Le bombardement du palais présidentiel : épisode • 1/4 du podcast Le coup d’État du général Pinochet : 11 septembre 1973

Le président chilien Salvador Allende en 1973, quelques mois avant le coup d’État du 11 septembre 1973, qui a entraîné son suicide. ©Getty - Collection Bettmann
Le président chilien Salvador Allende en 1973, quelques mois avant le coup d’État du 11 septembre 1973, qui a entraîné son suicide. ©Getty - Collection Bettmann
Le président chilien Salvador Allende en 1973, quelques mois avant le coup d’État du 11 septembre 1973, qui a entraîné son suicide. ©Getty - Collection Bettmann
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Le 11 septembre 1973, au Chili, le gouvernement du président socialiste Salvador Allende, démocratiquement élu en 1970, est renversé par un coup d’État militaire. Comment les Chiliens ont-ils appris cet événement qui allait faire basculer le pays dans la dictature militaire d'Augusto Pinochet ?

Dans chaque saison, la collection de podcasts originaux, "Ils l'ont vécu", raconte en 4 épisodes une journée qui a fait basculer l’histoire. Un récit en archives et avec les témoignages de celles et ceux qui ont vécu ce jour-là.

Le 11 septembre 1973, le bombardement du palais présidentiel de La Moneda, à Santiago du Chili, met un terme à l’expérience socialiste de l’Unité Populaire - cette coalition entre les partis de centre gauche et de la gauche du Chili ayant abouti à l'élection de Salvador Allende le 4 septembre 1970.

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Ce coup d’État du général Pinochet entraîne le suicide du Salvador Allende, qui aura tenté jusqu'au bout de résister à l'assaut des putschistes. Le lendemain, une junte militaire dirigée par Augusto Pinochet impose un régime dictatorial. Pendant plus de quinze ans, la junte exercera son pouvoir autoritaire et se rendra coupable de violations des droits de l’homme : assassinats politiques, tortures et enlèvements d'opposants marqueront la vie politique chilienne de 1974 à 1990.

Cultures Monde
58 min

L'armée dans la rue : l’annonce d’un coup d’État

Le 11 septembre 1973, vers 6h du matin, Luis Casado, alors jeune militant socialiste, est réveillé par un bruit d’hélicoptère. Il veut rejoindre ses amis du mouvement des jeunesses socialistes.

Pierre Cardyn (dit Pedro) est, lui, un militant du Mouvement de la gauche révolutionnaire (le MIR, un parti politique plus à gauche que l’Unité populaire d’Allende). Pierre Cardyn a 30 ans et ce jour-là, il est dans la ville de Valdivia, située à environ 800 km au sud de Santiago, la capitale chilienne. Il apprend le coup d’État vers 6h du matin, par deux amis du MIR venus frapper à sa porte. Dans la rue, des camions sont déjà postés, remplis de soldats en armes.

Jorge Montealegre lui, est encore un adolescent en 1973 : le 11 septembre il ne peut se rendre au lycée. Des rumeurs circulent, et la radio diffuse déjà des marches militaires. Le jeune militant se rend avec des amis au siège de son parti : des documents et dossiers potentiellement compromettants sont brûlés ou évacués.

A la radio, les communiqués des nouvelles forces armées avertissent les Chiliens, les sommant de dénoncer “de manière immédiate tout acte de sabotage dans n’importe quel type d’activité nationale”.

Mégahertz
59 min

Le dernier discours de Salvador Allende

Jorge Montealegre écoute chez lui le discours d’Allende avec des amis. Alors que le palais présidentiel de La Moneda est encerclé par les putschistes, Allende s'exprime en ces termes : “C’est peut-être la dernière possibilité que j’ai de m’adresser à vous. Les forces armées aériennes ont bombardé les antennes de radio Portales et radio Corporación. Mes paroles n’expriment pas l’amertume mais la déception et ces paroles seront le châtiment de ceux qui ont trahi le serment qu’ils firent. Soldats du Chili, commandants en chef et gradés, amiral Merino, qui s’est auto-désigné, méprisable général Mendoza, qui hier encore avait manifesté sa solidarité et sa loyauté au gouvernement et qui s’est nommé directeur général des services de l’ordre, aujourd’hui même. Face à ces événements, je peux dire aux travailleurs : “Je ne renoncerai pas”."

Avant de se suicider, le président Allende déclarera encore : “D’autres hommes dépasseront les temps obscurs et amers durant lesquels la trahison prétendra s’imposer... Allez de l’avant ! Bientôt, s’ouvriront de grandes avenues où circuleront des hommes libres de construire une société meilleure... Vive le Chili ! Vive le peuple ! Vive les travailleurs ! Ce sont mes dernières paroles. J’ai la certitude que le sacrifice ne sera pas inutile”.

Face au bombardement : allégresse et désenchantement

En assistant au bombardement du palais présidentiel, Luis Casado, jeune militant socialiste, comprend que des jours sombres s’annoncent et commence à envisager d'entrer en résistance. Il se réunit avec d'autres jeunes socialistes prêts à se battre, mais en faisant cela, tous sont conscient qu'ils s’exposent à la répression. Les soutiens d'Allende sont les premiers dans le viseur de la junte.

Juan Guzman Tapia est alors un jeune magistrat, dans un premier temps plutôt favorable au coup d’État. Salvador Allende n’était pas son candidat favori pour la présidence du pays. Juan Guzman Tapia, qui lui même avait fêté au champagne la nouvelle du coup d’État, se souvient qu'à Viña del Mar, une ville balnéaire du Chili, des retraités criaient de joie aux fenêtres en faisant flotter des drapeaux. Ils avaient le sentiment d'être libérés d’un poids gênant. Mais il rappelle aussi que dès que les Chiliens ont appris la nouvelle de la mort d’Allende, la joie ressentie par ses opposants s’est évanouie.

L’ère de la dictature a sonné

Comme le rappelle Bernard Benyamin, à l'époque correspondant de Radio France à Santiago, les quatre militaires instigateurs du coup d’État - le général Augusto Pinochet, l'amiral José Toribio Merino Castro, le général César Mendoza, et le général Gustavo Leigh Guzmán - contrôlent alors 72 500 soldats, pour un pays qui compte 10 millions d’habitants.

Le 11 septembre 1973 commence alors, pour les Chiliens, une ère dans laquelle s’installent la terreur, l’angoisse nocturne après le couvre-feu, une ère de plus de quinze années durant lesquelles le vrombissement d’un hélicoptère ou la sirène d’une voiture de police signifiaient la disparition ou la mort.

Intervenants de cet épisode

  • Luis Casado, jeune militant socialiste
  • Pierre Cardyn dit Pedro, militant du Mouvement de la gauche révolutionnaire (MIR)
  • Jorge Montealegre, jeune militant qui vit semi-clandestinement après le coup d’Etat
  • Juan Guzman Tapia, magistrat favorable au coup d’état dans un premier temps
  • Delfina Guzman, admirative de Salvador Allende, journaliste et actrice
  • Erika Hennings, jeune militante des Jeunesses communistes du Chili

Sources archives sonores de cet épisode

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