Patrick Modiano, le ballet des souvenirs

Patrick Modiano lors de la remise de sa légion d'honneur en 2014. ©AFP - PATRICK KOVARIK
Patrick Modiano lors de la remise de sa légion d'honneur en 2014. ©AFP - PATRICK KOVARIK
Patrick Modiano lors de la remise de sa légion d'honneur en 2014. ©AFP - PATRICK KOVARIK
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Deux ans après "Chevreuse", nous retrouvons Patrick Modiano pour son nouveau roman, "La Danseuse" - enfin, retrouver est un bien grand mot. Une nouvelle fois Patrick Modiano nous entraîne dans un labyrinthe de souvenirs... laissez-vous entraîner dans ce tourbillon littéraire.

Avec
  • Patrick Modiano Écrivain, prix Nobel de littérature en 2014, auteur de « Souvenirs dormants » et de « Nos débuts dans la vie », ed. Gallimard.

Nous sommes dans les rues de Paris. On ne sait plus tout à fait quand, ni tout à fait où, ni tout à fait avec qui, - mais nous y sommes bien, - accompagnant le narrateur dans ses jeunes années, fraîchement arrivé à Paris pour vivre de sa plume. Il y croise le chemin d’une jeune femme, qu’il accompagne tous les matins et tous les soirs, sur le trajet pour se rendre à l'historique Studio Wacker où elle répète des ballets de danse. Tendrement surnommée « la danseuse » par les hommes qui l’entourent et la protègent, nous la suivons nous aussi, à travers les allers-retours de la mémoire.

L’habitude du travail manuscrit

Dans son appartement, l’écrivain Patrick Modiano se confie aux Matins de France Culture sur son travail d’écriture, alors qu’il publie son dernier roman, “La Danseuse”. Au-delà de ses rituels d’écritures, il explique l’importance que revêt pour lui le travail manuscrit : “j’écris au stylo. C’est une activité tellement abstraite, physique. Le fait d’écrire, de faire des ratures, ce sont les seules impressions concrètes que j’ai. Je n’ai jamais pu me mettre au traitement de texte. C’est peut-être idiot parce que sur un ordinateur on peut voir un tas de choses comme des répétitions, etc. Néanmoins, c’est encore plus abstrait parce que tout glisse alors qu’à la plume on voit les ratures, les erreurs.” Cette habitude découle aussi d’une sorte de fascination pour les manuscrits des grands écrivains : “ça m’intéressait de voir le travail concret de l’écrivain, les rajouts, les erreurs, les suppressions. Des écrivains comme Hemingway travaillent en supprimant énormément de choses. Dans L’Adieu aux armes par exemple, il ne reste que quelques paragraphes pour plusieurs pages manuscrites.”

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“Brune, non, plutôt châtain foncé…”

Depuis son premier roman, La Place de l’étoile, publié en 1968, son style a changé. Patrick Modiano attaque ses romans de manière plus directe. La première phrase de La Danseuse est à ce titre édifiante : “Brune, non. Plutôt châtain foncé, avec des yeux noirs, elle est la seule dont on peut retrouver des photos.” Il s’explique : “c’est bref. Quand j’avais vingt ans, il y aurait eu deux pages avant cette phrase. Quand on vieillit, on entre plus vite dans le vif du sujet.” Dans le Paris des années 1960, le portrait de cette jeune femme reste un portrait impressionniste par touches, à l’image d’un souvenir flou. Sa démarche littéraire consiste à redonner la vie à quelqu’un qui a disparu ou à un souvenir enfoui : “c’est une recherche, une manière d’avoir un cheminement, souvenir par souvenir. On part à la recherche d’un personnage. Au fur et à mesure, le romancier s’identifie à ses personnages. Il y a une sorte de neutralité chez le romancier. Il y a progressivement une identification à chacun des personnages”, ajoute-t-il.

“La Danseuse” : une exploration de Paris

Dans La Danseuse, on retrouve un certain nombre de lieux parisiens comme le boulevard Malesherbes, la Porte de Champerret. “J’aime voir comment Paris a évolué, a changé de topographie. C’est intéressant de comprendre comment Paris s’est transformé, même depuis le XIXe où Paris était une ville plus restreinte. Le Paris que j’explore est aussi celui du jeune écrivain que j’étais, ou de celui que je connaissais dans mon enfance”, explique Patrick Modiano. C’est dans ce cadre qu’évolue le personnage de la danseuse, dont l’activité se rapproche d’ailleurs selon lui du travail d’écrivain : “danseuse, c’est un travail qui nécessite une discipline. Il faut corriger son corps, comme les ratures de l’écrivain. Cela ressemble un peu au travail d’écriture, toutefois sans la souffrance”, précise-t-il.

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