Sénatoriales : derrière les enjeux politiques, l’équilibre institutionnel

Elections du président de la chambre au Sénat le 1er octobre 2021. ©AFP - Thomas Coex
Elections du président de la chambre au Sénat le 1er octobre 2021. ©AFP - Thomas Coex
Elections du président de la chambre au Sénat le 1er octobre 2021. ©AFP - Thomas Coex
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Cent soixante-dix sénateurs ont été élus ou réélus ce week-end, sans que l'équilibre des pouvoirs ne se retrouve bouleversé.

Avec
  • Martial Foucault Professeur de sciences politiques et directeur du Cevipof, le Centre de recherches politiques de Sciences Po
  • Marie-Anne Cohendet Constitutionnaliste, professeure de droit public à Paris I - Panthéon-Sorbonne, spécialiste des institutions de la Vème république

Martial Foucault affirme que les élections sénatoriales qui se sont déroulées le dimanche 24 septembre n'ont pas bouleversé les tendances politiques de la seconde Chambre : "le Sénat continuera d'être gouverné à droite avec l'union centriste. Il était difficile d'imaginer hier, compte tenu des  circonscriptions des départements qui renouvelaient leurs sénateurs et sénatrices, un grand changement. Il y avait quand même deux inconnues : est-ce que la stratégie d'un certain nombre de partis de gauche, partis socialistes,  EELV et  PCF, liste d'union sans la  France insoumise, pouvait être payante ou pas ? Globalement, cette gauche a légèrement progressé, on peut notamment le voir à Paris. Néanmoins, aucun sénateur, aucune sénatrice France Insoumise n'entre au palais du Luxembourg. Enfin, deuxième résultat intéressant, le parti présidentiel, très mal implanté sur tout le territoire, ne peut pas prétendre à grossir ses rangs au Sénat."

Le professeur relève cependant quelques gains pour le parti Horizons d'Edouard Philippe, tout en relativisant : " je ne suis pas certain qu' Edouard Philippe, avec six sénateurs Horizons élus hier, va pouvoir construire sa stratégie pour l'élection présidentielle de 2027. Cela traduit tout de même que comparativement au parti présidentiel, Edouard Philippe a effectivement un parti d'élus locaux".

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Il remarque également une progression du  Rassemblement National, qui a acquis trois sièges au Sénat : "on dit que ce sont les élections municipales qui déterminent le résultat aux sénatoriales. Dans les trois départements où les trois élus RN ont été élus, le parti avait déjà fortement progressé au cours de l'élection présidentielle et des législatives. Cela signifie que désormais le RN est installé dans toutes les institutions de notre pays."

Le Sénat, chambre de droite ?

Marie-Anne Cohendet revient sur la tradition historique du Sénat. Sous l'Ancien Régime, le Sénat représentait la chambre haute, soit la chambre aristocratique. Elle cite Montesquieu, qui considérait le Sénat comme un moyen d'équilibrer les tendances conservatrices et novatrices, tout comme  Charles de Gaulle, qui concevait le Sénat comme une force surtout conservatrice : "il est tout à fait logique que, depuis soixante-cinq ans, le Sénat ait toujours été dominé par la droite, sauf pendant trois ans".

Si la constitutionnaliste admet que l'existence d'une chambre modératrice est en théorie une bonne idée, elle regrette l'absence d'alternance politique en son sein. Martial Foucault ajoute : "le mode de scrutin indirect ne peut pas remplir la condition de légitimité démocratique. La représentation au Sénat est en décalage avec les évolutions démographiques. Par ailleurs, le clivage gauche/droite au plan local qui aurait été fracturé au plan national est certes présent, mais se recompose fortement. Il n'est pas garanti à l'avenir que le Sénat soit perpétuellement gouverné par les droites".

Le Sénat, un contre-pouvoir ?

Marie-Anne Cohendet rappelle le rôle de l'institution : "le Sénat peut être un caillou dans la chaussure du gouvernement. En effet, il ne peut pas être dissous par ce dernier, et peut bloquer des réformes constitutionnelles et législatives. Pour éviter ce frein, le gouvernement et les députés mettent de l'eau dans leur vin avec les sénateurs".

Le Billet politique
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