Amaterasu, le rayon cosmique sans origine connue

Malgré leur dénomination, les rayons cosmiques ne sont pas des rayons lumineux mais des particules. ©Getty - EDUARD MUZHEVSKYI / SCIENCE PHOTO LIBRARY
Malgré leur dénomination, les rayons cosmiques ne sont pas des rayons lumineux mais des particules. ©Getty - EDUARD MUZHEVSKYI / SCIENCE PHOTO LIBRARY
Malgré leur dénomination, les rayons cosmiques ne sont pas des rayons lumineux mais des particules. ©Getty - EDUARD MUZHEVSKYI / SCIENCE PHOTO LIBRARY
Publicité

Les rayons cosmiques sont des particules accélérées, généralement en provenance de notre galaxie. Un rayon particulièrement énergétique nommé Amaterasu vient d'être détecté, mais il ne semble venir de nulle part.

Leur nom prête à confusion parce que ce ne sont pas des rayons lumineux, comme cela a été théorisé lors de leur découverte il y a un peu plus de 100 ans maintenant. Les particules cosmiques représentent des particules accélérées, habituellement originaires de notre galaxie.

La Méthode scientifique
58 min

Des particules accélérées

Les rayons cosmiques sont en réalité des particules, généralement en provenance de notre galaxie. Leur nature varie, mais elles sont le plus souvent chargées. Il s’agit en majorité de protons, mais aussi d'électrons ou de noyaux d'atomes. Ce sont donc des grains de matière “normale” qui sont violemment accélérés. En fonction de leur origine, l’énergie de ces rayons cosmiques peut grandement varier.

Publicité

Vincent Tatischeff est directeur de recherche CNRS au Laboratoire de physique des deux infinis à Orsay : "on utilise une unité d'énergie, l'électronvolt, qui est pratique dans ce domaine. On les détecte typiquement entre 1 million d'électronvolts, 10 puissance 6 électronvolts, et plus de 10 puissance 20 électronvolts, donc sur 14 ordres de grandeur en énergie. C'est colossal. Et le flux de ces particules décroît régulièrement avec l'énergie. On en détecte beaucoup plus qui ont des relativement faibles énergies, autour de 1 million d'électronvolts, que de ceux qui ont 10 puissance 20 électronvolts. Le flux varie sur 30 ordres de grandeur en énergie et de manière assez régulière, c'est vraiment une sorte de merveille de la nature. Trente ordres de grandeur, c'est ce qui sépare par exemple un millimètre de la taille de l'Univers observable, c'est énorme. Et au bout de ce spectre en énergie, les particules les plus énergétiques et donc de quelque 10 puissance 20 électronvolts, on en détecte qu'environ une particule par kilomètre carré de détecteur et par siècle. Donc c'est extrêmement peu."

Une gerbe atmosphérique

Les rayons cosmiques les plus énergétiques ne proviennent pas de notre galaxie, mais de bien plus loin dans l'Univers. Et pour les détecter, il n’y a pas besoin qu’ils frappent le sol. En réalité, quand ces particules entrent dans l'atmosphère terrestre, elles interagissent ensemble et produisent une flopée de particules secondaires qu’on appelle une gerbe atmosphérique — cette gerbe vient finalement percuter des détecteurs au sol.

Et c’est ainsi qu’un rayon cosmique extrêmement énergétique vient d’être détecté par le Télescope Array dans le désert de l’Utah. Il a été surnommé Amaterasu, du nom de la déesse du soleil dans la mythologie japonaise.  Cette nouvelle étude parue dans Science a établi que cette particule devrait avoir une énergie d’environ 2,4 10 puissance 20 électronvolts. C’est le troisième rayon cosmique le plus énergétique jamais détecté.

Un rayon cosmique venu… de nulle part

Et en regardant sa trajectoire, on peut remonter à sa source, mais le problème, c’est que ce rayon cosmique ne vient… de nulle part.

Vincent Tatischeff : "Les auteurs arrivent à cette conclusion que le rayon cosmique provient d'une zone où effectivement, il n'y a pas grand-chose. Donc ça, ça interroge parce qu'on s'attendrait à voir peut-être un trou noir supermassif au cœur d'une galaxie ou bien une galaxie à flambée d'étoiles, et on ne voit pas ça. Les auteurs de l'article avancent des hypothèses assez prudemment, que peut-être ce rayon cosmique pourrait être produit par une nouvelle source à laquelle on n'a pas pensé jusqu'à maintenant et qui serait à peu près invisible, qui serait une source assez proche comme ça et invisible, ou bien peut-être que ce rayon cosmique pourrait être d'une nature différente de ce qu'on connaît, donc ils invoquent une physique au-delà du modèle standard de la physique des particules."

La Science, CQFD
58 min

Encore de nombreuses incertitudes

C’est l’hypothèse la plus séduisante ou du moins la plus excitante, mais nous sommes encore loin de remettre en question toute la physique actuelle, car il y a encore beaucoup d’incertitudes sur cette mesure. D’abord, il y a une marge d’erreur non négligeable, le Télescope Array pourrait avoir surestimé un peu l’énergie du rayon cosmique. Ensuite, on ne connaît pas la nature de la particule en question, alors qu’un proton ou un noyau d’atome de fer par exemple, c’est très différent. Et pour finir, les rayons cosmiques sont déviés sur leur chemin par le champ magnétique de notre propre galaxie et on peine à estimer son effet.

Petite déception, mais cela ouvre à de nombreuses perspectives : il faudra améliorer les détecteurs, mais aussi les modèles afin de les appliquer sur les prochaines détections… qu’on espère pour bientôt. Car, si ces puissantes particules ne se détectent qu’une fois par siècle tous les kilomètres, la surface de détection des observatoires est très importante - donc on en détecte tout de même une petite dizaine par an.

La Conversation scientifique
59 min

L'équipe