"Tu ne peux pas vraiment imaginer, c'est la puissance de Dieu" : à Derna, en Libye, au cœur du désastre

Des équipes de secours participent aux opérations de secours dans la ville de Derna, dans l'est de la Libye, le 17 septembre 2023, à la suite d'inondations soudaines meurtrières. ©AFP - Karim Sahib
Des équipes de secours participent aux opérations de secours dans la ville de Derna, dans l'est de la Libye, le 17 septembre 2023, à la suite d'inondations soudaines meurtrières. ©AFP - Karim Sahib
Des équipes de secours participent aux opérations de secours dans la ville de Derna, dans l'est de la Libye, le 17 septembre 2023, à la suite d'inondations soudaines meurtrières. ©AFP - Karim Sahib
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Une semaine après les inondations qui ont fait plusieurs milliers de morts (11 300 selon l'ONU) et de disparus à l'est du pays, notre reporter a pu se rendre sur place pour rencontrer des habitants toujours sous le choc. Valentin Dunate nous plonge dans cette ville toujours bouleversée.

Derna, c'est un peu le Pompéi des temps modernes, l'eau ayant remplacé la lave. Toutes les victimes de cette catastrophe décrivent la même chose : la stupeur et ces deux vagues immenses après que les deux barrages au-dessus de la ville ont cédé. Un homme à la barbe blanche est avec ses deux fils. Une semaine après, il raconte.

"Tu ne peux pas vraiment imaginer, c'est la puissance de Dieu."

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Les sauveteurs vaporisent du désinfectant sur leurs collègues alors qu'ils travaillent au transport des corps des victimes décédées après que la tempête Daniel a balayé l'est de la Libye, avant d'enterrer les victimes dans des fosses communes, dans la ville portuaire de Derna, dans l'est de la Libye, le 16 septembre 2023.
Les sauveteurs vaporisent du désinfectant sur leurs collègues alors qu'ils travaillent au transport des corps des victimes décédées après que la tempête Daniel a balayé l'est de la Libye, avant d'enterrer les victimes dans des fosses communes, dans la ville portuaire de Derna, dans l'est de la Libye, le 16 septembre 2023.
© Maxppp - Stringer

Ce traumatisme a été amplifié par la semaine qui vient de s'écouler. Des cadavres ont été positionnés à même le sol dans la rue avant d'être enterrés dans des fosses communes. Des fonctionnaires du ministère de la Santé passent ici et là en combinaison blanche totalement hermétique. La crainte étant que ces corps en putréfaction ne propagent des épidémies. Certains habitants portent donc des masques, comme monsieur Bouchiha. À 67 ans, sa sœur, ses neveux et nièces sont toujours portés disparus. Il est professeur de français à l'université de la ville. Il est élégant, porte des chaussures bateau. Et comme tous, il dit Hamdoullah!

"Merci Dieu ! On accepte. C'est le destin. On ne peut pas prévoir. Nous, on attendait la vague du côté nord de la ville, c'est la mer. C'est ce qu'on a vu en Grèce. Mais malheureusement, on ne s'attendait pas à ce que le barrage soit plein. Et ce malgré qu'il n'y ait pas eu des travaux de maintenance, d'entretien depuis une trentaine d'années."

"Cela s'est effondré d'un coup, ç'a envahi toute la ville !"

Dans ce pays, et plus précisément dans cette partie est de la Libye, les habitants se gardent bien de désigner des responsables. Ils n'en pensent pas moins et préfèrent éluder le sujet. Désormais, cette ville doit affronter les conséquences de cette inondation et porter secours à certaines personnes, toujours coupées du monde.

"Le côté est de la ville n'est pas encore accessible aux gens de la sécurité civile. Ces gens qui sont venus de partout. Je ne peux pas aller voir ma mère."

Malgré toutes ces difficultés, ces Libyens restent dignes et calmes. Mais la blessure est profonde.

*"D'abord parce qu'on accepte le destin. C'est peut-être notre éducation... étant musulman, étant un être humain. Je suis calme de l'extérieur, mais de l'intérieur, j'ai perdu... (*pleurs)."

Cette retenue. Cette forme de résilience laisse également envisager un espoir que, grâce ou plutôt à cause de cette catastrophe, ce pays meurtri par de nombreuses guerres retrouve une certaine unité.

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