Qui êtes-vous, Harriet Taylor Mill ?

Sur le sujet de l'assujetissement des femmes, vous vous en doutez, John Stuart Mill fut fortement inspiré (il le dit lui-même) par son épouse, Harriet Taylor Mill.
Mais comment mesurer cette influence et même cette autorité dans une époque d’inégalité des sexes ? Quand le rôle des femmes était d’être une épouse et une mère ? Et quand on savait si peu de choses de la vie d’une femme ? 
Géraldine Mosna-Savoye reçoit pour en parler Françoise Orazi, professeure de civilisation britannique, à qui l'on une traduction de l'anglais et une présentation de l'ouvrage de John Stuart-Mill et Harriet Taylor : Ecrits sur l'égalité des sexes.

Comment présenter Harriet Taylor Mill, alors qu'on a si peu de traces d'elle et un seul écrit traduit en France ?

"Elle reste un gigantesque mystère, pas uniquement pour moi, mais pour l'ensemble de la communauté scientifique. C'est quelqu'un sur qui il n'y a pas encore véritablement de consensus quant à son rôle exact, et on a encore du mal à prendre la mesure de sa pensée. Si l'on évoque à son endroit "la malédiction d’être une femme de…”, on pourrait peut-être dire le contraire : elle a eu la chance de rencontrer le seul philosophe qui jusqu'au XXe siècle s'est fait le défenseur des femmes dans les ouvrages de philosophie générale. C'est peut-être cela qui explique l'intensité de la passion que Taylor Mill ressent pour Mill, et aussi le fait que sa pensée nous est parvenue, parce que sans la défense que Mill prendra de sa femme - défense qui ne sera pas entendue à son époque - nous ne saurions pas qui elle est". Françoise Orazi

"Une majorité de premières féministes ont eu dans leur biographie des événements particuliers qui les ont disposées à ouvrir les yeux" (F. Orazi)

Qui est-elle ? Harriet Taylor Mill est née en 1807, sous le nom de Harriet Hardy. Elle épouse en 1826 d'abord John Taylor, et quatre ans plus tard, en 1830, rencontre  John Stuart Mill, philosophe, chez les Unitariens.

"Elle vient d'une famille qui n'interdisait pas l'épanouissement intellectuel, en tous cas, n'était pas contre. C'est assez fascinant à l'époque, quand on regarde les premières féministes - celles qui vont donner lieu à la première vague de ce qu'on appellera le féminisme et qui commence plutôt en 1850 ; là, on est en 1830. Lorsqu'on regarde cette période, on se rend compte qu'une majorité de premières féministes ont eu dans leur biographie des événements particuliers qui les ont disposées à ouvrir les yeux sur la condition des femmes, et très souvent, ces événements particuliers sont l'appartenance à une forme de religion dissidente qui encourage le développement de l'intellect." Françoise Orazi

"Harriet s'ennuie un peu dans son mariage et demande à rencontrer des gens qui pourraient la stimuler intellectuellement. Elle s'adresse à l'un des dirigeants des Unitariens, pour lui demander d'organiser un repas avec de nouvelle personnes. Ce fameux repas qui a lieu en 1830 donne lieu à deux scandales terribles pour l'époque : le premier est la relation qui va se développer entre John Stuart Mill et elle, et le second est que le dirigeant quitte sa femme pour sa pupille et ira s'installer avec elle. Au moment où Harriet rencontre John Stuart, elle est enceinte. Dans un premier temps, ils se fréquentent de manière louable, on ne sait pas exactement mais c'est une période initiale qui dure deux ans où en se fréquentant ainsi de manière acceptable du point de vue de l'époque, ils vont développer des sentiments l'un pour l'autre, jusqu'au moment où ils savent qu'ils s'aiment,"   Françoise Orazi

Très rapidement, se met en place une relation étroite, intellectuelle entre Harriet Taylor et John Stuart Mill. Il est sûr qu'il y eut une influence très forte de Harriet Mill sur John Stuart Mill. La question qui demeure est : comment s'exerça-t-elle ?

L'intégralité de l'émission est à écouter en cliquant sur le haut de la page.

Bibliographie :

John Stuart-Mill et Harriet Taylor :  Ecrits sur l'égalité des sexes. textes traduits et présentés par Françoise Orazi, éd. ENS Collection Les fondamentaux du féminisme anglo-saxon, 2014.

Sons diffusés :

• Extrait du film Miss Potter film, de Chris Noonan
• Extrait de la mini-série BBC De grandes espérances, de Brian Kirk
• Musique de Algernon Ashton, Sonate n°5 ; et Humeroske, interprétés par Leslie De'Ath