Hamas, du quiétisme au terrorisme : épisode • 1 du podcast Israël-Palestine : les mots de la guerre

Des Palestiniens masqués défilent avec le drapeau du Hamas devant la mosquée El Aksa le vendredi 24 avril 1992 ©AFP - Awad Awad
Des Palestiniens masqués défilent avec le drapeau du Hamas devant la mosquée El Aksa le vendredi 24 avril 1992 ©AFP - Awad Awad
Des Palestiniens masqués défilent avec le drapeau du Hamas devant la mosquée El Aksa le vendredi 24 avril 1992 ©AFP - Awad Awad
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Dans ce premier épisode du podcast "Israël-Palestine, les mots de la guerre", la professeure de sociologie Lætitia Bucaille explique les origines et les mutations du Hamas. Ou comment un mouvement quiétiste a évolué vers la lutte armée et le terrorisme.

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Dans ce podcast "Israël-Palestine, les mots de la guerre", des spécialistes reviennent sur les mots qui permettent aujourd'hui d'éclairer le conflit israélo-palestinien. Laetitia Bucaille, professeure de sociologie politique à l'Inalco et spécialiste du conflit israélo-palestinien, revient sur le terme "Hamas".

Un mouvement d'origine quiétiste

Hamas est l'acronyme en arabe de "mouvement de la résistance islamique". Issu des Frères musulmans — et soutenu financièrement par l'Arabie Saoudite et le Koweït — ce mouvement "mise sur la réislamisation de la société pour, dans un temps assez lointain, être prêts pour reconquérir la Palestine. Il fait le constat de l'échec du nationalisme arabe et pense que la relève, c'est celle de l'Islam, explique Laetitia Bucaille. À la fin des années 1970, début 1980, c'est un mouvement quiétiste. C'est-à-dire qu'ils ne prônent pas d'activisme politique ou militaire contre Israël. C'est pour cela qu'Israël n'a aucun problème à voir s'étendre ce mouvement qui s'étend surtout dans la bande de Gaza".

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L'Intifada et l'engagement politique du mouvement

Avec l'Intifada en 1987, le paysage politique palestinien évolue profondément. Les Frères musulmans décident de s'impliquer dans ce mouvement. "Cela a fait débat à l'intérieur des Frères musulmans. Certains restent attachés au quiétisme, mais il y a une majorité qui se dégage. Le lien entre les Frères musulmans et le Hamas est assumé en 1988".

"Le Hamas se veut être le rival de l'OLP (l'Organisation de libération de la Palestine), et de son mouvement principal, qui est le Fatah, ajoute Laetitia Bucaille. L'objectif du Hamas, c'est d'être une alternative à l'OLP, de s'imposer sur l'espace politique palestinien. Il va à la fois coopérer avec l'OLP pendant l'Intifada et, en même temps, être en rivalité avec l'OLP."

Le tournant des accords d'Oslo

La signature des accords d'Oslo, en 1993, marque le passage à une violence inédite avec les attentats-suicides, qui compromettent le processus de paix et entraînent des tensions entre le Fatah et le Hamas.

"C'est à ce moment-là que le Hamas opte pour une violence inédite avec les attentats-suicides (avril 1994). Attentats présentés comme une riposte au massacre d'Hébron perpétré par un colon israélien contre des Palestiniens en prière dans la mosquée d'Hébron. Ces attentats vont peser sur le processus de paix, souligne la spécialiste. Israël va faire pression sur l'Autorité palestinienne pour qu'elle neutralise le Hamas. À partir de ce moment-là, il y a des rapports qui se tendent considérablement entre le Fatah (l'OLP, l'Autorité palestinienne) et le Hamas. Les chefs du Hamas se retrouvent arrêtés par l'Autorité palestinienne", décrit la spécialiste.

Le Journal de l'histoire
3 min

Le Hamas aujourd'hui

En 2017, le Hamas publie un document de principes généraux, présentant une inflexion du mouvement sans renoncer à la violence, affirmant que la résistance armée est une option stratégique contre Israël. "On pouvait peut-être miser sur le fait que le Hamas allait vers une forme de modération politique et d'ailleurs, certaines déclarations de ses chefs politiques allaient en ce sens, qui admettaient qu'Israël était une réalité, et qu'il fallait compter avec", explique-t-elle.

La question demeure : le Hamas peut-il évoluer politiquement et devenir plus réaliste et pragmatique ? L'organisation oscille entre une volonté de s'imposer sur la scène politique et le refus de remplir certaines conditions posées par Israël et les Occidentaux. "Comme tout mouvement, le Hamas est probablement clivé entre des partisans d'une solution politique, plus modérés, et d'autres plus radicaux qui misent sur la lutte armée et le terrorisme, décrit la professeure de sociologie. On peut imaginer qu'il y a des tensions, des discussions, entre ces différentes tendances, mais qui n'apparaissent pas forcément au grand jour, puisque le Hamas est un mouvement où on obéit au chef, on obéit aux décisions politiques".

"Est-ce que l'inflexion de 2017 était la traduction d'une certaine tendance du Hamas ? Est-ce que c'était un leurre pour masquer d'autres évolutions ? C'est difficile de le dire aujourd'hui."

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