Laurent Mauvignier : "La mise en scène est le prolongement de l’écriture"

Laurent Mauvignier, 42 ans, écrivain, auteur du livre "Des hommes" pose le 04 septembre 2009 à Paris ©AFP - Joël SAGET
Laurent Mauvignier, 42 ans, écrivain, auteur du livre "Des hommes" pose le 04 septembre 2009 à Paris ©AFP - Joël SAGET
Laurent Mauvignier, 42 ans, écrivain, auteur du livre "Des hommes" pose le 04 septembre 2009 à Paris ©AFP - Joël SAGET
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Romancier accompli, Laurent Mauvignier franchit un nouveau cap dans sa relation au théâtre puisqu’il met lui-même en scène la création de sa nouvelle pièce. C’est l’occasion pour nous de revenir sur son processus d’écriture.

Avec

Laurent Mauvignier est un écrivain accompli. Dès la publication de son premier roman, Loin d’eux, en 1999, aux Éditions de Minuit, il s’impose en rendant audible la détresse et la solitude qu'engendrent les silences accumulés au sein d'une famille. Son deuxième roman, Apprendre à finir, décortique les incompréhensions d’un couple. Il est récompensé du prix Wepler en 2000. Familial et intime, le traumatisme devient aussi social et collectif : Mauvignier participe au regard neuf que la littérature contemporaine porte sur l'Histoire avec Dans la foule (2006), inspiré par la tragédie du stade du Heysel en 1985 ou Des hommes (2009), fondé sur le souvenir de la guerre d'Algérie. Dans Ce que j'appelle oubli (2011), un jeune est tabassé à mort par les vigiles pour avoir bu une bière sans passer en caisse. Son dernier roman, Histoires de la nuit (2020), explore l’univers du roman noir, dans un huis clos oppressant et exigeant de 640 pages. Laurent Mauvignier signe la mise en scène de la création de sa nouvelle pièce, Proches, publié aux Éditions de Minuit et présenté au théâtre de la Colline, à Paris. L'occasion de revenir, le temps d'un grand entretien, sur son parcours marqué par son obsession pour la, voire les voix, qu'on entend dans les monologues de ses romans ou sur scène, au théâtre.

"Après le décès de mon père, j’ai totalement rejeté l’écriture"

"L'écriture est une vocation. Mais lorsque mon père est mort, à mes seize ans, j'ai essayé d’écrire sur son décès, mais ça m'a paru d'une obscénité totale… À ce moment-là, j’ai trouvé l'écriture incapable d’affronter le réel. Alors, j'ai totalement rejeté l'écriture et puis même la lecture pendant quelques années. Et puis au fur et à mesure, c'est revenu. J’ai découvert une autre forme de littérature, plus expérimentale, qui se mêlait avec les arts plastiques. Pour moi, tous ces arts forment un ensemble qui n'est pas cloisonné. C’est d’ailleurs à ce moment où j’ai commencé à aller au théâtre." Laurent Mauvignier

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"Comment transposer le non-dit avec des phrases qui, elles, sont directes ?"

Les cinq premiers livres de Laurent Mauvignier forment une sorte d’ensemble sur la solitude, le désir, la condition sociale… Le lien, publié en 2005, signe l’apparition du dialogue. Laurent Mauvignier exprime la difficulté et aussi l'excitation de ce passage d'une à deux voix :

"Mes premiers livres étaient une sorte de surgissement, ils m’ont totalement dépassé. Et naturellement, mon écriture a pris la forme du monologue. Au bout de trois ou quatre livres, j’ai senti que je savais par quel bout le prendre. Non pas qu’écrire un monologue soit facile, mais ça devenait un petit peu routinier. Et puis j’ai vu le piège arriver, j’aurais pu écrire mon petit roman tous les deux ans, sans me mettre en danger… Mais je sentais comment chaque phrase, chaque pensée s'articulait sur un mode circulaire ou en tout cas comme une spirale. Et puis à chaque fois que je voulais parler d'un personnage, je le faisais à travers le regard de l'autre. Alors, au bout d'un moment, je me suis dit, bon, comment vais-je casser ce rythme ? Je me suis mis en difficulté et j'ai adoré ça : comment allais-je transposer le non-dit, thème central de mes livres avec des phrases qui, elles, étaient directes ?" Laurent Mauvignier

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"Mettre en scène, c’est mettre en littérature"

"Pour moi, la mise en scène est le prolongement de l'écriture. Avec 'Proches', j’ai commencé à travailler sur le texte et au fur et à mesure, l'évolution logique de l'écriture a été de diriger des acteurs. La grande nouveauté est aussi la construction sonore d'un dispositif. Dans le roman, je ne pouvais rien faire puisque c’est une forme qui est condamnée à sa linéarité. Je me suis aussi souvenu que lorsque j'ai passé mon diplôme des Beaux-Arts, j’avais imaginé un dispositif dans lequel pour regarder les tableaux, il fallait marcher dedans. C'était déjà une mise en scène en fait !" Laurent Mauvignier

Plus d'informations sur son actualité :

  • Proches,** texte et mise en scène de Laurent Mauvignier, avec Cyril Anrep, Pascal Cervo, Gilles David, Lucie Digout, Charlotte Farcet, Arthur Guillot, Norah Krief, Maxime Le Gac-Olanié. Assistanat à la mise en scène :  Elsa Imbert. Du 12 septembre au 8 octobre 2023 au Petit théâtre de La Colline, à Paris. Du mercredi au samedi à 20 h, le mardi à 19 h et le dimanche à 16 h sauf les dimanches 1er et 8 octobre à 15 h 30. Représentations supplémentaires : samedis 30 septembre et 7 octobre à 15 h 30.

Présentation :  Proches commence par la préparation d’une fête attendue depuis quatre ans, à l’occasion de la sortie de prison de Yoann. Toute la famille est présente pour l’accueillir. Mais, pour son retour, il a dit qu’il souhaitait voir "les proches". Et parmi eux, il y a Clément, son ancien amant. Avec ce premier spectacle dont il signe la mise en scène, l’écrivain Laurent Mauvignier dit l’incompréhension et les malentendus à travers les mots dont le bruit ajoute à l’épaisseur du silence. Dans cette partition, avec son phrasé, sa musicalité, son rythme, il s’agit d’incarner des paroles qui se cherchent, se heurtent, se fuient, s’ignorent, et se trouvent parfois.

Sons diffusés pendant l'émission :

  • Archive de Bernard Marie KOLTES, l'écriture comme mise à mort constante. Dans l'émission "Mardis du théâtre", "Bernard Marie Koltès : Un parcours sensible", 1990.
  • Archive de Denis Podalydès, "Les masterclasses", avril 2020.
  • Archive de Patrice Chereau, "Mégaphonie : Jouer Koltès, pratiquer le théâtre", 1996
  • Choix musical de l’invité : Giancarlo Cardini, Sonate V par John Cage. Album : John Cage : Sonates et interludes pour piano prepare (2008) | Label : Materialili Sonori

Le son du jour : “My love mine all mine” de Mitski

On n'arrête plus Mitski. Un an après Laurel Hell, la jeune artiste de 30 ans revient déjà avec un septième album : The Land Is Inhospitable and So Are We. Un titre aussi austère qu'évocateur pour un album plus contrasté qu'il n'y paraît. Bien aidée par les arrangements de Drew Erickson, qui a récemment collaboré avec Weyes Blood et Father John Misty, Mitski délivre une partition aboutie et remarquablement écrite, entre grâce, humour et gravité. Dans cet album en clair-obscur, c'est une chanson adressée à la lune qui a retenu notre attention My Love Mine All Mine, un titre qui touche autant à la dévotion amoureuse qu'au sentiment crépusculaire.

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