Pologne/Ukraine : la crise des routiers, prémices d’une crise européenne ?

Des camions font la queue  au poste de contrôle de Rava-Ruska, à la frontière ukraino-polonaise, le 18 avril 2023. ©AFP
Des camions font la queue au poste de contrôle de Rava-Ruska, à la frontière ukraino-polonaise, le 18 avril 2023. ©AFP
Des camions font la queue au poste de contrôle de Rava-Ruska, à la frontière ukraino-polonaise, le 18 avril 2023. ©AFP
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Depuis un mois, des routiers polonais bloquent des camions ukrainiens à la frontière pour dénoncer une concurrence déloyale. À quelques jours d’une éventuelle ouverture des négociations sur l’adhésion de l’Ukraine à l’Union européenne, cette crise est-elle le symptôme d’une crise européenne ?

Avec
  • Jacques Rupnik Historien, politologue, directeur de recherche émérite au CERI/Sciences Po

Depuis un mois, des camionneurs polonais perturbent le passage des camions ukrainiens à la frontière, exprimant ainsi leur mécontentement face à une concurrence jugée déloyale. À l'approche des négociations potentielles sur l'adhésion de l'Ukraine à l'Union européenne, pourrait-on interpréter cette situation comme le reflet d'une crise plus vaste au sein de l'Europe ?

Une “concurrence déloyale” ?

Cet affrontement entre camionneurs ukrainiens et polonais remonte en réalité au déclenchement de la guerre en février 2022 : “le besoin pour l’Ukraine de pouvoir accéder au marché européen a fait que l’on a octroyé aux camionneurs ukrainiens quasiment les mêmes droits que les autres au sein de l’Union européenne”, explique Jacques Rupnik, historien, politologue et directeur de recherche au CERI. Les camionneurs polonais dénoncent alors une concurrence déloyale et prétendent avoir perdu environ un tiers de leur revenu.

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Entre soutien politique et pressions populaires

Selon Jacques Rupnik, “les camionneurs polonais ont rallié à leur cause des routiers d’autres pays d’Europe centrale. La Pologne, pendant un an, répétait haut et fort son soutien à l’Ukraine. Cet été, le blocage du blé ukrainien par le gouvernement polonais sous la pression des agriculteurs était l'un des premiers signes du décalage entre le soutien politique et militaire à l’Ukraine et ses conséquences concrètes”.

Qu’imaginer pour la suite ?

Par ailleurs, la Pologne ne serait pas favorable à une entrée de l’Ukraine dans l’Union européenne : “concrètement, l’Ukraine deviendrait dans ce cas le plus grand pays agricole de l’Union européenne. Ce serait également la fin de la Politique Agricole Commune (PAC), car toutes les subventions iraient massivement vers l’Ukraine et d’autres pays en pâtiraient sérieusement”, d’après l’historien. Enfin, la question des réfugiés ukrainiens en Pologne provoque une certaine lassitude au sein de la population. Si une partie a émigré en Allemagne, il y a aujourd’hui plus de deux millions et demi d’Ukrainiens dans le pays et ces derniers pourraient dès lors constituer une minorité non négligeable dans le pays.

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