Dette argentine : un mal qui ne passe pas : épisode • 1/3 du podcast Pays émergents : des économies en faillite

Dollar géant avec le visage du candidat libertarien Javier Milei lors de la présentation de son livre "La fin de l’inflation" à Buenos Aires le 14 mai 2023. ©AFP - Luis ROBAYO
Dollar géant avec le visage du candidat libertarien Javier Milei lors de la présentation de son livre "La fin de l’inflation" à Buenos Aires le 14 mai 2023. ©AFP - Luis ROBAYO
Dollar géant avec le visage du candidat libertarien Javier Milei lors de la présentation de son livre "La fin de l’inflation" à Buenos Aires le 14 mai 2023. ©AFP - Luis ROBAYO
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Depuis 2018, l'Argentine est liée au FMI par un prêt de 44 milliards de dollars. Dans un contexte d'inflation régulière et de montée du Parti libertarien, le pays se dirige-t-il vers l’anarcho-capitalisme ?

Avec
  • Juan Carluccio Economiste et professeur de commerce international à l'Université de Surrey
  • David Copello politiste, chercheur au Laboratoire AGORA à Cergy Paris Université. Chercheur associé au Centre de Recherche et de Documentation des Amériques (CREDA).

Le cas de l’Argentine fait depuis longtemps couler beaucoup d’encre chez les économistes par sa trajectoire unique de développement : longtemps pressentie comme une économie extrêmement prometteuse, elle fait toutefois figure d’exemple d’un pays en faillite chronique depuis plus de 40 ans. 
Structurellement instable, l’économie argentine a été frappée de plein fouet par la guerre russo-ukrainienne et la pandémie. De plus, la gravissime sécheresse à laquelle elle a été exposée cette année a provoqué un manque à gagner de 20 milliards de dollars d’exportations agricoles, cœur battant de son activité.

Une instabilité endémique depuis la grande crise de 2001

Si la situation de l’Argentine semble aussi difficile à enrayer, c’est aussi parce qu’elle est le fruit de décennies d’instabilité. Encore marquée par la grande crise économique de 2001, à la suite de laquelle le PIB a chuté de 25%, l’Argentine a connu une longue histoire d’instabilité économique, selon Juan Carluccio "les relations tendues entre le FMI et l’Argentine sont anciennes. En 2001, la triple crise économique-politique-sociale s’est surtout déclenchée avec le refus du FMI de verser le milliard de dollars qu’elle devait à l’Argentine, conformément au plan d’aide en vigueur. Il faut noter qu’à cette époque, le FMI était bien plus rigide en termes d’austérité qu’il ne l’est aujourd’hui", David Copello ajoute "à l'époque cette décision du FMI a eu pour conséquence la mise en place du "corralito", c'est à dire que les comptes bancaires de tous les Argentins ont été gelés, ils n'avaient le droit de retirer qu'une somme très limitée d'argent par jour. Ce qui fait que les classes populaires et les pauvres - il y avait 50% de pauvres en 2001 - ont été rejointes par une grande partie de la classe moyenne afin de protester contre le gouvernement. Il y a avait un mix de crise économique généralisée et de sentiment global de corruption des élites politiques qui a rassemblé des secteurs très divers de la population autour du slogan "“Qu’ils s’en aillent tous !” ( ¡Que se vayan todos!)".

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Javier Milei, catalyseur des traumatismes d’un pays en crise depuis trop longtemps ?

C’est dans ce contexte de crise économique qu’a émergé la figure de Javier Milei, candidat anarcho-capitaliste ultralibéral à l’élection présidentielle qui doit se tenir le 22 octobre 2023. David Copello nous explique "Javier Milei est un économiste, il a obtenu un master d'économie dans une des universités privées de Buenos Aires, qui est devenu connu en tant que chroniqueur à la télévision, avec cette identité économique d'être un libertarien et même un ultra-libéral, combiné à un très fort conservatisme sur les questions sociétales ou morales. Son programme économique est extrêmement radical, il veut supprimer les aides sociales, il prévoit des coupes franches pour la santé et l'éducation et il propose un abandon total du peso au profit du dollar, Juan Carluccio ajoute "c'est vraiment un candidat issu des média, et une des clés de son succès c'est qu'il a réellement une rage contre le pays, et beaucoup de personnes qui ont voté pour lui se sentent comme cela, il est un candidat antisystème. Traditionnellement en Argentine les candidats de droite étaient issus des classes aisées et de la bourgeoisie industrielle, il sont reconnaissables par leurs tenues, leur façon de parler. Or Javier Milei est le premier candidat de droite qui vient de la classe moyenne inférieure, il est un ancien footballeur amateur, il parle simplement avec beaucoup de gros mots, et ainsi les électeurs de sentent représentés".

Pour aller plus loin

  • Article de Juan Carluccio et Rafael Cezar : "La crise de la dette argentine et ses racines" dans Revue d'économie financière 2021/1 (N° 141)
  • David Copello : Les droits humains armés : guérillas, dictatures et démocraties en Argentine, Presses Universitaires de Rennes (à paraître en 2024)
Le Temps du débat
42 min

Références sonores

  • Témoignages d’un couple argentin, Bloomberg (08/08/2023)
  • Archive INA / La marche de l’histoire 2011 sur France Inter, archive tv d’un reportage d’Anne Sinclair dans 7/7 sur l’hyperinflation en Argentine
  • Extrait du documentaire Mémoire d’un saccage - Memoria del saqueo de Pino Solanas, sorti en 2003
  • Javier Milei sur le plateau de la chaîne TV A24, 15/06/2021

Références musicales

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