Prix Nobel de physique 2023 : la science de l'attoseconde à l'honneur

Les électrons sont des composants des atomes qui gravitent autour du noyau. ©Getty - KTSDesign/SCIENCEPHOTOLIBRARY
Les électrons sont des composants des atomes qui gravitent autour du noyau. ©Getty - KTSDesign/SCIENCEPHOTOLIBRARY
Les électrons sont des composants des atomes qui gravitent autour du noyau. ©Getty - KTSDesign/SCIENCEPHOTOLIBRARY
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Mardi 3 octobre, l'Académie royale des sciences de Suède a récompensé Anne L’Huillier, Pierre Agostini et Ferenc Krausz pour leurs travaux sur les mouvements des électrons. Des recherches encore fondamentales, mais dont les applications pourrait toucher tous les domaines technologiques.

Un Austro-Hongrois et deux Français : Ferenc Krausz, directeur de l'Institut Max Planck d'optique quantique à Garching, en Allemagne, Pierre Agostini, professeur à l'université d'État de l'Ohio, et Anne Lhuillier, professeure à l’Université de Lund, en Suède.

Deux Français, partis de notre pays pour faire leur recherche ailleurs, cela ne veut pas dire que l'on ne peut pas faire de la recherche en France. Anne Lhuillier — 5ᵉ femme à recevoir le prix de Nobel de Physique — est partie en 1995  pour des raisons personnelles et pour Pierre Agostini, c’est un départ sur le tard. Il a mené l’ensemble de sa carrière ici, jusqu’à ses 60 ans.

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Des flashs lumineux très brefs pour sonder l'infiniment petit

Ce prix Nobel récompense donc des recherches belles et bien françaises, réalisées dans ce qui est à présent le LIDYLE, Laboratoire Interactions Dynamique et Lasers du  CEA de Saclay, en particulier, leurs travaux sur des techniques d’impulsion laser, des flashs lumineux extrêmement courts pour aller sonder les mouvements des électrons.

Parce que pour aller voir l’infiniment petit, il faut être infiniment rapide. C’est la science de l’attoseconde, 1 avec 18 zéros devant. Un milliardième de milliardième de seconde. Pour avoir un ordre d’idée de ce que cela représente, il y a autant d’attoseconde dans une seconde, qu’il y a de secondes depuis le début de l’Univers.

Pascal Salières est directeur de recherche au LIDYL du CEA et il a effectué sa thèse sous la direction de la lauréate : "L’idée fondamentale, c'est que si on veut étudier les processus les plus élémentaires dans la matière, notamment les dynamiques des électrons, les mouvements des électrons dans la matière, il faut se placer à une échelle de temps extrêmement rapide. Parce que ces petites particules là vont à des vitesses énormes, et donc si on veut pouvoir observer leur mouvement, il faut les flasher en plein mouvement, donc il faut des flashs de lumière qui soient extrêmement brefs. Or, les échelles de temps des électrons, c’est l’attoseconde. Si vous voulez, il y a ce modèle de l'électron tournant autour du noyau dans le modèle de Bohr de l'atome d'hydrogène, il met 150 attosecondes pour faire le tour. Donc si on veut pouvoir voir ces mouvements, il faut des flashs de lumière qui soient eux-mêmes de l’attoseconde. Et ça, on ne les avait pas jusque dans les années 1990/2000."

La Méthode scientifique
58 min

Contrôler les électrons

Ce prix récompense deux choses :

  • La production de ces flashs lumineux extrêmement rapides (en gros l’appareil photo), c'est Anne Lhuillier.
  • Dans un second temps, la mesure de leur durée. Cette partie concerne Ferenc Krausz et Pierre Agostini.

Cela a permis avant tout de faire des photos de ces électrons et de suivre leur dynamique. Donc dans ces applications, il y a aussi là deux directions : l’une — très fondamentale — de  mieux caractériser les électrons qui agissent partout. Par exemple, la toute première étape d’une réaction chimique dans le vivant, c’est un échange d'électron, c’est la base de tout processus biologique. Mais aussi dans nos technologies, et donc le second enjeu, c’est de pouvoir les contrôler.

Pascal Salières : « Et là, y a un potentiel énorme parce que notre société est basée sur de la haute technologie, sur la microélectronique, sur la chimie, tout ça, ce sont des processus qui démarrent avec des interactions au niveau des électrons. Si on veut pouvoir contrôler des réactions chimiques, si on veut contrôler des courants électriques et accélérer la vitesse de processeurs, contrôler les mémoires magnétiques et avoir des stockages extrêmement rapides, il faut arriver à contrôler ces processus à ces échelles de temps là. »

Impossible de dire le temps que prendra la diffusion de ces connaissances dans l’industrie et la société, sachant que cette technologie n’a que 30 ans. Mais les progrès s'accélèrent — théoriquement, en contrôlant comment les électrons agissent entre eux, on doit pouvoir contrôler l’issue finale de cette réaction chimique et donc créer des nouvelles molécules, médicaments, matériaux, électroniques, processeurs — et les applications sont sans fin. C’est donc une  recherche fondamentale qui est à nouveau récompensée, un exemple typique de la nécessité d’investir dans ce type de recherche bien avant d’entrevoir la moindre application.

Et tout à l’heure, ce sera au tour du Prix Nobel de Chimie d’être décerné. Antoine Beauchamp et Natacha Triou reviendront sur cette annonce en tout début d’émission à 16h dans La Science CQFD.

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