Inondations en Libye : un désastre humanitaire sur fond de crise politique

Des voitures renversées parmi d'autres débris causés par des inondations soudaines à Derna, dans l'est de la Libye, le 11 septembre 2023. ©AFP
Des voitures renversées parmi d'autres débris causés par des inondations soudaines à Derna, dans l'est de la Libye, le 11 septembre 2023. ©AFP
Des voitures renversées parmi d'autres débris causés par des inondations soudaines à Derna, dans l'est de la Libye, le 11 septembre 2023. ©AFP
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C’est une véritable tragédie humanitaire qui se déroule en ce moment en Libye : la tempête Daniel a frappé le pays dimanche après-midi, après son passage en Grèce, en Turquie, et en Bulgarie.

Avec
  • Jalel Harchaoui Spécialiste de la Libye, attaché supérieur de recherches à Global Initiative against Transnational Organized Crime à Genève, ancien chercheur à l'Institut des relations internationales de Clingendael aux Pays-Bas

À l’est du pays, deux barrages se sont effondrés, emportant la terre sous des villes entières : le bilan est d’une ampleur sans pareille, avec plus de 2 000 morts, et 10 000 personnes disparues. Comment les pouvoirs libyens peuvent-ils faire face à une telle tragédie ?

Derna, ville touchée

C’est dans la province agricole de Cyrénaïque, située à l’est du pays, que les inondations ont été les plus meurtrières. La municipalité de Derna, qui souffrait déjà d'un manque d'infrastructures, a vu disparaître dans la mer un quart de son territoire en quelques heures. Le spécialiste de la Libye et chercheur au Royal United Service Institute Jalel Harchaoui rappelle la situation difficile que connaît cette ville depuis une dizaine d’années : “c’est une ville qui a un historique politique tout à fait particulier, qui est marginalisée par rapport au reste de la Cyrénaïque. Elle a été le lieu d’un siège imposé par le  maréchal Haftar de 2015 à 2019 et qui s'est achevé par une guerre civile. Depuis 2019, il n'y a pas d’infrastructures comme des hôpitaux ou des transports et les reconstructions ont été négligées.

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Une mobilisation difficile

Jalel Harchaoui souligne que l’ampleur et la violence de cet événement climatique rend difficile toute intervention, qu’elle soit libyenne ou étrangère : “ les maigres infrastructures ont été emportées par les torrents. Il y a aujourd’hui une véritable difficulté logistique d’accès à ces villes-là. Les routes ont été détruites ou ensevelies. L'un des seuls accès possibles serait de rejoindre Derna par la mer. Le défi logistique est énorme même pour les pays avancés qui ont déjà offert leur soutien. Cela nécessite une expérience que les Libyens n’ont certainement pas.”

Une unité nationale à venir ?

La tristesse créée par cette catastrophe pourrait accentuer une colère déjà latente du peuple libyen envers les classes dirigeantes et mener à une sorte d’unité nationale : “il y a une grande tristesse des Libyens. C’est un pays qui a peu de moments nationaux, le dernier est peut-être le soulèvement contre Kadhafi. Ce genre d’unité est une très mauvaise nouvelle pour les élites en place, que ce soit le maréchal Haftar à l’est ou le Premier ministre Dbeibah à l’ouest. Il y a une colère qui va sans doute s'intensifier. Les gens ont bien compris qu’il y avait un lien entre la négligence des investissements dans les infrastructures, la quantité de corruption qui n’a fait que croître ces dernières années et ce qui a été vécu à travers ces tempêtes", explique Jalel Harchaoui.

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