L'économie selon Honoré Daumier

Né en 1808 à Marseille, Honoré Daumier entame une carrière dans le dessin satirique à Paris, sous la monarchie de Juillet. Critique à l’égard de Louis-Philippe, il déplore la montée en puissance d’une classe bourgeoise privilégiée par le pouvoir royal. Porté par le développement de la presse satirique, Daumier devient un caricaturiste politique en vogue. Rattrapé par la censure, il se tourne vers le genre du réalisme social. Proche de Balzac et de sa Comédie humaine , il réalise alors de nombreuses séries, où il dénonce bourgeois avides et affairistes corrompus. Il prête également son pinceau aux classes populaires, qui pâtissent de l’enrichissement des puissants et des industriels . C’est ainsi toute la société du milieu du XIXème, marquée par le déclassement des uns et l’enrichissement des autres, que l’on retrouve dans les dessins de Daumier.

Un jeune caricaturiste sous la monarchie de Juillet

A l’époque où Honoré Daumier se fait connaître, la presse satirique est en plein essor. Ségolène Le Men nous explique : "L’explosion du dessin de presse se fait autour de l’éditeur Aubert, à l’occasion de l’accès au pouvoir de Louis Philippe : ce dernier proclame la liberté de la presse même si, très rapidement, ce sera une liberté contrôlée, jusqu’à ce que le dessin de presse politique soit interdit en 1835".

La comédie humaine d’Honoré Daumier : un portrait social de son temps

Le ministre François Guizot et son célèbre slogan, "Enrichissez-vous", sont les cibles privilégiées d’Honoré Daumier. Comme le contextualise Laurent Bihl, "une énergie invraisemblable de l’argent va se manifester tout au long du XIXème siècle. Les chroniqueurs de ces excès, de ces abus de biens sociaux, de ces faux crédits, de ces batailles invraisemblables, de ces méandres financiers et de ses fortunes érigées comme destruction d’Empire … ce sont les caricaturistes, les journalistes, les publicistes". Le personnage fictif de Robert Macaire, incarnation populaire du bourgeois et de l’affairiste sans scrupule, est beaucoup représenté par Daumier. Cette série fut un grand succès commercial : "c’est la seule série qu’il a accepté de mettre en version coloriée. C’est assez remarquable : en général, une caricature en couleur coûtait plus cher, et Daumier est vraiment un caricaturiste noir et blanc. Mais pour Robert Macaire, il y avait ce petit foulard rouge, ce costume, en noir et blanc comme en colorié", précise Ségolène Le Men.

Une œuvre satirique toujours pertinente

Aujourd’hui, l’œuvre satirique d’Honoré Daumier fait encore mouche. Selon Laurent Bihl, "les caricatures types de Daumier font encore rire, elles sont encore désopilantes : on a les avocats, on a profs et moutards, les jardiniers, les bistrots. Et il ne s’arrête jamais : c’est un ogre, un bourreau de travail".

Pour aller plus loin

• Ségolène le Men : Daumier et la caricature, Éd. Citadelles et Mazenod, 2008
• Laurent Bihl : Une histoire populaire des bistrots (Nouveau Monde Editions, à paraître en novembre 2023)
• sous la coordination de Laurent Bihl : La caricature et si c’était sérieux ? Décryptage de la violence satirique (Nouveau Monde Editions, 2015)

Références sonores

• Extrait du film Bouvard et Pécuchet réalisé par Jean-Daniel Verhaeghe en 1989
• Lecture de Honoré Daumier. Poème autographe signé de Charles Baudelaire, 1865
• Extrait du film Les mystères de Paris réalisé par André Hunebelle en 1962
• Extrait du film La vie de bohème de Marcel L’Herbier, sorti en 1945

Références musicales

• " Merci Macron", Les Goguettes