Chocolat : une industrie au goût amer : épisode • 2/2 du podcast Le réveillon de l’éco : les petits plats dans les grands

Fabrication de chocolat lors d’un atelier à New York le 15 octobre 2022. ©AFP - Daniel Zuchnik
Fabrication de chocolat lors d’un atelier à New York le 15 octobre 2022. ©AFP - Daniel Zuchnik
Fabrication de chocolat lors d’un atelier à New York le 15 octobre 2022. ©AFP - Daniel Zuchnik
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D'abord réservé à l'aristocratie européenne, le chocolat est désormais un produit mondialisé. Sa production oppose des planteurs mal rémunérés aux géants du cacao, sur une chaîne de valeur qui se déploie à l'avantage des distributeurs.

Avec
  • François Ruf Economiste, chercheur retraité du Cirad, spécialiste du cacao
  • Frédéric Amiel Coordinateur des Amis de la Terre France, auteur de Petite histoire de la mondialisation à l’usage des amateurs de chocolat

Comment le chocolat est-il devenu un produit de masse ? Aliment mondialisé issu de plantations familiales, quels rapports de force cristallisent sa production ? Face à ces enjeux éthiques, les consommateurs peuvent-ils compter sur les labels garantissant justice sociale et respect des normes environnementales ?

Boisson de luxe réservée à l'aristocratie européenne, le chocolat se popularise au 19e siècle grâce à l’essor de nouvelles techniques et à l’expansion coloniale. Bien que “non nécessaire”, il s’agit désormais d’un produit mondialisé : le cacao est cultivé dans le Sud, avec environ 60 % de la production originaire du Ghana et de Côte d'Ivoire, et le chocolat est massivement consommé dans le Nord, notamment en Europe de l’Ouest.

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Comme le précise François Ruf, "le cacao a besoin d’un climat chaud et humide. Il n’y a que dans des latitudes proches de l’Équateur que cette culture est vraiment possible et rentable. On n’est pas dans un secteur comme l’huile de palme, qui est concurrencée par d’autres huiles. Les pays proches de l’Équateur ont donc un monopole de production dans le cacao, mais aux dépens de leur forêt tropicale".

Un modèle de production familial

Malgré son ampleur internationale, le modèle de production du cacao reste la plantation familiale. La plupart du temps, les fèves sont cultivées par des planteurs puis achetées par des multinationales. Ainsi, le cacao est peu transformé sur place, et la valeur ajoutée de sa production est essentiellement captée par les acteurs en bout de chaîne (marques de confiseries, grandes surfaces). Face à ce déséquilibre, certains planteurs s’organisent en coopératives pour espérer une meilleure rémunération. Cependant, le nombre d’intermédiaires et l’opacité du secteur entravent leurs revendications. Par ailleurs, les labels et certifications “équitables”, qui investissent de plus en plus les rayons occidentaux, souffrent d’un manque de traçabilité souvent bien connu des multinationales.

Cacaoyers et déforestation

Dans ce bras de fer inégal entre paysans et géants du cacao, le rôle des gouvernements n’est pas à négliger. En effet, ces dernières années, les mutations du secteur inquiètent les pays exportateurs : les pépinières de cacao vieillissent, la production cacaoyère connaît une véritable crise des vocations et la frénésie de la production a accéléré la déforestation. Autant de facteurs qui poussent ces États à prendre des mesures en faveur des planteurs, afin de rendre la profession attractive et de continuer à produire une matière première qui leur rapporte.

La responsabilité des supermarchés

Selon Frédéric Amiel, les multinationales ne peuvent pas être seules tenues responsables de la mauvaise répartition de la valeur ajoutée dans le secteur du cacao. "Aujourd’hui, la plus grande marge n’est pas réalisée par les grandes marques de confiserie. Les grands supermarchés, les grands hypermarchés ont une responsabilité fondamentale dans le fait de tirer les prix vers le bas et dans la mauvaise rémunération des producteurs". Un problème d’ailleurs commun à d’autres chaînes de valeur, même plus locales, telles que celle du lait.

Le Reportage de la Rédaction
4 min
La Transition
3 min

Pour aller plus loin

  • Frédéric Amiel : Petite histoire de la mondialisation à l’usage des amateurs de chocolat (Éditions de l’Atelier, 2021)
  • François Ruf : " [Cacao] Un modèle historique universel", Revue Sésame, 15 décembre 2023

Références sonores

Références musicales

  • I Want A Little Sugar In My Bowl de Nina Simone

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