Mark Rothko et Nicolas de Staël : donner forme aux couleurs

Mark Rothko (à gauche) et Nicolas de Staël (à droite) dans leur atelier. ©Getty - Ben Martin / Wikipedia
Mark Rothko (à gauche) et Nicolas de Staël (à droite) dans leur atelier. ©Getty - Ben Martin / Wikipedia
Mark Rothko (à gauche) et Nicolas de Staël (à droite) dans leur atelier. ©Getty - Ben Martin / Wikipedia
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Mark Rothko et Nicolas de Staël sont actuellement à l'honneur à la Fondation Louis Vuitton et au Musée d'Art Moderne de Paris. Quels liens peut-on tisser entre les œuvres de ces deux peintres au cœur desquelles les formes et les couleurs s'articulent de manière singulière ?

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Mark Rothko, un itinéraire inédit

Pour la première fois en France, une rétrospective est consacrée au peintre américain Mark Rothko à la Fondation Louis Vuitton et réunit 115 œuvres. Pour Annie Cohen-Solal, spécialiste de l’histoire de l’art aux États-Unis et autrice de Marc Rothko, paru en octobre 2023 aux éditions Folio Histoire Gallimard, cette exposition “est une bonne manière d’entrer dans l'œuvre du peintre et de comprendre son évolution. Ce qui est fascinant avec Rothko, c’est qu’il n’a pas été formé comme artiste, mais arrive à l’art de manière étonnante. Il est le fils d’une famille bourgeoise russe, mais rien le prédestinait à l’art.” À Houston au Texas, la Rothko Chapel symbolise sa démarche artistique : il s’agit d’un espace épuré orné de peintures où un puits de lumière illumine tant bien que mal les œuvres du peintre. “La première fois que je suis rentré dans cette chapelle, j’ai été saisie. Cette chapelle nous force à l’attente : notre pupille doit s’adapter à l’obscurité avant de découvrir véritablement les œuvres”, ajoute l’écrivaine.

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Nicolas de Staël, le voyage comme inspiration

“L'exposition au musée d’Art moderne de Paris montre bien que les étapes de la vie de Nicolas de Staël sont aussi des étapes artistiques. En 1919, il fuit la Russie pour se réfugier en Pologne afin d’échapper à la Révolution. Son intérêt pour la peinture naît à ce moment-là. Il réalise ensuite plusieurs voyages qui seront fondamentaux pour sa peinture, en Italie ou encore au Maroc. Ce dernier voyage au Maroc a constitué toute la sensibilité de sa peinture, c’est-à-dire sa perception des lumières, des sons, des couleurs”, explique sa petite-fille et coordinatrice du Comité Nicolas de Staël, Marie du Bouchet. Mark Rothko et Nicolas de Staël ont des trajectoires similaires : ils ont un lien avec l’espace soviétique, leur rapport à la couleur est tout à fait singulier et leur vie s’achève sur un suicide. “Ils ont des parcours très différents au niveau du cheminement formel, car Rothko a d’abord eu une période figurative significative, quand le prélude de de Staël est plutôt dans l’abstraction, même s’il refuse ce terme. Leur premier point commun selon moi, c’est que les deux peintres ont tous deux affirmé leur fascination pour le tableau 'L’Atelier Rouge' de  Matisse, qui a eu des répercussions sur leur peinture”, souligne Stéphane Lambert, écrivain belge, auteur d’une monographie de Nicolas de Staël paru chez Gallimard cette année, intitulée Nicolas de Staël, la peinture comme un feu.

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Le travail sur la lumière au cœur de leur peinture

“Ce qui les rapproche aussi très fortement, c’est que ce sont plus que des peintres. Ils ont perdu tragiquement leur langue et leurs repères fondamentaux dès le début de leur vie. Il n’y avait que la peinture qui existait pour eux”, affirme Stéphane Lambert. Du point de vue technique, le travail sur la  lumière les liait également. Ils sont en quête de simplicité et d’épuration. Marie du Bouchet conclut : “les deux peintres ont une manière particulière de faire vibrer les couleurs et de les rendre brillantes. Ils parviennent à rapprocher des couleurs qui d’ordinaire n’iraient pas ensemble.”

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