Italie: Giorgia Meloni, modèle pour l'extrême droite européenne ?

. ©AFP - Brendan SMIALOWSKI
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« De quoi Meloni est-elle le nom ? » Depuis son élection, la Présidente du Conseil des ministres italienne Giorgia Meloni étonne. Et sa manière de gouverner, notamment de gérer le temps politique, inspire les extrême-droites européennes.

Avec
  • Gilles Gressani Directeur de la revue Le Grand Continent
  • Anna Bonalume Journaliste et chargée de cours en philosophie à l'Université de Créteil
  • Marie-Anne Matard-Bonucci Universitaire française, chercheuse à l’Institut français de géopolitique

« De quoi Meloni est-elle le nom ? » Depuis son élection, la Présidente du Conseil des ministres italienne Georgia Meloni étonne. Il y a eu son virage « pro-européen », mais aussi ses apparents changements de ton sur l'immigration et les politiques sociales...

Un cheminement politique sur une ligne de crête

Avec la politique budgétaire européenne, Georgia Meloni est obligée de faire des coupes budgétaires pour répondre aux différentes exigences de Bruxelles mais aussi pour espérer obtenir les aides de l'UE. Cette obligation, le gouvernement italien a choisi d'y répondre en faisant des coupes dans le domaine social comme avec le revenu de citoyenneté. C'est assez surprenant compte tenu de discours en faveur des classes populaires lors des dernières campagnes. C'est ainsi qu'Anna Bonalume décrit la situation. De son côté Gille Gressani  considère que la politique économique européenne a toujours influencé l'Italie, mais comme tous les pays à faible croissance. De même que l'arrêt du revenu de citoyenneté était dans le programme de Salvini en 2019. La question d'une proximité du discours de Meloni avec les classes populaires et moyennes inférieures n'a rien avoir le maintien des aides sociales, il suffit de revenir à la sociologie de Bourdieu.
En fait le gouvernement de Meloni essaye d'avancer en tenant leur  droite et leur gauche. Tout en étant très fortement opposé à un revenu minimum obligatoire ils ont eu besoin de montrer qu'il y avait un intérêt social (en voulant taxer les superprofits).
Marie-Anne Matar Bonucci: Si l'image d'une ligne de crête est bonne, j'aurais plutôt parlé de carcan car il est clair que ce gouvernement est contraint et ne peut pas mettre en œuvre tout ce que contient leur programme initial et ainsi que leur idéologie. Une contrainte définie par un contexte international d'appartenance aux institutions européennes  aussi qu'à  cadre démocratique, tout simplement.

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Focalisation sur la bataille culturelle

Marie-Anne Matar Bonucci, Puisque le gouvernement a bien compris qu'il n'avait pas le choix de garder une image de stabilité sur la scène européenne et internationale, ce dernier a mis l'accent sur le sociétale avec un ancrage très à droite comme sur les questions LGBT ou le terrain culturel. La dimension xénophobe reste en toile de fond tout en sachant qu'il n'arrive pas du tout à gérer la situation migratoire. In fine, il essaye simplement de bouger là où c'est simple de le faire. La récente réforme sur le Centre national de cinématographie expérimental (l'école de cinéma) qui a suscité la mobilisation de nombreux cinéastes actuels car cela a été vue comme une volonté du gouvernement de contrôler et de reprendre en main cette institution. Il y a eu une polémique similaire avec la démission de responsables et de journalistes dans l'audiovisuel public italien.
Anna Bonalume. Pour revenir en arrière, elle a déclaré, en 2019, que son partenaire principal au niveau européen était Orban. Qu'à la fois sa vision du monde, et donc sa vision de la société, de l'économie et de la politique, avait été identique à celle du président Hongrois. Qu'est-ce qu'elle est actuellement en train de faire ? Elle est en train d'occuper l'espace médiatique, l'espace culturel et comme ça ses éléments de langage sont en train d'être acceptés. Notamment l'exemple récent du décret concernant les couples homosexuels qui décident d'avoir un enfant et qui ne pourraient pas avoir la reconnaissance vis-à-vis de celui-ci. Elle montre aux yeux de l'Europe son appartenance à une certaine idéologie sur la plan culturel tout en jouant le centrisme sur les autres questions.

Le modèle Meloni : le techno-souverainisme ?

Gilles Gressani. Avec Meloni, il y a une rupture dans la continuité. Par rapport à l'histoire de l'extrême droite des années 1910, on voit chez elle une chose qui n'était pas du tout normale auparavant, c'est l'adhésion presque définitive à l'Euro. Si la plupart des partis d'extrême droite des années 2010 proposent des formes d'Italie-Exit, Frexit, de sortie de l'UE ou de l'euro, elle, a toujours été assez claire. Elle n'a jamais fait campagne sur ces thèmes alors que parfois cela s'est retrouvé dans la bouche de son allié Matteo Salvini. La formule Meloni c'est : convaincre la technocratie d'Etat et les marchés financiers pour obtenir par la suite une marge de manœuvre assez importantes sur d'autres sujets. Pour moi, c'est cela le techno-souverainisme. 
Marie-Anne Matard Bonucci. Pour moi il n'y a pas d'innovation politique. En revanche, il est plutôt certain qu'elle s'est inscrite dans le cadre du capitalisme néolibéral. Son évolution sur la question de l'euro est quand même liée aussi à des questions financières. L'Italie s'était vue accorder un budget tout à fait conséquent après l'euro pour relever l'économie nationale et l'Italie avait aussi besoin de ses aides européennes. Ce qui explique pourquoi elle a fait profil bas alors qu'elle avait tenu auparavant un discours très eurosceptique.

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