Ukraine et Proche-Orient : ce que peut l’Histoire

Alors Premier ministre, Vladimir Poutine rencontre des vétérans de la Seconde Guerre mondiale à Volgograd en 2011 ©Getty - Sasha Mordovets
Alors Premier ministre, Vladimir Poutine rencontre des vétérans de la Seconde Guerre mondiale à Volgograd en 2011 ©Getty - Sasha Mordovets
Alors Premier ministre, Vladimir Poutine rencontre des vétérans de la Seconde Guerre mondiale à Volgograd en 2011 ©Getty - Sasha Mordovets
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Dans son dernier livre, l'historien américain Timothy Snyder tente de comprendre comment la Russie, en dix ans, s'est profondément transformée sous l'œil indifférent, voire complice, des Occidentaux. L'Europe et les États-Unis ont-ils appris de leurs erreurs ?

Avec
  • Timothy Snyder Historien, professeur à l'université de Yale (Etats-Unis)

2010-2010 : une décennie particulière pour la démocratie

“Cette décennie fut une période pleine de surprises. Les gens ont perdu confiance dans la liberté, la démocratie. Ce qui m’intéressait, c’était cet effondrement de la confiance en la démocratie”, explique l’historien Timothy Snyder. Dans son ouvrage intitulé La route pour la servitude, Russie-Europe-Amérique, paru chez Gallimard en octobre 2023, il développe deux concepts centraux : “la politique d’inévitabilité” et la “politique d’éternité.” Selon le professeur de l’université de Yale, ces deux concepts sont essentiels pour comprendre les démocraties actuelles. Le premier serait “l’idée selon laquelle la démocratie vient de forces plus puissantes comme le capitalisme ou l’histoire, c’est-à-dire qu’elle vient parce qu’il n’y a pas d’autres solutions.” Or, quand la politique d’inévitabilité échoue parce que les gens se rendent compte qu’il n’y a pas qu’un seul bon avenir, cela donnerait lieu à la politique d’éternité : “elle consiste à oublier l’avenir pour se consacrer sur un passé mythique, un temps de l’innocence où tout le monde était coupable. Cela transforme la politique en une sorte de fable morale. Voilà où nous en sommes : la Russie de Vladimir Poutine est l’exemple de cette politique de l’éternité, un peu comme l’était Donald Trump aux États-Unis", précise l'historien.

L’Histoire empêche-t-elle les acteurs d’avancer ?

Il est légitime de s’interroger sur les usages d’un retour perpétuel à l’histoire, notamment dans les conflits actuels. Selon Timothy Snyder, l’invocation de l’histoire est à distinguer de l’invocation de la mémoire, qui, présenterait-elle certains dangers : “il me semble que l’Histoire est une affaire de connaissance générale. L’histoire est une affaire d’empathie, de mise à la place de l’autre. En l’absence d’histoire, on est débordés par l’omniprésence de la mémoire nationale. Lorsqu’on abandonne l’histoire, on ne se débarrasse pas du passé ; au contraire, le passé est là sous une forme très égoïste”, estime-t-il.

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Le conflit israélo-palestinien :

Timothy Snyder explique qu’avant que cette guerre n’éclate, le gouvernement Netanyahu présentait déjà une menace existentielle à la démocratie. “Il a transformé Israël en un pays qui est censé le protéger de ses ennuis avec la justice. Ça ressemble à la situation dans laquelle était Trump aux États-Unis. Il essaie de défaire l’État de droit dans son pays pour des raisons parfaitement égoïstes. À mon sens, il a affaibli considérablement Israël et l’a rendu vulnérable. Pour moi, c’est un pays où la politique de l’éternité bat en brèche les fondements de la démocratie.”

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