Renaudot 2023 : Ann Scott récompensée pour "Les Insolents", un roman de l'exil

Elle ne faisait pas figure de favorite pour le prix Renaudot, pour lequel étaient également en lice Gaspard Kœnig pour Humus (L'Observatoire), Lilia Hassaine pour Panorama (Gallimard) et Sorj Chalandon pour L'Enragé (Grasset)... Cette année, le prix Renaudot a été attribué à la romancière Ann Scott, pour son roman Les Insolents, paru aux éditions Calmann-Lévy. Elle succède ainsi à Simon Liberati, lauréat 2022 pour Performance (Grasset).

Ancienne "reine des nuits techno-queer parisiennes", Ann Scott quitte Paris en 2019 pour une maison isolée des côtés bretonnes. Un changement de vie qui a inspiré ce nouveau roman. L'histoire d'Alex, Margot et Jacques, de véritables inséparables. Pourtant, Alex, compositrice de musique de films, a décidé de quitter la capitale. À 45 ans, installée au milieu de nulle part, elle va devoir se réinventer ; qu’importe, elle réalise enfin son rêve de vivre ailleurs et seule.

"J'étais arrivée à un stade où je n'étais plus là où j'avais envie d'être", confie Ann Scott sur le site de son éditeur Calmann-Lévy. Dans ce roman, l'héroïne part s'installer à la campagne : "C'est une sorte d'exil, elle s'en fout, elle veut juste être ailleurs. On demande beaucoup de choses à une ville, mais la nature, on ne lui demande rien d'autre que d'être belle, et elle est belle partout. À la campagne, au bord de la mer, quand quelque chose ne va pas, on sort et on oublie ce qui n'allait pas. À Paris, on l'emmène sur les trottoirs. On s'emmène soi-même là où on va."

"Une fille qui a les larmes aux yeux parce qu'elle ne sait pas où elle a trouvé le courage de tout quitter et qui espère que ça va aller. Qu'elle va faire de la bonne musique ici, qu'elle va continuer d'être sollicitée pour des projets importants même si elle n'est plus à Paris. Qu'elle va rester sur une pente ascendante, ou qu'au moins ses revenus vont rester stables. Qu'ils ne risquent pas de chuter au point qu'elle ne puisse ni repartir, ni garder la maison, et qu'elle se retrouve coincée dans un deux-pièces en province et finisse par se tirer une balle. Mais plus que tout, elle espère qu'elle ne va pas se perdre, qu'elle va continuer d'être ce qu'elle est, ou que ce qu'elle va devenir sera mieux qu'avant, et pas l'inverse." Ann Scott, extrait de Les Insolents.

Le personnage de son dernier roman est présenté comme un double de fiction de l'autrice. Née d'une mère russe photographe et d'un père français collectionneur d'art, Ann Scott a grandi à Paris avant de s'installer à Londres, à l'âge de 17 ans. Ancienne mannequin, batteuse dans un groupe punk, Ann Scott a beaucoup fréquenté le milieu underground des nuits parisiennes. Elle s'est lancée à 29 ans dans l'écriture, signant Asphyxie (J'ai lu, 1999), puis Superstar (J'ai lu, 2002).

Prix Renaudot Essai à Jean-Luc Barré pour "De Gaulle, une vie"

Écrivain et éditeur, Jean-Luc Barré est un habitué des biographies de grands personnages. Il remporte le prix Renaudot essai pour De Gaulle, une vie. L’homme de personne (1890-1944), publié aux éditions Grasset. Pour l'écriture de cet ouvrage, l'auteur s’est en grande partie fondé sur les archives du Général, qu’il a été le premier historien à pouvoir exploiter, mais également une grande quantité d’écrits inédits tirés de sa correspondance, ou exhumés des manuscrits de ses Mémoires, et des fonds d’archives publics ou privés en France et à l’étranger.

Jean-Luc Barré est notamment l’auteur de François Mauriac, une "biographie intime" en deux tomes (Fayard, 2009 et 2010), Prix des Editeurs, Prix de la biographie de l’Académie française. Il est aussi le co-auteur des Mémoires de De Gaulle dans La Pléiade.

Prix Renaudot du livre de poche à Manuel Carcassonne pour "Le Retournement"

Le journaliste et éditeur Manuel Carcassonne remporte le prix Renaudot du livre de poche pour Le Retournement (Le Livre de Poche). Dans ce récit d'archéologie familiale, l'auteur raconte comme un juif honteux de l’enfance, est rendu à son judaïsme par la rencontre amoureuse avec son double inversé...

Dans cette autofiction, Manuel, un descendant de juifs alsaciens par sa mère et de la communauté judéo-provençale des Juifs du Pape par son père, rencontre Nour, une Libanaise née à Boulogne. “La curiosité, c’est le goût de l’altérité. J’ai toujours été effrayé par l’idée d’appartenir à la majorité, et attiré par les minorités, déclarait Manuel Carcassonne, dans l'émission  Chrétiens d'Orient sur France Culture. Tout cela était pour moi une théorie abstraite, jusqu’au jour où ma route a croisé celle de la femme qui allait devenir mon épouse, une Libanaise grecque catholique de rite melkite. En l’épousant, j’ai épousé tous les drames, les tragédies, les beautés, les surprises du Liban, mais aussi de ceux que je ne connaissais que bien imparfaitement : les chrétiens d’Orient”.