Un économiste contre l'économisme : épisode • 1/5 du podcast Avoir raison avec... Karl Polanyi

Portrait non-daté de Karl Polanyi
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Pourquoi Karl Polanyi (1886-1964), intellectuel a priori bien sous tous rapports, décide-t-il de consacrer son œuvre à critiquer la société de marché ? Retour sur la construction d’une pensée iconoclaste à travers les exils et les prises de position d’un économiste rebelle à la plume bien trempée.

Avec
  • Jérôme Maucourant Maître de conférences en sciences économiques

Né en 1886 et mort en 1964, Karl Polanyi a traversé un début de XXème siècle en proie aux guerres, à la montée du fascisme, aux crises de natures aussi variées que violentes. Un chaos qui le concerne directement, qui le pousse à traverser l’Europe puis l’Atlantique. Comment un jeune intellectuel en vient-il à s’élever contre ses pairs et contre le discours dominant ? Comment les bouillonnements politiques qui marquent le début du 20e siècle en Hongrie et en Autriche ont-ils influencé la discipline économique ?

À travers ses essais, à commencer par son œuvre la plus connue, La Grande transformation, publiée en 1944, Karl Polanyi nous montre comment les lois du marché ont bouleversé les deux derniers siècles, au mépris de ce qui fait l’essence des liens qui unissent les hommes entre eux et avec leur environnement. Faire passer ces lois pour des évidences relève de "l’illusion économiste" que dénonce Polanyi. C’est en exorciste que Polanyi regarde le monde : il veut chasser tout ce que l’économie moderne a de fictif et d’imaginaire, tout ce que le marché comporte de mythes.

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L'économie, mais pas celle des phrases coup de poing

Pour ce faire, Jérôme Maucourant relève le style particulièrement accessible de Polanyi qui, loin de trahir une superficialité intellectuelle, fait du texte une "pelote" qu'il est possible de tirer très loin : "Je trouve qu'il y a finalement une écriture très, très moderne chez Karl Polanyi, qui n'est pas avare en ce qu'on appellerait aujourd'hui des punchlines. Il y a des citations assez connues, notamment : "Pour comprendre le fascisme allemand, nous devons en revenir à l'Angleterre de Ricardo"." Ce style en coup en poing explique d'ailleurs peut-être que Polanyi soit "très cité" mais "rarement lu".

Ni libéral, ni marxiste : la possibilité d'une troisième voie

Jérôme Maucourant replace Karl Polanyi dans le contexte politique de son époque : s'il rencontra de très bonne heure le marxisme, il adoptera rapidement une perspective critique à son égard. Plutôt que le marxisme léniniste qui place la lutte des classes avant la morale, "c'est l'austromarxisme qui va l'intéresser, avec, dès l'âge de 22 ans, quelque chose qu'il voit très bien comme problématique, c'est-à-dire sa dimension évolutionniste. Si, effectivement, le meilleur des mondes doit venir parce qu'il y a des lois de l'histoire qui vont engendrer un dépérissement du capitalisme, alors la politique n'a pas d'objet." Et pour Polanyi, la politique a bel et bien un sens, pas tant celui d'une prétendue "évolution historique inéluctable" à laquelle il n'a jamais cru, que celui d'un "idéal moral" qu'elle est censée incarner.

Bibliographie

Pour aller plus loin :

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