Etat et police, rapports de pouvoirs

En 1983, Mitterrand avait qualifié de séditieux un mouvement de policiers qui avait fait suite à la mort de deux de leurs collègues ©AFP - Pierre GUILLAUD
En 1983, Mitterrand avait qualifié de séditieux un mouvement de policiers qui avait fait suite à la mort de deux de leurs collègues ©AFP - Pierre GUILLAUD
En 1983, Mitterrand avait qualifié de séditieux un mouvement de policiers qui avait fait suite à la mort de deux de leurs collègues ©AFP - Pierre GUILLAUD
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Depuis une dizaine d’années, l’institution policière connait une crise : face à ce qu'elle considère comme une recrudescence des violences, un “malaise policier” se fait de plus en plus entendre. Une partie des effectifs s'oppose aux décisions de la justice, et derrière elle, à l'autorité de l'Etat.

Avec
  • Hélène L'Heuillet Psychanalyste, philosophe, maîtresse de conférences en philosophie politique et éthique à Sorbonne-Université

Hélène L'Heuillet, docteure en philosophie, revient dans les matins sur la contestation de la détention provisoire de leur collègue marseillais, soupçonné d'avoir gravement blessé le jeune Hedi, mais également celle du policier qui a tiré sur Nahel lors d'une intervention.

Une partie des forces de l'ordre, soutenue par d'importants syndicats policiers, conteste ces décisions de justice et dénonce un trop faible soutien de la part de l'Etat. Comprendre ce mouvement qui remet en cause la séparation des pouvoirs et questionne la place des policiers nous entraine vers l'histoire de cette institution, et conduit à se mettre dans la peau des policiers pour comprendre le rôle qu'ils se donnent et les pouvoirs qu'ils se prêtent, parfois, au défi de ceux de l'Etat.

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Comment les policiers perçoivent-ils leur rôle ? Quel rapport entretiennent-ils avec la justice, et avec l'Etat ? Sont-ils des "citoyens ordinaires " ? Pour en parler, Hélène L'Heuillet, maître de conférence en philosophie politique et éthique à Sorbonne-Université et autrice de Basse politique, haute police (Fayard, 2001), est l'invitée des Matins d'été.

Violence policière ou force publique ?

Hélène L’Heuillet tient à distinguer la “violence légitime” portée par Weber de la violence illégitime. Elle préfère la notion de "force" relayée par la Déclaration des Droits de l'Homme de 1790 puis plus tard par le philosophe Alain pour qui*" le rôle de la police, c'est la force et donc c'est d'arrêter, arrêter un mouvement".* La philosophe observe que "quand on passe de la force à la violence, il y a une soumission de l'être".

Pour Hélène l’Heuillet , il n’est absolument pas normal d’avoir peur de la police. "La peur est multiforme. Qu'on puisse avoir peur de la police quand on est en infraction est une chose normale. Mais entre cette force et la violence, il y a des différences. La violence produit de la terreur". Elle insiste en particulier sur les armes employées par la police : "Il y a des armes, comme les Flashballs, qui ne se contentent pas d'arrêter, mais qui provoquent une sorte de terreur intimidante qui peut dissuader d'user de son droit de manifester".

Un rapport de force entre police et Etat

Alors que le communiqué du groupe syndical Alliance menaçait d'entrer en résistance si le gouvernement ne met pas en œuvre des mesures concrètes pour élargir leurs prérogatives, la philosophe revient sur le rapport de force qu'instaure ce discours entre la police et l'Etat : "il y a une évolution étonnante et inquiétante sur le plan institutionnel. La place de la police est dans cet équilibre extrêmement subtil entre auxiliaire de l'État et autonomie. Or, on assiste actuellement à un déséquilibre en faveur de l'autonomie, sous forme de chantage exercé à l'égard de l'État voire de concurrence avec l'État sur ce que signifie être une force politique".

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