Silicon Valley : la tentation libertarienne : épisode • 3/3 du podcast Les libertariens pensent l'économie

Mark Zuckerberg, fondateur de Facebook, à la conférence des développeurs F8 au McEnery Convention Center, 03/04/2019 ©Getty - picture alliance / Contributeur
Mark Zuckerberg, fondateur de Facebook, à la conférence des développeurs F8 au McEnery Convention Center, 03/04/2019 ©Getty - picture alliance / Contributeur
Mark Zuckerberg, fondateur de Facebook, à la conférence des développeurs F8 au McEnery Convention Center, 03/04/2019 ©Getty - picture alliance / Contributeur
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En quoi l’économie du numérique est-elle sous influence libertarienne ?

Avec
  • Nikos Smyrnaios professeur en sciences sociales à l’Université de Toulouse
  • Cyril Hédoin professeur des universités en sciences économiques à l’Université de Reims Champagne-Ardenne

Le 16 octobre dernier, Marc Andreessen, l’un des plus gros investisseurs de la Silicon Valley, a publié sur le blog de son entreprise a16z (Andreessen-Horowitz) un “manifeste du techno-optimisme” qui a secoué la Silicon Valley. Convaincu que les nouvelles technologies - et en particulier les chaînes de bloc et l’IA - sont la solution et le moyen de l’évolution de l’humanité, le manifeste s’attache sur plusieurs pages à citer de nombreux auteurs notoirement rattachés à la pensée libertarienne, comme Milton Friedman, Friedrich Hayek, ou encore l’écrivaine Ayn Rand.

La Silicon Valley comme incubateur idéal des idées libertariennes

L’essor de la Silicon Valley est une incarnation parfaite du “techno-solutionnisme”, Cyril Hédoin nous explique "on peut dire que le secteur de la tech est particulièrement propice à la transmission des idées libertariennes, et ce pour deux raisons différentes mais complémentaires. La première est opportuniste : depuis les années 1980, le dynamisme des économies modernes (et surtout de l’économie américaine) est en grande partie tiré par la Silicon Valley. Le libertarianisme attire les entrepreneurs par ses idées pro-marché, en faveur de la rémunération de la prise de risque : le fait que le secteur de la tech soit traversé par les idées libertariennes relève d’un phénomène d’autosélection. La deuxième explication est idéologique : le courant libertarien qui habite la Silicon Valley repose sur l’idée que la technologie représente une opportunité pour échapper au contrôle de l’Etat, perçu comme une entité coercitive à abattre". Nikos Smyrnaios ajoute "l”idéologie californienne” et la “culture start-up”, à la confluence entre libéralisme économique et déterminisme technologique, ont donné naissance au “solutionnisme technologique”, idée selon laquelle, grâce aux technologies numériques, tous les aspects de notre vie connaîtront une amélioration sans précédent, et tous les problèmes sociaux et économiques pourront être résolus par des algorithmes sophistiqués et des appareils “intelligents”. Cette idée a été transformée en doctrine dans les années 1990 par les digerati , une génération d’intellectuels libéraux et technophiles fédérés autour du magazine Wired, fondé par Stewart Brand et Nicholas Negroponte, un professeur flamboyant et très influent auprès de l’élite économique et politique états-unienne, créateur du Media Lab au sein du MIT".

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Plus qu’une expérience de pensée économique, un projet politique

La pensée libertarienne prône l'affranchissement de la puissance étatique en s’attaquant aux prérogatives régaliennes, selon Cyril Hédoin "l’axe principal de la pensée libertarienne propre à la Silicon Valley se situe dans la question monétaire. La monnaie est le symbole premier de la puissance de l’Etat (ou de la domination étatique dans le prisme libertarien) : c’est seulement grâce à la monnaie, émise par des institutions publiques, que l’on peut payer ses impôts - considérés comme un vol par les libertariens". Par ailleurs, Nikos Smyrnaios nous explique que "certains, comme Elon Musk ou Jeff Bezos, ont embrassé la philosophie long-termiste issue des travaux de Nick Bostrom, fondateur du Future of Humanity Institute (FHI) à Oxford. Le long-termisme va bien au-delà de l’idée que nous devrions nous soucier des générations futures autant que des générations actuelles. Pour Bostrom, il importe surtout que la “vie intelligente d’origine terrestre” réalise son potentiel dans le cosmos - potentiel qui implique de remplacer l’humanité par une espèce supérieure « post-humaine » et de coloniser l’univers".

Pour aller plus loin

  • Article de Nikos Smyrnaios "« De Jeff Bezos à Elon Musk. L’idéologie cynique de la Silicon Valley", revue Nectart, n°16,  2023
  • Article de Niko Smyrnaios "La nouvelle bourgeoisie issue de la Silicon Valley", revue La Pensée, n°409, 2022
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