l’air vraies."

Extrait de "Brazil" (1985) de Terry Gilliam
Extrait de "Brazil" (1985) de Terry Gilliam
© Getty - Sunset Boulevard / Contributeur

Esthétiser pour mieux marquer

Mais comme le souligne Patrick Marcel, la science-fiction, c'est justement changer l’angle par lequel on voit une situation. En changeant de point de vue, les choses qui sont familières choquent davantage, alors qu'on les voit tous les jours :

"Cela tient beaucoup à son univers visuel. Terry Gilliam est un artiste visuel très fort, il conçoit son film avec un storyboard, il dessine ses idées de costumes, … Tout "Brazil" est un agrégat. Il ajouté des idées, il a malaxé des idées entre elles, c'est ce qui donne cette structure étrange. Cela fonctionne parce qu'il y a une ligne directrice, mais il y a des éléments qui font sens, qui s'entrechoquent, c'est un film qui fonctionne par références. Cela crée un univers très cohérent dont on n'arrive cependant pas à saisir toutes les parties et c'est ce qui apporte une qualité intrinsèque très forte au film. Cette question du visuel, elle s'était déjà imposé avec les Monty Python : les animations sont devenues, outre les gags, la marque de fabrique des Monty Python - cette atmosphère victorienne, edwardienne."

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Administration et convention : le récit de l'absurde

Car la marque des Monty Python est bien présente dans ce film, du visuel à l'absurde, ainsi qu'à la contestation d’une certaine conformité - mise en scène notamment par la représentation de l'administration, de la bureaucratie. Dans Brazil, c’est le sujet même du film :

"Les Monty Python c’était une œuvre souvent par épisode, par sketchs, même dans les long-métrages. Dans "Brazil", Terry Gilliam suit pour la première fois une histoire avec un arc dramatique très large qui n’est pas composé par épisodes. C’est une nouvelle narration pour lui. En revanche l'absurde est le même que celui des Monty Python, c'est le "nonsense" à la britannique qui est poussé dans ses dernières extrémités." Philippe Sisbane

"Brazil" (1985) de Terry Gilliam
"Brazil" (1985) de Terry Gilliam
© Getty - Sunset Boulevard / Contributeur
26 min

Pour en parler :

  • Stéphane Brizé , cinéaste
  • Patrick Marcel , auteur de Monty Python ! Petit précis d’iconoclasme (Les moutons électriques, 2012)
  • Philippe Sisbane , professeur de cinéma, co-auteur de Les ofni du cinéma fantastique & de SF : et quelques réalisateurs (Terre de Brume, 2022)

Pour aller plus loin :

Références sonores :

  • La reprise du thème Brazil d'Ari Barroso
  • Un entretien avec Katherine Helmond sur son travail avec Terry Gilliam
  • Le making-of de Brazil
  • Extrait de l'émission Le Grand bain , diffusée le 9 août 2011. Le réalisateur Radu Mihaileanu y parle de Brazil à propos de l'humour comme seule arme disponible dans les régimes dictatoriaux

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